Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 18 janvier 2011 à 14h30
Débat sur des questions de politique étrangère

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Force est de constater que la fin de la guerre froide et la disparition des blocs ont laissé place à des risques et à des vulnérabilités, à de nouvelles menaces moins identifiables, plus diffuses, émanant d’acteurs non étatiques. Nous sommes, de fait, dans un contexte de « paix chaude ». La menace nucléaire dans le monde ne répond plus à la rhétorique des deux blocs. Nous savons que les dangers sont ailleurs et qu’il faut ajouter une menace permanente bien plus actuelle, celle du terrorisme mondial.

Al-Qaïda, que nous combattons en Afghanistan, a des ramifications internationales plus ou moins directes, comme AQMI, qui n’existe qu’au travers d’exactions et d’actes odieux et médiatiques dirigés contre les symboles de l’Occident. Le terrorisme bafoue même le droit de la guerre et frappe ses victimes sans considération de nationalité ou de convictions religieuses. Au sein de l’arc sahélien, chacun de nos ressortissants devient une cible potentielle. Mais n’oublions pas, mes chers collègues, les chrétiens d’Irak, les coptes d’Égypte, les musulmans au Pakistan ou les hindouistes à Bombay, victimes de colis piégés, de kamikazes ou d’autres formes d’attentats, et ce quotidiennement.

Les événements actuels au Maghreb, qui peuvent s’étendre, me semblent d’une tout autre nature. En effet, le fait religieux n’apparaît pas comme la pierre angulaire de ces mouvements. Les populations se révoltent parce qu’elles veulent davantage de libertés, mais aussi parce que la crise économique a aggravé, dans ces régions, les problèmes du chômage et de la faim. Si elles sont descendues dans la rue, c’est souvent, au départ, parce qu’une augmentation insupportable du prix des denrées essentielles à la nourriture quotidienne est intervenue. Nous retrouvons depuis 2008 ces émeutes de la faim, qui peuvent devenir le terreau des révolutions, mais aussi des fanatismes.

Les fluctuations sur les marchés des matières premières en général, et des céréales en particulier, affectent directement les plus fragiles. Disons-le ici, la volatilité des cours des céréales à la bourse de Chicago est aussi dramatique que celle des autres marchés. Ne nous masquons pas la réalité : cette situation va s’aggraver, car les greniers à blé de la planète ne sont pas remplis, les récoltes de 2010 ayant été mauvaises en raison de la sécheresse, des incendies et des inondations. Cela augure de futures flambées du prix des céréales, que nous devrons prendre en compte, car elles risquent de provoquer des crises dans les pays les plus pauvres.

La France, en raison de ses liens, issus de la colonisation, avec ces pays, est concernée par ces grands mouvements, mais elle est parfois, à cause précisément de ce passé, la plus mal placée pour donner des leçons aux régimes au pouvoir ou à ceux qui se mettent en place.

Acteur majeur de la scène internationale, la France doit apporter son soutien aux pays de la région dans la gestion de leurs crises, afin d’éviter le plus possible les embrasements. Cependant, tant pour la Côte d’Ivoire que pour la Tunisie, les organisations régionales doivent jouer leur rôle : il y va de leur crédibilité et de la stabilité du continent africain tout entier. Je pense à l’Union africaine, à la CEDEAO, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’à l’Union pour la Méditerranée, qui peine encore à se réaliser.

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