Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Protection des lanceurs d'alerte et rôle du défenseur des droits — Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur une proposition de loi et une proposition de loi organique

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous voici au terme de l’examen de ces deux propositions de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte par la transposition de la directive du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

Les textes soumis à votre vote sont le fruit d’une discussion approfondie et constructive avec mon collègue de l’Assemblée nationale. Chacun a fait l’effort de comprendre les arguments de l’autre et d’accepter les concessions nécessaires à l’élaboration d’un compromis. Nos divergences, d’ailleurs, étaient bien moins grandes que ce que certains ont voulu faire croire.

Le Sénat a unanimement approuvé le principe d’une réforme améliorant le régime actuel de protection des lanceurs d’alerte inscrit dans la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Les imperfections de ce régime avaient été relevées notamment par le rapport de nos deux collègues députés, MM. Gauvain et Marleix. Nous avons approuvé l’ensemble des mesures préconisées par ce rapport, c’est-à-dire la suppression du critère lié au désintéressement du lanceur d’alerte, celle de l’obligation d’effectuer d’abord un signalement par la voie interne avant de s’adresser à une autorité externe et le renforcement de l’accompagnement juridique et financier des lanceurs d’alerte.

Par ailleurs, nous avons approuvé, pour l’essentiel, l’option, retenue par l’Assemblée nationale, d’aligner systématiquement le régime de droit français de protection des lanceurs d’alerte sur les règles prévues par la directive.

Nos désaccords portaient principalement sur le choix fait par les députés d’étendre aux personnes morales de droit privé à but non lucratif la protection apportée aux facilitateurs, ce qui constitue une surtransposition. Néanmoins, dans un souci de compromis et parce que notre divergence était d’ordre essentiellement symbolique, nous avons accepté la rédaction de l’Assemblée nationale.

Autre point de dissension : les conditions de divulgation publique des informations.

Notre commission avait à cœur de trouver un juste équilibre entre la protection des lanceurs d’alerte, la garantie des secrets protégés par la loi et la préservation de la réputation des personnes contre les alertes hâtives, infondées ou abusives. Ainsi, nous avions souhaité conserver les conditions prévues par la loi Sapin 2, qui prévoyait que l’alerte ne puisse être lancée qu’afin de parer à un danger grave, imminent et manifeste. Les députés avaient choisi d’assouplir cette dernière condition en reprenant tels quels les termes de la directive.

L’accord trouvé avec l’Assemblée nationale me semble être un bon compromis. Il consiste à maintenir les règles actuelles de la loi Sapin 2 pour la divulgation d’informations obtenues en dehors de tout cadre professionnel et à nous aligner sur la directive pour le reste.

En outre, nous avons eu une discussion assez longue sur une disposition introduite par l’Assemblée nationale et supprimée par le Sénat. Cette disposition prévoyait que le juge, à l’occasion d’une réclamation contre une mesure de représailles ou d’une « procédure bâillon », puisse, après avoir alloué une provision pour frais d’instance ou pour subsides, décider que cette provision resterait définitivement acquise au lanceur d’alerte, quand bien même celui-ci perdrait son procès.

Je continue à penser que cette provision définitive comprend une contradiction dans ses termes mêmes et qu’elle est profondément inéquitable. Je n’ai pas réussi à convaincre le rapporteur de l’Assemblée nationale de l’ineptie de cette disposition, qui sera sans doute censurée à la première occasion par le Conseil constitutionnel.

Dans l’ensemble, malgré quelques motifs d’insatisfaction, je crois que nous sommes parvenus à un résultat équilibré et raisonnable. Grâce au travail de la commission des lois de notre Haute Assemblée, le texte issu de l’Assemblée nationale, pourtant voté à l’unanimité, a été fortement enrichi.

C’est ainsi qu’une procédure commune de recueil et de traitement des signalements pourra être établie pour toutes les sociétés appartenant à un même groupe. Les communes et leurs établissements publics pourront confier la procédure de recueil et de traitement des signalements internes aux centres de gestion. Nous avons complété le code de la défense pour appliquer les dispositions de protection des lanceurs d’alerte aux militaires. Nous avons souhaité transposer in extenso, dans la loi Sapin 2 même, la liste des mesures de représailles, afin de protéger tous les lanceurs d’alerte, quelle que soit leur catégorie professionnelle, et d’assurer une plus grande visibilité d’ensemble. De plus, la question de l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte a été précisée. Ils devront avoir eu connaissance de manière licite de l’information faisant l’objet du signalement ou de la divulgation.

Pour conclure sur un point très positif, je me félicite que notre commission des lois ait donné au Défenseur des droits les moyens d’exercer cette nouvelle mission par la création d’un poste d’adjoint spécialement chargé de l’accompagnement des lanceurs d’alerte. Je tiens à vous remercier, madame la secrétaire d’État, d’avoir levé le gage par amendement, afin que cet adjoint soit rémunéré, à l’instar des autres adjoints au Défenseur des droits.

Ces textes, que je vous invite à adopter, résultent d’un travail approfondi et complémentaire entre les deux chambres, ce qui prouve une fois de plus le bien-fondé du bicamérisme.

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