Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Harkis et autres personnes rapatriées d'algérie — Vote sur l'ensemble

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier une nouvelle fois les associations de harkis pour avoir accompagné notre travail de leurs éclairages et de leurs propositions, nourris par leurs vies ou celles de leurs proches. Je remercie également l’ensemble de mes collègues parlementaires de leur engagement et de leur participation à un texte aussi important.

Les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont voté en faveur de ce projet de loi, car ce texte s’inscrit dans la lignée des différentes lois et des discours présidentiels ayant donné des signes de reconnaissance envers les harkis.

François Hollande, dans un discours de 2016, a reconnu explicitement la responsabilité du gouvernement français dans « l’abandon des harkis, les massacres de ceux restés en Algérie, et les conditions d’accueil inhumaines des familles transférées dans les camps en France ».

En inscrivant dans la loi la reconnaissance de la Nation envers les harkis, leur abandon et la responsabilité de l’État dans les conditions indignes de leur rapatriement après les accords d’Évian, nous faisons un pas de plus vers une mémoire apaisée.

Ce projet de loi répond également à une ancienne demande des veuves de harkis en modifiant le délai durant lequel elles peuvent faire valoir leur droit à l’allocation viagère. Le bénéfice de cette allocation sera de plus étendu aux veuves dont le conjoint vivait dans un autre pays de l’Union européenne.

Néanmoins, comme nous le soulignons tous, ce texte ne peut valoir pour solde de tout compte. Nous regrettons que nos propositions n’aient pas été retenues et que subsiste ainsi une distinction de reconnaissance et de droits entre les anciens harkis. Nous l’avons dit à maintes reprises, le texte exclut du dispositif de reconnaissance celles et ceux qui n’ont pas transité par certaines structures. Pourtant, dans bien des cas, il s’agit de familles arrivées en France par leurs propres moyens, sans bénéficier d’un rapatriement militaire.

Nous déplorons donc que la loi n’étende pas la reconnaissance de la responsabilité de l’État en ce qui concerne les conditions d’accueil et de vie sur le territoire à l’ensemble des anciens harkis et de leurs familles rapatriées. Nous en sommes convaincus, un droit à réparation individuelle et une reconnaissance non discriminatoire seraient source d’apaisement.

De plus, au-delà des sommes allouées, le système forfaitaire retenu n’est pas à la hauteur des préjudices dont furent victimes les harkis et leurs familles. En aucun cas, il ne représente une reconnaissance par la Nation des violences vécues. Dans son idée même, ce système permet certes l’acceptation d’un préjudice, mais non la reconnaissance de la culpabilité. Les anciens harkis et leurs familles méritent que leur histoire et leurs souffrances soient entendues et justement réparées.

Enfin, le texte ne reconnaît pas que les personnes concernées étaient et sont des citoyens français à part entière, comme le précise l’ordonnance du 21 juillet 1962. Ce manque de reconnaissance demeure une vraie blessure pour l’ensemble des anciens harkis. Nous regrettons qu’un consensus n’ait pas pu être trouvé sur cette question.

Si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, c’est parce que nous faisons un pas supplémentaire pour mieux reconnaître tant les souffrances des harkis et de leurs familles que les sacrifices endurés par toutes les victimes de la guerre d’Algérie, qu’il s’agisse des rapatriés, des anciens membres des formations supplétives et assimilés, des disparus ou des victimes civiles et militaires.

Le travail de reconnaissance et de mémoire, qui s’inscrit dans le temps long, doit continuer. Il est primordial d’engager au plus vite le processus de réparation. La commission nationale indépendante mise en place par ce texte doit se mettre au travail au plus tôt, afin que chaque ancien harki reçoive la réparation à laquelle il a désormais droit. En tant que parlementaires, nous y veillerons.

Enfin, nous veillerons aussi à ce que la mémoire des harkis continue de vivre et d’être transmise, notamment grâce au travail de l’ONACVG, pour qu’aucune voix ne soit oubliée. Il faut faire vivre cette mémoire commune, qui participe à notre richesse : celle de la réconciliation nationale et du vivre-ensemble.

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