Intervention de Xavier Iacovelli

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Xavier IacovelliXavier Iacovelli :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Peut-être aurais-je dû employer un autre verbe que celui de « débattre », car, pour la troisième fois, la majorité sénatoriale fait le choix de présenter une motion tendant à opposer une question préalable dont l’adoption ne fait malheureusement aucun doute.

Nous en prenons acte, même si nous le regrettons.

Nous le regrettons, car les désaccords et les clivages légitimes qui traversent notre hémicycle ne doivent jamais nous empêcher d’avoir ce débat essentiel qui concerne plus de 200 000 femmes par an, quelle que soit l’issue que nous réservons à ce texte.

Nous avons tous en mémoire des débats intenses, parfois même houleux sur des textes qui bousculaient nos consciences personnelles, qui touchaient à l’éthique ou à l’intime.

Je pense en particulier à la loi relative à la bioéthique, qui a été au cœur de longues discussions au sein de notre assemblée. L’examen de ce texte sans procédure accélérée avait permis, lors de chaque lecture, de débattre réellement, de dialoguer longuement et surtout d’améliorer des mesures importantes.

Nous le regrettons également, car la position de la majorité sénatoriale, dont il faut reconnaître la constance, laissera l’Assemblée nationale légiférer seule. Il s’agira d’une navette à sens unique, alors même que les apports du Sénat sur les différents textes examinés sont régulièrement salués.

Cette position me semble aller à l’encontre du bicamérisme auquel nous sommes tous attachés ici.

Nous le savons, l’IVG fait l’objet d’attaques répétées et de reculs insupportables, en particulier en Europe. Cela fait un an que la Pologne a décidé de durcir encore un peu plus la loi sur l’avortement, rendant ainsi son accès quasi impossible, sauf en cas de viol, d’inceste ou lorsque la vie ou la santé de la mère est en danger.

Cette triste réalité nous rappelle que ce droit ne sera jamais totalement acquis et fera toujours l’objet de combats acharnés.

En France, un certain nombre de freins persistent et rendent parfois difficile l’accès à l’IVG, en particulier pour les jeunes femmes, ce qui révèle des parcours plus longs ou une prise en compte plus tardive de leur grossesse.

Ainsi, chaque année, entre 1 000 et 4 000 femmes sont contraintes d’avorter à l’étranger en raison du dépassement du délai légal de douze semaines de grossesse.

Environ 5 % des IVG sont pratiquées entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Il existe d’ailleurs d’importantes disparités sur notre territoire, puisque ce pourcentage atteint presque 17 % à Mayotte.

Cette proposition de loi entend pallier les difficultés que rencontrent plusieurs milliers de femmes chaque année en allongeant de deux semaines les délais légaux d’accès à l’IVG.

Parce que lutter contre les inégalités sous toutes leurs formes doit demeurer la ligne conductrice de notre action, ce texte est important et nécessaire.

La proposition de loi prévoit aussi d’étendre les compétences des sages-femmes, afin que ces dernières puissent réaliser des IVG instrumentales, véritable outil permettant de renforcer l’offre médicale dans notre territoire.

Sanctionner un pharmacien qui refuse la délivrance d’un contraceptif en urgence est également un geste symboliquement fort, parce que cet acte est toujours synonyme de stigmatisation et de culpabilisation des femmes. C’est une atteinte à la liberté de disposer de son corps.

À cet égard, je tiens à saluer l’action du Gouvernement. Je pense notamment à la prise en charge de la contraception à 100 % pour les femmes de moins de 25 ans.

L’engagement du Président de la République et sa volonté d’inscrire l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne constituent également une réponse forte face aux attaques incessantes dont elle fait l’objet.

Nous arrivons donc, mes chers collègues, au bout du processus législatif.

Je tiens à remercier Mme la rapporteure, Laurence Rossignol, de sa persévérance sur ce sujet, au Sénat comme en dehors.

La majorité sénatoriale aura fait le choix de ne pas débattre de ce texte et de se limiter ainsi à une énième discussion générale. Le droit à l’avortement aurait mérité que l’on s’y attarde davantage et que l’on débatte réellement, comme nous savons si bien le faire.

Vous en avez décidé autrement, mes chers collègues, et nous en prenons acte. Il reviendra donc à l’Assemblée nationale d’adopter définitivement cette proposition de loi, qui nous semble répondre à l’objectif d’un renforcement de l’accès à l’IVG pour les femmes.

Nous voterons bien sûr contre cette motion tendant à poser la question préalable.

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