Intervention de Dominique Vérien

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Choix du nom issu de la filiation — Discussion générale

Photo de Dominique VérienDominique Vérien :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi de commencer par une évidence : un nom, ce n’est pas qu’une simple suite de lettres, c’est aussi l’expression de l’identité au quotidien.

Le nom, c’est ce qui nous rattache à notre passé, à l’histoire de notre famille, comme un symbole d’appartenance et de reconnaissance.

Le nom, c’est aussi notre futur, avec la responsabilité de sa transmission, génération après génération, afin de le faire perdurer.

Le nom, c’est parfois le sien et parfois celui qu’un mariage, ou une adoption, nous aura permis de prendre afin d’intégrer une famille. Dans ces cas-là, c’est un choix, très souvent positif, et cela peut être une source de fierté.

Le sujet est sensible, d’ailleurs, pour les femmes : choisir le nom de son père ou celui de son mari ? En effet, jusqu’à présent, avouons-le, nous avions rarement le choix du nom de la mère.

Choisir son histoire personnelle ou celle de la famille à laquelle on se lie ? Ou prendre les deux ? C’est souvent plus facile à justifier que de ne garder que son nom de jeune fille, tant, symboliquement, le nom est la marque du lien, qui est au plus serré au moment du mariage.

Le nom, c’est enfin la part d’intime de chaque famille. S’il peut apporter de la fierté, il peut également être porteur de drames et de douleurs. Dans certains cas, le mal est bénin – on pense à des noms un peu ridicules ou difficilement prononçables –, mais cela peut être une source de souffrance personnelle.

Pour celui ou celle qui aura subi un parent abusif ou violent, la filiation à travers le nom ne devrait pas s’imposer.

La société évolue. Nombre d’enfants aujourd’hui naissent en dehors du mariage. Les mariages ont des durées très variables, mais de plus en plus rares sont ceux qui durent une vie.

Papa et maman n’ont donc pas le même nom, et, au-delà de la tradition, comme personne n’est au courant, ou presque, que l’on peut donner les deux noms aux enfants, 80 % des enfants portent seulement le nom de leur père.

J’ai à l’esprit ces mères qui doivent sans cesse justifier leur lien avec leur enfant, parce qu’elles s’appellent autrement, contrairement à la nouvelle femme de leur mari, qui, elle, peut être sans souci considérée comme la mère, puisqu’elle a adopté le nom du père. On peut comprendre que cela entraîne lassitude et exaspération.

Il existe pourtant une façon de simplifier la vie des mères, suggérée par Marie Mercier, que je félicite de son excellent travail, une solution purement réglementaire, monsieur le garde des sceaux : il suffit de porter sur la carte d’identité le nom du père et celui de la mère. Ainsi, la mère n’a plus à prouver sa qualité et personne ne peut se substituer à elle sous prétexte de porter le même nom que l’enfant.

Revenons au changement de nom. De quoi parlons-nous ? Il y a nom d’usage et nom de famille. Pour le premier, la procédure existe déjà et elle est très simple. Une fois adultes, nous pouvons déjà ajouter à notre patronyme celui du parent dont nous n’avons pas été gratifiés.

Ce texte, dans sa version originale, proposait que l’un des deux parents puisse décider unilatéralement d’accoler les deux noms pour les enfants. La commission ne souhaite pas que cela se fasse sans l’accord de l’autre parent. Nous avons une petite divergence à ce sujet, car, de mon point de vue, l’accolement ne lèse personne.

Pour autant, il serait possible de limiter les risques de conflits concernant le nom des enfants bien en amont en faisant systématiquement remplir et signer par les deux parents le formulaire sur le choix du nom de famille. S’ils ont à se poser la question avant la naissance, les parents prendront le temps d’y réfléchir et pourront faire un choix éclairé. Cela éviterait ensuite bien du travail à vos services, monsieur le garde des sceaux.

Ce texte entendait également permettre aux enfants de substituer le nom du père, dans le cas le plus général, par le nom de la mère. Une substitution, c’est une disparition ; effacer un nom, c’est un peu effacer celui qui le porte.

Je trouve positif d’adosser les noms des deux parents, donc de montrer que les deux pèsent autant dans la famille, mais je ne puis me résoudre à l’effacement d’un parent, donc d’une partie de l’histoire de l’enfant. En cela, je rejoins la commission et son rapporteur.

Le nom de famille, quant à lui, est indélébile, ou presque, car même si la loi permet déjà de changer de nom de famille, la procédure pour ce faire est très longue, coûteuse et pas toujours couronnée de succès.

Pourtant, dans la majorité des cas, nous nous trouvons dans la situation qu’évoque le texte : les demandeurs souhaitent porter le nom du parent qui ne leur a pas été transmis. Pour eux comme pour les autres, il est nécessaire de justifier de la légitimité de la demande auprès de la Chancellerie.

Toutefois, dans ce cas précis, ne peut-on faire plus simple ? Ne peut-on pas apporter une réponse plus rapide ? C’est ce qu’a proposé notre collègue député Laurent Vignal, c’est aussi ce à quoi répond la commission des lois, mais avec une autre méthode. En effet, résumer un changement de nom à un Cerfa est une source de simplification évidente, mais qui va probablement trop loin. Nous mesurons tous ce que le nom porte de symbolique en nous.

Changer le nom ne peut se faire sans un minimum de démarche ; en moins de temps qu’aujourd’hui, car c’est nécessaire, mais pas au travers d’un Cerfa sur un coin de table.

C’est pourquoi je préfère la position de la commission consistant à améliorer la procédure existante en exemptant de toute justification une demande d’adjonction ou de substitution avec un nom de sa filiation. Cela simplifiera la tâche de la Chancellerie, tout en évitant les rejets de dossiers fondés sur l’absence de justificatifs.

En fin de compte, les propositions du Sénat ne trahissent pas l’objectif initial de la proposition de loi : faciliter la vie des Français en permettant de répondre efficacement à des situations pénibles, tout en préservant la solennité de l’acte.

Au regard de ces ajouts, et pour que le nom puisse toujours être un héritage qui se recueille et non un fardeau qui se subit, le groupe Union Centriste votera ce texte.

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