Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 janvier 2011 à 14h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Pour notre part, nous ne sommes jamais tombés dans un laxisme qui nierait la réalité de la délinquance tant nous sommes attachés à l’idée de contrat social. Mais la guerre que vous engagez n’est pas la nôtre.

À l’occasion de l’examen du présent texte en première lecture dans cette même enceinte, en septembre dernier, vous aviez cité, lors de votre intervention dans la discussion générale, l’Étrange défaite de Marc* Bloch. À l’Assemblée nationale, on a entendu M. Ciotti déclarer que les mesures contenues dans ce projet de loi étaient nécessaires face à une évolution de la délinquance, « les délinquants usant de toutes les techniques pour s’opposer aux contraintes de la loi et aux moyens déployés par les forces de l’ordre » justifiant de « s’adapter pour pouvoir soutenir cette guerre de mouvement contre la délinquance ».

Au nom de la protection de la société contre ses « ennemis » présumés, les mesures dérogatoires au droit commun deviennent la norme, la surveillance et le contrôle social s’étendent massivement et l’objectif de réinsertion assigné à chaque peine disparaît. La question suivante se pose : l’état d’urgence serait-il décrété ?

Vous tentez de faire croire aux Français que votre guerre a été déclarée en leur nom et pour leur bien-être. Un tel argument est tout aussi virtuel que celui invoquant les délinquants « nouvelle génération » qui nécessiteraient que l’on mène « une guerre de mouvement ».

Vous vous efforcez constamment de commenter des faits divers, tous aussi horribles les uns que les autres. Vous légiférez sur ce fondement pour favoriser la confusion entre délits de droit commun et lourdes infractions.

Vous espérez de toutes ces tactiques d’amalgame qu’elles vous permettent non seulement d’entretenir l’hostilité des milieux populaires contre cette catégorie de délinquance, mais aussi de rendre le durcissement de la politique de répression acceptable.

Cependant, nos concitoyens ne sont pas dupes, et nous non plus !

Cette dénonciation constante de la délinquance du petit peuple vous est sans doute bien utile pour masquer la délinquance de la classe dominante. En attestent la dépénalisation du droit des affaires, comme l’abus de bien public. Les sondages le montrent : celui qui a été publié récemment par le est particulièrement révélateur à cet égard, puisqu’il affirmait qu’Éric Woerth était la personnalité politique préférée des Français. Cherchez l’erreur !

Le Front national a usé de la même stratégie de détournement ce week-end, en espérant nous faire croire, dans un but de communication politique et d’électoralisme primaire, qu’il était exorcisé de ses vieux démons.

Ainsi, de la même façon que vous avez repris la théorie de la complaisance à votre compte, ce parti reprend le discours populiste au ton artificiellement ouvriériste tenu par Nicolas Sarkozy en 2007. C’est une belle gageure à deux temps qui nous confirme que vous êtes avec eux, tandis que nous, nous sommes contre eux et contre vous.

Cela dit, il est vrai qu’une guerre de mouvement suppose théoriquement une infanterie légère. C’est précisément sur ce point-là que cette comparaison trouverait un sens.

Malgré le ton et la philosophie martiales du texte, qui soulignent les menaces en tous genres pour justifier l’incohérence des mesures mises en place, police et gendarmerie n’échappent pas à l’arbitraire arithmétique de la révision générale des politiques publiques.

Les deux précédentes lois avaient lancé l’offensive : 3 500 postes de gendarmes supprimés d’ici à 2012, suppression de 4 829 équivalents temps plein dans la police au cours des trois ans à venir, sans oublier, bien évidemment, le gigantesque plan social de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, qui supprime encore plus de 50 000 postes.

La réduction des budgets de fonctionnement, la baisse des effectifs de la police nationale au profit des polices municipales ou de sociétés de sécurité privées ne se conjuguent que pour aggraver l’insécurité.

La police, prérogative régalienne par excellence, ne se délègue pas. Il s’agit d’un choix de société, car seule une sécurité à la charge de l’État peut s’appliquer de façon identique en chaque endroit du territoire, sans disparité entre municipalités riches ou municipalités pauvres.

Or on compte aujourd’hui plus de 18 000 policiers municipaux. Leur effectif a donc connu une augmentation de 120 % en six ans, à la charge des collectivités, dont les dotations financières, je le rappelle, sont gelées pour les trois ans à venir.

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