Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 18 janvier 2011 à 14h30
Débat sur des questions de politique étrangère

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

Nous devons donc nous attacher à une réelle relance de la défense européenne autour de cette coopération. Pour que cet objectif soit atteint, nous avons besoin de tous nos partenaires.

Monsieur de Rohan, vous avez insisté sur la situation au Moyen-Orient. J’entreprends demain une tournée dans les principaux pays de cette zone. Il est évident que l’Union européenne doit elle aussi contribuer aux solutions de paix. Une tentative américaine est en cours. Comme je l’ai déclaré au représentant américain que j’ai rencontré, il faut désormais laisser à l’Union européenne comme aux pays arabes modérés la possibilité de mener des actions en faveur de la paix ; sinon, aucune issue ne sera trouvée.

De la même façon, MM. del Picchia, Jacques Blanc et Pozzo di Borgo l’ont rappelé, l’action de la France doit s’appuyer sur la création de l’Union pour la Méditerranée : celle-ci demeure une priorité pour notre pays. Oui, c’est vrai, des difficultés persistent, compte tenu de la situation entre Israël et la Palestine. Mais, comme l’a souligné Jean-Marie Bockel, cette union n’a rien perdu de son utilité.

Précisément, le recentrage de l’Union pour la Méditerranée sur des sujets et des projets concrets peut aider à sortir des blocages.

En ce sens, la mise en place opérationnelle du secrétariat de l’Union pour la Méditerranée à Barcelone, l’adoption du programme de travail et du budget pour 2011 constituent un signal positif. Ce secrétariat a commencé ses travaux, notamment sur l’eau, la recherche et l’enseignement supérieur. Nous pouvons poursuivre dans le domaine de la protection civile et des énergies renouvelables.

Monsieur Pozzo di Borgo, le partenariat avec la Russie peut également nous permettre de constituer un ensemble, à défaut d’un pôle intégré, nous permettant de peser dans le monde. L’année croisée franco-russe a été un succès qui doit être consolidé.

Messieurs Jacques Gautier et Josselin de Rohan, vous avez évoqué l’Afghanistan et le Pakistan. Permettez-moi d’abord de vous indiquer que je suis naturellement à la disposition du président de la commission des affaires étrangères, et plus généralement du Sénat, pour répondre à vos interrogations.

Il m’est difficile, compte tenu du temps qui m’est imparti, de répondre sur tous ces points. Toutefois, un débat pourrait avoir lieu – je le souhaite –, sans qu’il soit nécessairement suivi d’un vote. Aujourd'hui, ce qui importe, c’est la démarche : celle-ci consiste à transférer au fur et à mesure que cela est possible l’ensemble des pouvoirs au gouvernement afghan.

La situation du Pakistan s’est considérablement détériorée depuis quatre ans. Ce contexte doit nous amener à entreprendre une réflexion sur les moyens de soutenir les institutions démocratiques dans ce pays et de les renforcer.

Il a été question du terrorisme qui sévit en Afrique. Toutefois, il ne faut pas oublier la lutte contre la piraterie somalienne. De ce point de vue, l’opération navale Atalante, lancée en 2008 sur notre initiative, a permis de réduire le nombre d’attaques réussies. Pour autant, les actes de ce type se multiplient et s’étendent. Il faut donc agir et faire en sorte que l’impunité des pirates ne nuise pas à la crédibilité de nos actions. C’est la raison pour laquelle une mission chargée de formuler des propositions, notamment en matière judiciaire, a été confiée à M. Lang.

Bien entendu, monsieur Berthou, notre politique en Afrique ne se cantonne pas à la lutte contre la piraterie. Elle se caractérise aussi par un soutien aux organisations régionales – ce qui la distingue des actions antérieures qui reposaient sur une autre conception de nos rapports avec les pays africains –, par la réforme du dialogue entre les deux continents, comme par l’adaptation de notre dispositif de défense ou la mise en œuvre de coopérations multidimensionnelles.

