Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Protection des lanceurs d'alerte et rôle du défenseur des droits — Adoption définitive des conclusions modifiées de commissions mixtes paritaires sur une proposition de loi et une proposition de loi organique

Sarah El Haïry :

En effet, les questions posées par la législation sur les lanceurs d’alerte représentent un défi complexe. Il faut protéger ceux qui œuvrent au bien commun, sans inciter à des comportements qui pourraient être qualifiés de malhonnêtes ou qui cibleraient délibérément certaines organisations.

Le texte sur les lanceurs d’alerte trouve un équilibre, délicat et précieux, en fixant un cadre pour recueillir efficacement les alertes. Sans encourager les règlements de comptes, il accorde une protection effective aux comportements uniquement vertueux.

Les textes présentés aujourd’hui permettront d’assurer ce juste équilibre avec un très haut degré d’ambition, d’efficacité et de sécurité juridique.

J’aimerais rendre au nom du Gouvernement un sincère et très personnel hommage au travail parlementaire complexe, mais extrêmement fructueux qui a été effectué.

Il est vrai que les deux textes ne partaient pas d’une feuille blanche. De nombreux dispositifs spécifiques permettaient déjà de lancer des alertes. Je pense en particulier à la loi dite Sapin 2. La France connaissait un dispositif d’alerte général ambitieux.

Mais la directive européenne du 23 octobre 2019, adoptée grâce au soutien du Gouvernement, est aujourd’hui un exemple. Elle a fixé de nouveaux objectifs impératifs dans le cadre national.

Les textes, qui s’assurent d’une complète transposition de la directive, vont même au-delà des objectifs européens. Ils permettent de maintenir notre régime d’alerte national à l’avant-garde de la protection des lanceurs d’alerte en Europe, voire dans le monde. Cette réussite est vraiment le fruit du travail du Parlement, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi.

Le texte que l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture était convaincant et ambitieux. Le Sénat a su l’améliorer encore davantage tout en maintenant un cadre normatif complexe et en conservant le souci de la juste transposition des dispositions de la directive.

Madame la rapporteure, grâce à votre travail, à votre écoute et à votre ouverture, de nombreux aspects ont ainsi pu être précisés et renforcés. Je pense, par exemple, à la procédure d’alerte interne, très largement clarifiée.

Le Gouvernement se réjouit donc que la commission mixte paritaire ait su retenir le meilleur du travail de chacune des chambres, et ce dans un délai extrêmement court.

J’aimerais aborder les éléments les plus marquants des deux propositions de loi.

En premier lieu, les deux textes simplifient et améliorent l’accessibilité aux procédures d’alerte. La transposition conduit donc à abandonner la hiérarchie des canaux internes et externes ; vous l’avez rappelé, madame la rapporteure. Le droit français continuera à encourager le recours aux canaux internes, parce que l’alerte est généralement traitée plus efficacement, mais le lanceur d’alerte ne sera plus obligé d’y recourir de manière obligatoire.

En deuxième lieu, la réforme étend la protection au-delà du seul lanceur d’alerte : ses proches, ses collègues, les personnes morales qui lui sont liées et tous ceux qui l’aident au cours de la procédure, c’est-à-dire les « facilitateurs », pourront également en bénéficier. Cette extension offre un véritable cercle de protection autour du lanceur d’alerte et contribue à rompre son isolement.

Le Gouvernement se réjouit que la commission mixte paritaire ait retenu la possibilité pour les personnes morales à but non lucratif d’être considérées comme des facilitateurs.

En troisième lieu, la réforme simplifie le paysage des dispositifs d’alerte. Elle pose un cadre unique et accessible au traitement des alertes en interne, comme auprès des autorités externes.

Grâce aux modifications de la loi organique, le Défenseur des droits pourra également jouer pleinement son rôle de conseil et d’orientation. Sur ce point, comme je m’y étais engagée, je présenterai au nom du Gouvernement un amendement tendant à lever le gage pour sécuriser l’institution d’un adjoint au Défenseur des droits chargé des lanceurs d’alerte, mesure introduite par le Sénat en première lecture dans la proposition de loi organique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la directive européenne ne nous obligeait pas à aller aussi loin ; elle nous imposait simplement une réforme ponctuelle et limitée. Mais votre travail a permis, je crois, d’aboutir à une réforme du dispositif général à la fois cohérente et ambitieuse.

Les propositions de lois organique et ordinaire qui sont en passe d’être adoptées instituent, me semble-t-il, un cadre lisible, apportant une protection effective aux personnes concernées. Surtout, elles précisent et réaffirment clairement le modèle français.

Le Gouvernement y apporte de nouveau tout son soutien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion