Intervention de Michelle Gréaume

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Harkis et autres personnes rapatriées d'algérie — Vote sur l'ensemble

Photo de Michelle GréaumeMichelle Gréaume :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les travaux de la commission mixte paritaire ont démontré l’existence d’un large consensus politique en faveur tant de la reconnaissance de la Nation envers les harkis que de la réparation due à leurs descendants.

La guerre d’indépendance algérienne fut, avec celle d’Indochine, la plus dure des guerres de décolonisation française du XXe siècle.

L’exigence de mener un travail mémoriel dans un climat d’apaisement nous impose de reconnaître la responsabilité de la France dans le massacre de Sétif du 8 mai 1945, ainsi que la responsabilité de l’armée française dans l’assassinat de Maurice Audin en 1957.

Avec d’autres parlementaires communistes, j’étais présente, la semaine dernière, aux commémorations du massacre du métro Charonne. Voilà soixante ans, le préfet de police Maurice Papon réprimait dans le sang une manifestation pour l’indépendance en Algérie, tuant neuf militants communistes ou syndicalistes et faisant 250 blessés.

Nous n’oublions pas l’ensemble des victimes des crimes et atrocités commis lors de la guerre de décolonisation algérienne. La réconciliation de la France et de l’Algérie a été trop longtemps entravée. Il est temps de reconstruire une mémoire commune entre nos deux pays : c’est indispensable.

Contrairement à ceux qui voudraient réécrire l’histoire et rouvrir les plaies, je voudrais rappeler le rôle des députés Georges Colombier et François Rochebloine et des sénateurs Alain Néri et Guy Fischer, notre regretté collègue. Ces quatre parlementaires, issus de tendances politiques différentes, sont à l’origine de la loi faisant du 19 mars la journée nationale du souvenir.

Le texte qui nous réunit aujourd’hui n’est pas parfait. Nous partageons les propos de Mme Patricia Mirallès, rapporteure de la commission mixte paritaire pour l’Assemblée nationale, qui a dit avoir conscience que ce projet de loi ne répond peut-être pas à toutes les souffrances, à toutes les douleurs, à tous les traumatismes subis par les harkis et leurs familles.

Comme nous l’avions souligné en première lecture, nous continuons de regretter que les critères d’indemnisation choisis par le Gouvernement excluent la moitié des harkis du bénéfice de la réparation.

En limitant la réparation aux seules familles passées par des structures comme les camps de transit et de reclassement, le texte exclut celles qui ont été placées dans les cités urbaines.

En limitant la réparation aux harkis ayant séjourné dans des structures entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975, le texte ne tient pas compte des familles qui y ont demeuré pendant de nombreuses années.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous estimons que la réparation aurait dû prendre la forme d’une somme unique, plutôt que d’une somme forfaitaire créant une division entre familles de harkis. Je pense notamment à celles qui ont perdu leurs proches dans les camps date d’internement et qui, avec les critères prévus par l’étude d’impact, subissent une double peine.

Ce texte constitue néanmoins une étape supplémentaire de la reconnaissance de la Nation envers les harkis et les oubliés d’Algérie. Toutefois, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les moyens dont bénéficie l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre pour remplir sa mission d’indemnisation.

Le rapport budgétaire de notre collègue Marc Laménie lors de l’examen de la dernière loi de finances montrait que l’évolution des crédits ne suivait pas celle des missions attribuées. Ainsi, entre 2014 et 2021, les crédits ont progressé de seulement 2, 6 millions d’euros, tandis que les effectifs de l’ONACVG ont été réduits quasiment de moitié.

Alors que le traitement des dossiers de demande d’indemnisation des harkis nécessiterait le recrutement de 6 équivalents temps plein supplémentaires, le budget 2022 supprime 23 postes par rapport à 2021.

Cette contradiction entre les besoins supplémentaires et la réduction des dépenses de personnel et de fonctionnement de l’Office ne peut se justifier uniquement par la baisse des ressortissants. Au-delà de l’inscription de la responsabilité de la Nation dans la loi, il faut, pour la transmission de l’histoire des harkis, des moyens financiers et humains. Nous espérons par conséquent que les crédits budgétaires pour les prochaines années seront revus à la hausse.

Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront en faveur du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

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