Le 20 janvier dernier, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement n’est pas parvenue à un accord.
Nous en sommes donc à la troisième lecture de ce texte et je tiens à remercier notre rapporteure, Laurence Rossignol, de sa ténacité.
Nous regrettons l’opposition et l’entêtement de la majorité sénatoriale contre cette proposition de loi, née du constat que le droit à l’IVG n’était pas effectif en France.
Comment accepter que 3 000 à 5 000 femmes se rendent encore aujourd’hui à l’étranger parce que les délais légaux dans notre pays sont trop courts et que les structures sont trop peu nombreuses ?
La proposition de loi de notre collègue Albane Gaillot, dont je salue une nouvelle fois l’engagement, vise donc à lever un certain nombre d’obstacles que rencontrent les femmes pour avorter.
Avant de les aborder, je veux dénoncer l’absence de politique de prévention en matière de santé sexuelle, la pénurie de personnels de santé, les fermetures d’hôpitaux de proximité et de centres de contraception et d’IVG ainsi que les réductions de subventions du planning familial.
L’accès à l’avortement est une question de santé publique pour les femmes, mais aussi un enjeu central pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes.
Conquis de haute lutte par les mouvements de militantes féministes et par les professionnels de santé les plus engagés, le droit à l’avortement permet aux femmes d’être libres de choisir d’être mère ou pas.
Ce n’est pas non plus un moyen de contraception, faut-il le préciser ici, puisque plus de 70 % des femmes pratiquant une IVG sont sous contraception !
Cette proposition de loi est donc salutaire, puisqu’elle vise à renforcer l’accès à l’avortement pour toutes les femmes. Ainsi, cinquante ans après la loi Veil, n’est-il pas temps d’allonger le délai légal pour avorter et de le porter de douze à quatorze semaines de grossesse, conformément à ce que pense la grande majorité des Françaises et des Français et comme notre groupe l’a proposé dès 2019 ?
Les opposants à l’extension du délai légal mettent en avant des considérations techniques, arguant que l’acte serait médicalement plus compliqué au-delà de douze semaines.
Pourtant, les professionnels aux Pays-Bas ou en Espagne, qui ont un engagement aussi grand que le nôtre pour la santé des femmes et une éthique tout aussi respectable, ont parfaitement acquis ces techniques. Dans notre pays, des médecins défendent cet allongement sans signaler de problèmes particuliers. Sur le plan scientifique, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) indique qu’« il n’existe que peu, voire pas de différence de risque pour la femme avortant entre douze et quatorze semaines de grossesse » et qu’« il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».
Le débat porte non pas sur la technique, mes chers collègues, mais sur le droit.
Le texte prévoit également de renforcer l’offre médicale, en permettant aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales, et d’étendre l’obligation d’orienter les patientes vers les structures où des professionnels pratiquent l’avortement.
Enfin, la proposition de loi tend à accélérer l’accès à l’IVG en supprimant le délai de réflexion après l’entretien psychosocial, qui ralentit le parcours d’IVG et continue d’infantiliser les femmes.
Madame la ministre, j’appelle votre attention, une fois de plus, sur l’impérieuse nécessité de renforcer les moyens financiers et humains des structures réalisant les IVG pour garantir le droit à l’avortement partout sur le territoire.
Tout en regrettant fortement que la clause de conscience spécifique à l’avortement ne soit pas supprimée et en déplorant que la majorité sénatoriale ne contribue pas à ce vote, laissant la main à la seule Assemblée nationale, notre groupe votera de nouveau en faveur de cette proposition de loi.
Pour conclure, ne boudons pas notre plaisir, mes chers collègues : c’est une victoire obtenue par la ligue des femmes, la lutte des féministes. Cette victoire en appelle d’autres !