Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion générale

Éric Dupond-Moretti :

Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous allez examiner aujourd’hui touche, au fond, à l’une des composantes les plus intimes de l’identité d’un homme ou d’une femme : son nom de famille.

Toujours porteur des racines, le plus souvent source de fierté, le nom de famille peut aussi être une souffrance : une souffrance que, trop longtemps, notre société n’a pas voulu voir ou, pis, qu’elle a accentuée en transformant en parcours du combattant la procédure pour en changer.

Ce texte est un texte qui répare, un texte que beaucoup de nos concitoyens attendent pour apaiser la douleur de porter un nom. Car, nous le savons, certaines personnes supportent leur nom plus qu’elles ne le portent.

Ce texte est avant tout un texte qui simplifie. Le nom de l’enfant mineur peut en effet être une source de tracasseries pour le parent qui n’a pas transmis son nom et qui, pourtant, élève l’enfant au quotidien. Je pense également à l’humiliation qu’éprouvent ces mères de famille qui doivent sans cesse montrer leur livret de famille pour prouver qu’elles sont bien la mère de l’enfant qui ne porte pas leur nom.

Ce texte est aussi un texte d’égalité, un texte qui permettra aux deux parents – j’y insiste : aux deux parents – de transmettre plus facilement leur nom de famille à leur enfant.

Ce texte permettra également à tous ces enfants qui portent le nom d’un père absent ou violent de rendre enfin hommage à leur mère courage.

Ce texte, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ne bouleverse ni le droit de la filiation, qu’il ne modifie d’ailleurs en rien, ni les règles d’attribution et de dévolution du nom de famille. Il vise à permettre à nos concitoyens qui le souhaitent de retrouver la fierté de porter un nom en adéquation avec leur passé, avec leur identité, avec leur intimité. C’est là quelque chose d’absolument indispensable.

Alors, bien sûr, j’entends un certain nombre de contrevérités exprimées ici et là, notamment dans la presse. J’ai entendu également les procès d’intention qui étaient intentés au Gouvernement. Que les choses soient ici très clairement dites : je soutiens cette loi pour ce qu’elle est une loi majeure de simplification, d’égalité et de liberté.

Je vais donc revenir très précisément sur ce que contenait cette proposition de loi avant qu’elle ne soit amendée par votre commission.

De quoi s’agit-il exactement ? Il s’agit tout d’abord de simplifier les règles de changement de nom pour les personnes qui, après leur majorité, veulent substituer ou ajouter à leur nom celui du parent qui ne leur a pas été transmis.

Vous le savez, les réformes de 2005, puis de 2013, ont introduit dans le droit du nom une certaine souplesse. La procédure de changement de nom est cependant restée d’une grande rigidité : elle nécessite des formalités préalables de publicité, puis une instruction par les services de la Chancellerie, qui contrôlent l’existence d’un motif légitime.

S’il est fait droit à la demande, il faut encore que le Premier ministre signe un décret, lequel est ensuite publié au Journal officiel de la République française. Cela coûte de l’argent – environ 200 euros – et cela prend du temps, parfois beaucoup de temps. Cela demande aussi de se dévoiler, de dévoiler des choses qui relèvent très souvent de l’indicible, qui ne regardent personne, et certainement pas l’administration.

J’ai reçu un nombre colossal de témoignages qui convergent : cette procédure longue et intrusive au mieux décourage ceux qui l’entament, au pire ravive les flammes d’une souffrance déjà bien difficile à supporter.

Là encore, que les choses soient bien claires : cette procédure se justifie pleinement dès lors qu’il s’agit de prendre un nom qui n’est pas celui de l’un ou l’autre de ses parents.

Sur les 4 000 demandes de changement de nom dont je suis saisi chaque année, près de la moitié concernent des personnes majeures qui souhaitent porter le nom du parent qui ne leur a pas été transmis. Il s’agit ici de permettre à toute personne majeure, de manière simplifiée, une fois dans sa vie, d’adjoindre ou de substituer à son propre nom celui du parent qui ne lui a pas transmis le sien.

Ce changement se fera devant l’officier d’état civil et non plus par décret. L’officier d’état civil n’aura pas à contrôler le motif de ce changement, et il ne sera pas besoin de prévoir des formalités de publicité autres que celles qu’assurent les registres de l’état civil.

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