L’actualité est riche, débordante même, et nombreux sont les faits qui appellent notre attention, nous amènent à nous interroger, nous préoccupent, nous alarment.
Toutefois, je ne me suis pas inscrit dans ce débat simplement pour commenter l’actualité ! Nos concitoyens attendent de nous autre chose : ils souhaitent que le Parlement fasse son travail, qu’il contrôle l’action du Gouvernement, qu’il critique les orientations de la politique étrangère et formule des recommandations utiles ; ils s’attendent à ce que l’opposition vous interroge, madame la ministre d’État, sur les tragiques événements qui ont eu lieu à la frontière entre le Mali et le Niger, sur la mort de ces deux garçons, qui a soulevé une grande émotion dans notre pays, émotion que nous comprenons et que nous partageons.
Nous souhaitons aussi vous questionner sur l’opération militaire déclenchée pour les sauver et qui a malheureusement échoué, sur l’efficacité de la méthode employée, sur la doctrine, la stratégie qui doivent guider ce type de réactions. Poser des questions n’est pas s’opposer ; c’est la latitude normale d’un parlementaire, qu’il soit dans l’opposition ou dans la majorité.
Ces interrogations sont légitimes, surtout dans cette enceinte, d’autant que la politique étrangère de la France pâtit aujourd’hui d’un grand manque de lisibilité et de l’atonie de l’outil diplomatique.
La chute de la dictature tunisienne vous a prise de court. Certaines déclarations auraient dû être évitées et d’autres, exprimant un soutien au peuple tunisien, ne sont pas venues à temps. Pourtant, que ce soit au sein de la commission ou en séance publique, Mme Cerisier-ben Guiga n’avait pas manqué de nous alerter sur la situation en Tunisie.
Madame la ministre d’État, le problème est qu’on ne perçoit plus le sens de la politique étrangère de la France : à l’égard du Maghreb, du Proche-Orient, de l’Afrique, on ne voit rien venir, rien d’original en tout cas ; on suit les mouvements, on tente de les épouser…
Deux de vos prédécesseurs, MM. Védrine et Juppé, lequel siège à vos côtés au conseil des ministres, se sont justement inquiétés de cette situation. Ils se sont élevés contre l’affaiblissement constant de l’appareil diplomatique, victime d’anémie budgétaire et d’une certaine somnolence, privé qu’il est des attributs essentiels de sa fonction par la grâce de l’activisme de l’Élysée et de ses émissaires plus ou moins officiels…
Madame la ministre d’État, vous me connaissez, je n’avance pas masqué et je ne mâche pas mes mots : allez-vous reprendre les dossiers de politique internationale délaissés par votre prédécesseur et traités couramment par M. Guéant et ses conseillers à l’Élysée, qui les ont confisqués ?