Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire, qui est parvenue à un accord sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et sur la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.
Nous nous félicitons évidemment de cet accord et, surtout, de son contenu, très proche de la version de l’Assemblée nationale, plus ambitieuse que celle du Sénat.
Après un examen en commission marqué par un recul net de la protection offerte par ce texte, notre rapporteure avait mis de l’eau dans son vin en séance et entendu un certain nombre d’inquiétudes, s’agissant notamment de la définition des lanceurs d’alerte.
Je salue le chemin supplémentaire accompli en commission mixte paritaire pour revenir, après un débat parlementaire nourri, à un texte proche de celui qui avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en première lecture.
Nous évitons donc une sous-transcription de la directive européenne. Nous allons nous doter d’un arsenal juridique intéressant pour protéger les lanceurs et les lanceuses d’alerte, un arsenal juridique européen pionnier dans le monde.
Ses prémices trouvent d’ailleurs leur origine au Sénat, avec, voilà bientôt une décennie, la proposition de notre ancienne collègue écologiste Marie-Christine Blandin, que vous me permettrez de saluer ici. Je salue également le travail du rapporteur de l’Assemblée nationale, Sylvain Waserman, qui a porté ce texte et fait preuve de beaucoup d’écoute durant tous les travaux. Je salue en outre le travail mené par Ugo Bernalicis et nos collègues de La France insoumise, auteurs d’une autre proposition, plus ambitieuse encore. Je salue enfin notre collègue Mélanie Vogel, qui a beaucoup œuvré dans son ancienne vie à la rédaction de la directive européenne que nous retranscrivons aujourd’hui.
Mais tous nos travaux parlementaires ne seraient rien sans les lanceurs et lanceuses d’alerte eux-mêmes, sans leur combat, sans leur abnégation, sans leur auto-organisation pour sortir de la solitude qui les assaille trop souvent, sans la fondation de la Maison des lanceurs d’alerte, sans l’organisation des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte, permise notamment par l’énergie de Daniel Ibanez. Nos travaux sont aussi et surtout le fruit de leurs réflexions et de leurs propositions, héritées de leur histoire, de leur parcours de vie, des difficultés sans cesse dressées sur leur route.
J’ai une pensée particulière pour Irène Frachon, Antoine Deltour, Amar Benmohamed, Valérie Murat, Quentin Guillemain et Inès Léraud, qui sont venus ici, au Sénat, nous faire part de leurs poignantes histoires de vie : des vies qui, par un souci chevillé au corps de l’intérêt général, ont basculé définitivement et qui porteront très longtemps le sceau de l’alerte que ces personnes ont lancée. J’ai également une pensée pour Hugo, le lanceur d’alerte de la centrale de Tricastin, que nous avons reçu et dont le témoignage a été précieux pour rédiger notre proposition de loi visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire.
Nous nous devons de protéger ces femmes et ces hommes, qui ont le courage de signaler ces failles de nos institutions, ces fautes de nos entreprises menaçant des vies humaines et notre environnement.
C’est ce que nous continuons à faire avec ce texte, qui arme quelque peu David contre Goliath.
Tout d’abord, la proposition de loi améliore ou précise la définition et le statut des lanceurs d’alerte, en retirant la notion, juridiquement imprécise, de « désintéressement » et en supprimant le caractère de gravité des violations dénoncées.
Ensuite, elle simplifie la procédure d’alerte, en supprimant l’obligation de signalement interne, qui, le plus souvent, ne rimera qu’avec étouffement. Nous regrettons à ce propos que cette procédure Sapin 2 soit maintenue pour la divulgation d’informations obtenues hors de tout cadre professionnel.
Enfin, la proposition de loi codifie pour définir le rôle des facilitateurs et ouvrir ce statut aux personnes morales à but non lucratif, afin de permettre aux lanceurs d’alerte d’être accompagnés, car leur démarche les expose à une immense solitude.
Bien entendu, nous regrettons que la loi n’ouvre pas directement le statut de lanceur d’alerte aux personnes morales. Les associations et ONG jouent un rôle clé dans le processus d’alerte. Elles contribuent à la protection des lanceurs d’alerte en leur permettant notamment de rester anonymes. Nous ne pouvons pas compter sur le seul courage de citoyennes et citoyens qui exposent leur vie pour dénoncer et identifier toutes les failles de nos sociétés, au sein desquelles, de surcroît, la puissance publique, rongée par le néolibéralisme, est en recul constant.
Enfin, parmi les avancées majeures à souligner, je mentionne la lutte contre les procédures bâillons, avec la prise en charge des frais de justice des lanceurs d’alerte et les sanctions contre les procédures judiciaires abusives lancées contre ces mêmes lanceurs d’alerte.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de la proposition de loi, qui constitue une étape importante dans la protection des lanceurs d’alerte. Naturellement, c’est une étape qu’il nous faudra dépasser. Ce n’est malheureusement pas demain que le besoin d’alerte se fera moins sentir !