Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, troisième lecture de ce texte et troisième question préalable au Sénat !
Je me félicite toutefois que ce texte revienne dans notre hémicycle, puisque cela signifie que la navette parlementaire suit son cours et que, comme nous l’espérons, le texte sera adopté avant la fin du quinquennat. Près d’un demi-siècle après l’adoption de la loi Veil, ce droit à l’avortement, si chèrement acquis, est encore fragile. Sa pleine effectivité n’est toujours pas garantie sur l’ensemble du territoire français. Les reculs historiques récents, partout dans le monde, démontrent que nous devons encore et toujours défendre le droit à l’avortement et la liberté des femmes à disposer de leur corps.
Je le rappelle, ce texte prévoit l’allongement du délai légal d’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse. Ainsi, il constitue une réponse aux difficultés rencontrées par quelques milliers de femmes chaque année dans notre pays qui dépassent le délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Cette formule cache une multitude de réalités : les patientes qui ne se savaient pas enceintes et chez qui la découverte de la grossesse se fait tardivement, celles qui le savaient, mais qui n’ont pu être reçues en consultation dans le délai imparti en raison de l’organisation du système de soins du lieu où elles résident, celles qui vivent des violences conjugales, des violences intrafamiliales ou des carences affectives ou matérielles majeures et que la poursuite de cette grossesse mal investie expose à de graves difficultés.
Au mois de décembre 2020, le CCNE, interrogé par le Gouvernement, a considéré qu’il n’existait « que peu, voire pas de différence de risque pour la femme avortant entre douze et quatorze semaines de grossesse », donc « pas d’objection éthique à l’allongement de ce délai ».
Si aucun argument médical ou éthique ne vient à l’encontre du rallongement de ce délai, pourquoi le refuser ?
Ce texte contient d’autres avancées dans ce texte, outre cet allongement. Sera mis en place un répertoire librement accessible recensant les professionnels et structures pratiquant l’IVG, qui permettra de mettre fin aux errances de certaines femmes qui cherchent un professionnel de santé pour répondre à leur besoin. Il prévoit également de permettre aux sages-femmes de réaliser, tout comme les médecins, des IVG instrumentales dans les hôpitaux et cliniques après la dixième semaine. J’en profite pour apporter notre soutien aux sages-femmes, qui demandent que leur profession soit reconnue comme une profession médicale de grande qualité ayant un rôle majeur en prévention en santé. Enfin, la suppression du temps de réflexion de deux jours est aussi une bonne chose.
Néanmoins, il reste encore des points sur lesquels notre pays doit avancer afin de garantir à chacune des femmes de son territoire un accès effectif à l’IVG.
À cet égard, je regrette que l’Assemblée nationale ait rétabli en deuxième lecture la clause de conscience spécifique, qui induit l’idée que l’IVG n’est pas un droit et un acte de médecine comme les autres.
De plus, comme Mme la rapporteure, Laurence Rossignol, l’a souvent rappelé, encore tout à l’heure, des réponses d’ordre structurel dans le pilotage et l’organisation de nos offres de soins en orthogénie restent nécessaires. Il n’est plus possible qu’il existe encore dans notre pays tant d’inégalités dans l’accès à l’IVG et, plus largement, dans l’accès à la santé sexuelle et reproductive.
Ces inégalités sont tout d’abord sociales. La précarité financière reste l’un des principaux facteurs de recours à l’IVG. Une étude de la Drees de 2020 établit ainsi « une corrélation nette entre niveau de vie et IVG : les femmes les plus précaires y recourent sensiblement plus que les plus aisées ».
Ces inégalités sont ensuite territoriales. Elles ont d’ailleurs tendance à s’accentuer : au cours des quinze dernières années, le nombre d’établissements réalisant une activité d’IVG a diminué de 22 %.
Il importe donc de renforcer la politique d’information, d’éducation et de prévention dans ces domaines, notamment à l’école. Une information médicale fiable doit pouvoir être accessible en France à toutes les femmes, notamment les plus jeunes, afin que chacune puisse choisir la méthode de contraception la plus adaptée.
C’est avec conviction et en ayant conscience de notre responsabilité pour protéger la santé de nos concitoyennes que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra cette proposition de loi et votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui nous prive d’un véritable débat.