Intervention de Olivier Henno

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes de nouveau réunis afin de débattre de la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Tout d’abord, il est important de rappeler l’importance de la loi Veil pour notre groupe. Le droit à l’IVG est un droit imprescriptible et inaliénable. C’est la raison pour laquelle nous le défendons et nous le défendrons toujours.

Nous avons pour l’étude de ce texte une priorité simple : assurer le meilleur équilibre possible entre la protection de la valeur suprême de la vie et la liberté de chaque femme à disposer de son corps.

Comme je l’ai évoqué lors de la précédente lecture de ce texte en séance publique, le recours à l’IVG n’a cessé d’augmenter depuis plusieurs années, jusqu’à atteindre son niveau le plus élevé en 2019. Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiée en 2020, le taux de recours a atteint 15, 6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans dans l’Hexagone en 2019.

C’est un taux significatif qui doit nous interpeller.

Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous avons prolongé la gratuité de la contraception féminine jusqu’à 25 ans. Cette mesure, nous l’espérons, permettra de diminuer le taux de recours à l’IVG chez les jeunes femmes, qui représentent aujourd’hui une grande majorité des recours, à hauteur de 65 %. Cependant, nous ne pouvons en mesurer l’impact, car nous n’en avons encore aucun bilan chiffré.

Ce texte nous semble donc prématuré, car nous ne disposons pas du recul suffisant pour légiférer de nouveau.

Pour notre groupe, le principal enjeu sur lequel nous devons concentrer notre travail est l’accessibilité à l’IVG. Il est parfois difficile dans certains territoires, car nous manquons de praticiens et que la prévention n’est pas bien menée.

J’ai été marqué par les propos de Magali Mazuy, sociodémographe à l’Institut national d’études démographiques (INED), qui a déclaré que les difficultés « du service public et de l’hôpital, marqués par la fermeture des petites maternités qui avaient des services d’orthogénie, impactent la qualité de l’offre d’IVG ». Le dysfonctionnement de notre système de santé, aggravé par son manque de moyens financiers, se répercute ainsi sur l’accompagnement des femmes.

Pourtant, rappelez-vous, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, nous avons voté un dispositif expérimental qui permet aux sages-femmes disposant des formations requises de pratiquer des IVG par voie instrumentale. C’est une avancée importante, qui, je l’espère, sera pérennisée. Pour rappel, en 2019, 17 % des IVG réalisées en ville l’ont été par des sages-femmes.

Un autre élément interpelle particulièrement notre groupe, c’est l’augmentation de la taille du fœtus entre douze et quatorze semaines. Selon certains médecins, cela accroît les risques, notamment d’hémorragie et d’accouchement prématuré lors des grossesses ultérieures. L’Académie nationale de médecine s’est même prononcée contre l’allongement du délai de recours à l’IVG, compte tenu des risques de complications pour les femmes à court et moyen termes.

Enfin, nous le savons, le délai de huit jours entre la prise de décision d’effectuer l’IVG et la réalisation de celle-ci est souvent mal vécu.

Nous devons assurer une meilleure prise en charge des femmes, notamment des jeunes femmes. Aussi, il est nécessaire que les professionnels de santé disposent des formations adéquates.

Il apparaît que 30 % des femmes ont connu ou connaîtront dans leur vie une interruption volontaire de grossesse.

La pratique de l’IVG n’est plus un tabou et il n’est pas concevable d’entendre que certaines femmes subissent une pression sociale qui les pousse à ne pas évoquer le sujet avec leurs proches. C’est non pas l’acte en lui-même qui est le plus traumatisant, mais l’omerta qui l’entoure et qui laisse certaines femmes dans une profonde solitude. Il n’est plus possible d’entendre que des femmes se sont vu reprocher leur choix d’interrompre leur grossesse. L’écoute doit se faire sans culpabilité.

Une femme ne tombe pas seule enceinte et la contraception est l’affaire de tous. L’objectif que nous devons viser est d’améliorer l’accompagnement des jeunes vers la contraception, mais aussi de comprendre leurs attentes et les évolutions sociétales que nous traversons.

Les nouvelles générations aspirent à un changement des modes de contraception. En effet, les jeunes femmes rejettent de plus en plus les traitements hormonaux et préfèrent les méthodes naturelles, comme le stérilet en cuivre.

La question de faire reposer la contraception entièrement sur les femmes doit aussi être posée. Les nouveaux modes de contraception, notamment ceux qui sont destinés aux hommes, intéressent les nouvelles générations et sont aujourd’hui moins tabous. C’est une bonne chose.

Dans ces conditions, les membres du groupe Union Centriste pensent que l’extension du délai d’IVG est prématurée face aux disparités et au manque d’accessibilité auxquels nous faisons face. L’urgence, aujourd’hui, est pour nous de pallier le manque de moyens pour remédier aux dysfonctionnements qu’il entraîne.

Nous voterons donc la motion tendant à opposer la question préalable.

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