Pour l’heure, je signale que trois ministres issus de l’opposition ont déjà démissionné du nouveau gouvernement.
Madame le ministre d’État, il nous semble difficile, pour une puissance moyenne comme la France, d’exercer toute seule une réelle influence sur une communauté internationale de plus en plus complexe. Agir dans le cadre de l’Union européenne est donc devenu un principe presque absolu de politique étrangère, et il est essentiel, pour notre pays, de jeter les bases d’une nouvelle diplomatie européenne, plus solidaire et indépendante. Il n’y a pas de doute que si les Vingt-Sept adoptent et défendent une position commune sur des problèmes internationaux, l’Europe sera plus forte et mieux entendue dans le monde.
Le service européen pour l’action extérieure, créé par le traité de Lisbonne et opérationnel depuis le 1er janvier dernier, doit être un instrument crucial pour développer la politique étrangère et de sécurité commune, ainsi que les stratégies communautaires à l’égard des États-Unis, de la Chine, de la Russie ou de l’Afrique.
L’Union européenne et la France doivent être déterminées à défendre nos valeurs dans le monde, au travers de la politique étrangère et de sécurité commune. La feuille de route nous semble claire : nous pouvons faire la différence, dans le monde, si nous savons utiliser nos atouts politiques et économiques.
Notre crédibilité diplomatique reposera d’abord sur l’action menée dans les pays voisins, par exemple pour favoriser le dialogue entre la Serbie et le Kosovo, pour aider la Bosnie-Herzégovine à sortir de l’impasse ou pour faire progresser le processus d’intégration européenne des pays des Balkans occidentaux, ainsi que de la Turquie.
Nous savons que l’adhésion de ce dernier pays à l’Union européenne est inopportune pour des raisons à la fois géographiques, institutionnelles, politiques, voire économiques. Toutefois, la Turquie reste le pays tiers le plus étroitement lié à l’Europe, tout en gardant son autonomie et sa liberté d’action, notamment en matière de politique étrangère, et les liens pourraient encore être renforcés. Il ne s’agit donc pas de choisir entre l’adhésion ou rien. Notre diplomatie devrait avoir le courage de dire que si nous devons respecter nos engagements à l’égard des pays tiers, notre devoir est aussi de sauvegarder les acquis de la construction européenne.
On a beaucoup parlé de l’Union pour la Méditerranée, qui, hélas, peine à exister concrètement. Elle ne parvient pas à organiser un sommet. On nous dit que, pour leurs relations avec l’Union européenne, les pays tiers méditerranéens ont des objectifs et des ambitions divergents, et que les conflits entre eux s’amplifient. Cela ne simplifie pas la tâche !
En réalité, l’UPM ne semble guère être une union. Comment l’objectif de créer une zone de libre-échange globale est-il concevable ? Comment parler d’un groupe compact, si chaque pays tiers méditerranéen ou presque aspire à établir des relations spécifiques avec l’Union européenne ?
Pourtant, la coopération entre les deux rives de la Méditerranée est plus que jamais indispensable face aux problèmes réels, très sérieux, qui se posent, par exemple en Tunisie. Notre pays est le plus directement concerné.
Dans tous ces dossiers, la politique étrangère de la France a un rôle majeur à jouer, une voix claire à faire entendre.
Les citoyens européens demandent que l’Union européenne joue un rôle politique plus important dans le monde. Avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la France peut aider à définir les grandes lignes de sa politique étrangère.
Que ce soit d’un point de vue communautaire ou intergouvernemental, nous pensons que la diplomatie européenne ne peut se concevoir hors l’influence de la France et de sa diplomatie. Soyons clairs, il n’y aura pas de politique étrangère européenne si la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ne sont pas sur la même ligne. Bien entendu, chaque pays devra garder une politique étrangère autonome, mais en l’adaptant à celle des autres.
Le succès du service européen pour l’action extérieure dépendra de la volonté des États membres de coopérer et d’accepter le transfert d’une partie de leur souveraineté nationale en matière de politique étrangère à l’échelon supranational, au profit d’une nouvelle souveraineté collective. Mais n’est-ce pas là la recette de la construction européenne depuis cinquante ans ?
Enfin, comment imaginer que nous puissions apporter, chacun de notre côté et dans la désunion, une réponse crédible, forte et solennelle au cri d’alarme poussé par les chrétiens d’Orient, par exemple ? Les persécutions dont ceux-ci sont victimes exigent que nous ne restions ni inertes ni indifférents. Bien sûr, notre tradition diplomatique nous impose aujourd’hui de protéger les minorités chrétiennes d’Orient et de garantir le libre exercice de leur culte. C’est un combat pour la liberté de conscience et pour la paix que notre pays sait mener, mais il est important que l’Union européenne se joigne à nos efforts.
Avec le départ des chrétiens, c’est tout le Moyen-Orient qui perd de sa substance. Nous savons que la composante chrétienne du Moyen-Orient n’est pas une anomalie de l’histoire.