Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés pour la troisième fois pour examiner cette proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Nos débats se concluront de la même manière que les fois précédentes, à savoir par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable. Nous en avons débattu en commission et les discussions générales ont eu lieu en séance publique.

Plus encore que la procédure choisie pour s’y opposer, je regrette que le Sénat ne vote pas cette proposition de loi. Celle-ci, je le rappelle, a suivi une route très sinueuse.

Ce texte est issu d’un amendement voté au Sénat un peu par accident. À la suite d’une demande pressante de la ministre des solidarités et de la santé de l’époque, une nouvelle délibération a pris place et cet amendement n’a pas été inclus dans le texte final.

Enfin, son parcours législatif à l’Assemblée nationale et au Sénat a été l’occasion d’une forte mobilisation parlementaire, couronnée d’une bonne nouvelle : le Gouvernement a fini par accepter de se laisser tordre le bras sur ce sujet. §La commission mixte paritaire a échoué – c’était évident –, l’Assemblée nationale a peaufiné le texte et ajouté quelques ajustements que j’évoquerai dans un instant.

Tout va bien : en fin de compte, à la fin de ce mois, le délai de recours à l’IVG sera étendu à quatorze semaines de grossesse, ce qui offrira une solution à des milliers de femmes qui sont aujourd’hui contraintes d’aller à l’étranger pour procéder à des interruptions volontaires de grossesse et de les prendre elles-mêmes en charge financièrement.

La réalisation d’IVG chirurgicales est étendue aux sages-femmes jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse. C’est également une bonne chose, cela accorde à ces praticiennes une reconnaissance attendue par la profession et constitue un atout supplémentaire dans la pratique.

Je me réjouis également de la pérennisation de l’allongement du délai de recours à l’IVG médicamenteuse en ville jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse.

Ce texte fait davantage confiance au libre choix des femmes, d’une part, en améliorant leur information, notamment par la création d’un répertoire qui recensera les professionnels et les structures de soins pratiquant l’IVG, d’autre part, en supprimant le délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable.

Enfin, en nouvelle lecture, les députés ont apporté des finitions en adoptant des amendements rédactionnels et de coordination. Les établissements de santé publics et privés pourront tenir des consultations relatives à l’IVG à distance afin de faciliter les parcours.

Mon principal regret – nous en avons déjà débattu – concerne la non-suppression de la clause de conscience spécifique en matière d’IVG.

Je fais remarquer à mes collègues qui vont rejeter ce texte que le Sénat fait tout de même preuve d’une certaine constance sur ce sujet.

En 2016, la commission des affaires sociales s’était opposée à l’article qui supprimait le délai de réflexion obligatoire entre les deux consultations pour IVG, ainsi qu’à celui qui autorisait les sages-femmes à pratiquer une IVG médicamenteuse.

Avant cela, le Sénat dans son ensemble s’était opposé à l’article de la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, qui portait le délai de recours à l’IVG de dix à douze semaines. La commission mixte paritaire avait achoppé sur ce point.

J’observe pourtant, et c’est très satisfaisant, que les choses avancent grâce aux navettes parlementaires et à la mobilisation des femmes. Surtout, une fois que ces avancées sont actées et que la législation a évolué, personne ne propose plus de revenir en arrière. Une assemblée peut donc marquer son refus, mais, quelques années plus tard, quand la mesure contestée est entrée dans la loi, la même assemblée ne juge pas utile de voter des amendements qui la supprimeraient.

Je m’en réjouis, c’est une bonne chose. C’est la raison pour laquelle je n’ai aucun doute sur le fait que l’allongement des délais que nous votons aujourd’hui sera durablement inscrit dans la loi.

Ce progrès est dû à l’obstination des militantes, des professionnels de santé et aussi des parlementaires féministes engagées pour la défense du droit à l’avortement, qui ont, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, dû défendre ce texte sans jamais renoncer.

Je réitère une proposition que j’ai émise en première lecture : la création d’un Institut national de la santé sexuelle et reproductive, à l’image de l’Institut national du cancer. En effet, le pilotage de la santé sexuelle et reproductive n’est pas satisfaisant. Certes, on note des avancées, par exemple sur l’endométriose, avec de réels progrès dans la prise en charge des femmes concernées, mais tout cela aurait besoin d’un véritable pilotage. Celui-ci fait défaut et devrait relever d’une agence : cela marquerait une vraie avancée pour la santé des femmes.

Enfin, j’ai été destinataire d’un courrier de nos collègues de Nouvelle-Calédonie. Ceux-ci s’inquiètent de savoir si la proposition de loi sera, en l’état, applicable dans leur territoire. Le problème juridique est pointu et il leur semble qu’il aurait été opportun d’étendre expressément la disposition relative au prolongement du délai légal à la Nouvelle-Calédonie. Malheureusement, leur requête est arrivée trop tardivement.

Cela nous donnera l’occasion, mes chers collègues, de préparer prochainement une nouvelle proposition de loi pour étendre à la Nouvelle-Calédonie le bénéfice des dispositions de ce texte, si celles-ci, par malheur, n’y étaient pas directement applicables.

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