Monsieur de Rohan, j’ai bien noté votre demande de débat sur la ratification des quatre accords de défense déjà conclus : elle est parfaitement légitime. Ce sont d’ailleurs cinq accords, et non pas quatre, qui ont déjà été signés : à ceux que vous avez évoqués, il faut ajouter celui qui a été passé avec les Comores. Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser de nouveaux accords avec le Sénégal et Djibouti. Nous pourrons donc les examiner tous ensemble. Il va de soi que nous ne pourrons étudier celui avec la Côte d’Ivoire, qui n’est guère envisageable aujourd'hui.

Monsieur Ibrahim Ramadani, les Comores sont aujourd'hui entrés dans une nouvelle phase. La France, sans avoir aucun commentaire à faire sur les personnes, félicite les candidats vainqueurs. La prise de fonction des nouvelles équipes marque ainsi l’achèvement du processus de transition démocratique. Nous souhaitons que ce soit aussi l’occasion d’un partenariat accru entre la France et les Comores, entre Mayotte et les autres îles de l’archipel.

J’en viens au viol d’une magistrate à Mayotte. Leurs auteurs, au nombre de trois, ont été identifiés à la faveur de prélèvements ADN et ont été arrêtés grâce aux efforts de notre poste à Moroni, de notre ambassadeur et de l’attaché de sécurité intérieure.

Le juge d’instruction s’est rendu pour la cinquième fois aux Comores. Il nous faut maintenant attendre la désignation de la juridiction de jugement saisie du dossier pour que la justice comorienne se prononce sur la demande d’extradition.

À Madagascar, la France s’emploie depuis le début à promouvoir une sortie de crise pacifique et durable. Nous souhaitons aujourd'hui la fin rapide de la période actuelle de transition. Cette approche réaliste est de plus en plus partagée par les uns et les autres.

J’en viens à la question des droits de l’homme. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, depuis l’annonce de la condamnation de Mme Sakineh Mohammadi Ashtiani, la France, avec ses partenaires européens, appelle sans relâche et avec fermeté à sa libération. Nous sommes également très préoccupés par la situation de ses proches.

Enfin, nos ambitions dessinent à long terme les lignes force de notre politique.

Mme Demessine a évoqué la nécessaire politique d’influence de la France. Je suis d’accord avec elle sur ce point, mais je ne le suis plus lorsqu’elle considère que la France est un petit pays économique : c’est vraiment nier la réalité de la place de nos entreprises sur l’échelle des grandes entreprises mondiales !

Pour ma part, j’entends défendre une politique d’influence qui combine tous les facteurs, qu’ils soient économiques, culturels, linguistiques, et les savoir-faire éducatifs. Cette politique, d’ailleurs, est globale : elle doit mobiliser, à côté de l’État et tout particulièrement du Quai d’Orsay, les acteurs publics et privés, les collectivités territoriales, les entreprises et, naturellement, madame Goulet, les parlementaires. Je souhaite pouvoir davantage associer les sénateurs à mes déplacements ainsi qu’à la réflexion globale sur ces questions. C'est la raison pour laquelle j’ai proposé à M. de Rohan la collaboration de diplomates à la commission des affaires étrangères, ce qui enrichira nos échanges.

Cette politique d’influence suppose un ministère modernisé. C’est ce à quoi je m’attacherai. Pour cela, il faut des moyens. Après avoir entendu M. Jean-Louis Carrère, je ne doute pas qu’il votera sans hésiter les suppléments budgétaires que je réclamerai…

Monsieur Antoinette, il est un peu tard pour évoquer l’Amérique latine, mais j’attache une très grande importance à ce sujet. Nous n’avons que trop ignoré ce continent, alors qu’il offre de grandes possibilités et qu’il nous faut tisser avec lui des liens de coopération.

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux enjeux de la mondialisation, l’unité de la nation française demeure notre premier atout.

Les questions de politique étrangère méritent une approche sereine, constructive, dictée par le seul intérêt général, au-delà même des intérêts partisans.

Cette exigence, je le sais, est la vôtre, quelles que soient les circonstances politiques ; c’est la mienne ; c’est aussi celle de tous ceux qui croient en la grandeur de la France et qui travaillent en ce sens.

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