Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe Union Centriste se réjouissent de la réussite de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local.
Ce projet de loi vise à réparer les préjudices subis par eux et leur famille, du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.
Les versions du texte adopté par l’Assemblée nationale le 18 novembre 2021 et par le Sénat le 25 janvier 2022 comportaient peu de divergences, ce qui a favorisé une voie de compromis de bon augure. Nous nous félicitons de cet accord équilibré et cohérent, qui résulte du travail mené en bonne intelligence par nos deux chambres, dans un esprit de coopération.
Je tiens à remercier Mme la ministre Geneviève Darrieussecq de son engagement, ainsi que notre collègue Marie-Pierre Richer de la qualité de son rapport sur un sujet difficile et sensible, qui concerne une page tragique de notre histoire.
Nous considérons que ce projet de loi constitue une avancée. Il s’inscrit en effet dans une trajectoire de réparation des blessures liées à une mémoire encore vive et toujours douloureuse.
Même si ce texte ne répondra jamais à toutes les douleurs de la composante harki, il marque une étape importante du processus de reconnaissance et de réparation.
La navette parlementaire a permis d’en améliorer les dispositions. Je pense à l’introduction par l’Assemblée nationale, à l’article 1er, de la notion d’« abandon », qui correspond bien au sort réservé aux harkis et à leurs descendants, ou encore au renforcement des missions de la commission nationale de reconnaissance et de réparation instituée à l’article 3.
Le Sénat a précisé et enrichi ce projet de loi, particulièrement grâce aux efforts de notre collègue rapporteure Marie-Pierre Richer, pour qui il ne pouvait en aucun cas constituer un « solde de tout compte ».
Grâce au Sénat, la journée d’hommage national aux harkis permettra de commémorer non seulement leur sacrifice, mais aussi les sévices qu’ils ont subis. Notre assemblée a également précisé que la responsabilité de l’État visait des structures de toute nature, y compris certaines prisons qui ont été reconverties en lieux d’hébergement.
Nous apprécions le rattachement de la commission nationale de reconnaissance et de réparation au Premier ministre. Cette mesure permet de clarifier la répartition des rôles entre cette commission et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, tout en renforçant les garanties d’indépendance de cette nouvelle instance.
Les représentants de l’État siégeant en son sein seront désignés par le Premier ministre et non plus par le ministre chargé des anciens combattants. Cette commission pourra ainsi statuer sur les demandes d’indemnité, signaler toute situation qui mérite un accompagnement spécifique et contribuer aux futurs travaux du Gouvernement sur ce sujet.
Quant à l’ONACVG, elle assurera des missions de soutien nécessaire au bon fonctionnement de la commission. Nous saluons donc la création de ce dispositif tout à fait pertinent.
Enfin, il faut mentionner une autre réelle avancée : l’allongement de quatre ans à six ans de la période au cours de laquelle les veuves des anciens membres des formations supplétives ou assimilés peuvent solliciter le bénéfice des arrérages de l’allocation viagère.
La rédaction initiale du projet de loi a été enrichie par les travaux du Sénat et de l’Assemblée nationale, afin de répondre aux préoccupations légitimes des harkis.
À la veille de la célébration des soixante ans des accords d’Évian, ce texte instaure de nouvelles mesures de reconnaissance et de réparation et pose le principe de la responsabilité de la France. Toutefois, il ne comble pas toutes les attentes, ne referme pas toutes les plaies et ne compense pas notre retard accumulé. Surtout, il ne répond pas à toutes les frustrations et à tous les traumatismes subis par la composante harki pendant tant de décennies.
En tout état de cause, aucune mesure d’indemnisation financière ne permettra jamais de réparer intégralement un tel préjudice. Il nous appartient d’avancer sur ce long chemin de la réconciliation et de la mémoire envers les harkis et les autres membres des formations supplétives. Nous avons toujours un devoir de reconnaissance, un devoir de réparation et un devoir de mémoire envers ces combattants et leurs familles, ces soldats qui, par le sacrifice du sang versé, ont tout donné à leur pays, la France.
Notre travail ne s’arrête pas là ; il devra se poursuivre pour défendre la cause harki, pour communiquer sur le drame des harkis et la grande résilience dont ont fait preuve leurs familles, pour réfléchir aux modalités les plus appropriées de réparation des préjudices subis par les harkis, pour rendre à leurs descendants la fierté d’être Français et totalement intégrés à la Nation, pour transmettre aux futures générations la mémoire de l’engagement des supplétifs au service de la Nation lors de la guerre d’Algérie et des conditions dans lesquelles ils ont été accueillis en France – nous ne pouvons accepter aucune forme d’oubli.
Enfin, à tous ces combattants et à leurs familles, je voudrais dire que leur sacrifice et leur résilience ne seront pas oubliés.
Comme le disait Paul Valéry : « La mémoire est l’avenir du passé. » La mémoire est un socle pour la construction de nos identités, un pilier pour notre cohésion nationale afin de bâtir une nation plus forte, plus solidaire, plus unie et plus résiliente. Une nation qui connaît son passé, qui défend ses valeurs et qui n’oublie pas ceux qui se sont engagés pour elle. La connaissance de notre passé et la reconnaissance de sa complexité sont des clés pour comprendre notre présent et construire sereinement notre avenir.