Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP) est parvenue, le 1er février dernier, à un texte commun sur le projet de loi de reconnaissance et de réparation envers les anciens membres des formations supplétives et leurs familles.
Cet accord traduit l’objectif partagé de nos deux assemblées de franchir un pas supplémentaire dans la reconnaissance que la Nation doit aux harkis, à ces combattants qui se sont engagés pour la France et qui ont été abandonnés à leur sort, puis hébergés, pour certains d’entre eux, dans des conditions particulièrement indignes, dans des structures telles que des camps ou des hameaux de forestage.
Le Sénat a adopté ce projet de loi en première lecture. Il a considéré que, bien que présentant des avancées notables, ce texte ne pouvait en aucun cas constituer un « solde de tout compte » envers les harkis et les autres membres des formations supplétives.
Par l’adoption du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui reprend la plupart des apports du Sénat et de l’Assemblée nationale, nous avançons donc sur le chemin de la réconciliation et de la mémoire, qui – nous le savons – sera encore long.
Nous affirmons ainsi, à l’article 1er, la reconnaissance de la Nation envers les harkis qui ont servi la France et qu’elle a abandonnés. Est également reconnue, à cet article, la responsabilité de l’État du fait de l’indignité des conditions d’accueil dans des camps et des hameaux. Sur l’initiative du Sénat, la responsabilité de l’État concerne des « structures de toute nature » qui ont hébergé des harkis et des membres de leurs familles dans des conditions indignes. Cette précision permet ainsi de viser certaines prisons reconverties en lieux d’hébergement.
Cette responsabilité étant ainsi reconnue, un mécanisme de réparation est prévu, à l’article 2, pour que toute personne ayant séjourné dans ces structures puisse bénéficier d’une somme forfaitaire, calculée au prorata de la durée d’hébergement et dont le montant sera fixé par décret.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire a en outre conservé l’article 1er bis dans la rédaction du Sénat, lequel a précisé que la journée d’hommage national aux harkis permettra de commémorer non seulement les sacrifices des harkis, mais aussi les sévices subis.
Une commission nationale de reconnaissance et de réparation, créée à l’article 3, statuera sur les demandes de réparation de préjudice et contribuera au travail mémoriel. La commission mixte paritaire a retenu les apports de l’Assemblée nationale pour que cette commission puisse proposer de faire évoluer la liste des structures concernées par le mécanisme de réparation.
Elle a également conservé les apports du Sénat, qui ont permis de garantir l’indépendance de cette commission et de clarifier la répartition des rôles entre cette instance et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), en la rattachant notamment au Premier ministre.
Sur l’initiative du Sénat, cette commission devra entendre les harkis combattants qui en font la demande et pourra leur proposer toute mesure de reconnaissance appropriée. Elle pourra également proposer de faire évoluer les mesures de reconnaissance et de réparation existantes envers les harkis et les membres de leurs familles. Cette dernière mission est essentielle en ce qu’elle laisse la porte ouverte à d’éventuelles évolutions des dispositifs existants et à des mesures complémentaires de reconnaissance ou de réparation.
Les futurs travaux du Gouvernement et du Parlement pourront ainsi s’appuyer sur les propositions de la commission nationale, qui aura recueilli de nombreux documents et témoignages.
Ainsi que le prévoit l’article 4, les missions de l’ONACVG sont complétées pour que l’Office puisse assister la commission nationale dans l’exercice de ses missions.
Le texte de la commission mixte paritaire conserve l’apport du Sénat qui, à l’article 7, a allongé de quatre à six ans la période au cours de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère.
Enfin, la commission mixte paritaire a fait le choix de supprimer l’article 8 qui prévoyait une peine d’amende spécifique pour l’injure et la diffamation commises envers un ancien supplétif en raison de sa qualité. Ces infractions sont déjà punies par la loi au titre de l’assimilation aux forces armées ou dans le cadre du droit commun.
Il convient donc de s’en tenir au droit existant, un régime spécifique présentant d’importants risques de rupture d’égalité devant la loi pénale et de traitements différenciés selon l’appartenance à telle ou telle communauté, réelle ou supposée.
Mes chers collègues, au nom de la commission mixte paritaire, je vous propose donc d’adopter ce projet de loi qui, loin de panser des plaies encore vives pour nombre de nos compatriotes, apporte toutefois des mesures utiles pour la reconnaissance et la réparation que la Nation doit aux harkis et à leurs familles. C’est une étape : nul doute qu’il nous faudra poursuivre le travail ; nous le devons à nos concitoyens.