Les musées abritant dans leurs collections des œuvres inventoriées « Musées nationaux récupération » se sont mis tardivement à la recherche proactive des ayants droit.
C’est trop récemment également que la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations a pu s’autosaisir de spoliations de biens culturels.
En outre, ces restitutions dépassent le seul champ de l’objet matériel ; elles sont un enjeu essentiel de la reconnaissance de la Shoah, de la collaboration de l’État français et du nécessaire effort de réparation que nous devons aux ayants droit des trop nombreuses victimes de cette barbarie.
Ce projet de loi nous invite par ailleurs à la rencontre du domaine de la culture et à l’appréciation de ce que c’est qu’un bien culturel. Certains biens ont une valeur affective importante pour les familles. Ils sont des témoignages de leur passé, en tant qu’ils expriment le choix affectif ou esthétique qui avait été porté sur eux à l’époque.
Néanmoins, certaines œuvres sont aussi des objets d’un marché de l’art hautement spéculatif et marqué par une grande mobilité.
C’est l’occasion, donc, dans ce temps de réflexion sur une future loi-cadre, de revenir sur la valorisation d’œuvres qui suscitent une spéculation intrinsèquement liée à leur statut de valeur refuge en temps troubles ; quant à la fiscalité afférente, il faut en faire régulièrement l’examen pour en mesurer le bénéfice culturel ou pour constater au contraire que son seul effet relève de la niche fiscale ou du droit des successions.
L’article 2 de ce projet de loi nous conduit à nous interroger sur la valeur marchande du bien culturel, qui peut fluctuer au gré des situations économiques, mais qu’il convient de réparer lorsqu’un contexte délétère a été imposé par l’ignominie des prises de position de l’État français de Vichy.
Quant au troisième axe de réflexion qu’appelle l’examen de ce texte, il nous engage, nous, parlementaires, réunis pour écrire la loi : c’est le droit.
Dire le droit, c’est utiliser des mots, qui peuvent guérir, qui peuvent réparer, comme d’autres peuvent blesser, meurtrir. Dire et écrire la nécessaire réparation due à la mémoire des victimes de persécutions antisémites est un devoir qu’il nous revient de remplir par l’intermédiaire de ce projet de loi.
La funeste période du régime de Vichy fut ouverte par la défaite militaire, mais aussi par la faillite morale de ce qui fut alors la représentation nationale.