Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le texte qui nous est soumis aujourd’hui a mis longtemps à être examiné successivement par nos deux assemblées, c’est d’abord parce qu’il s’agit d’un texte dense dont le volume n’a cessé de croître. On est bien loin des 46 articles du texte initialement présenté par le prédécesseur de M. le ministre de l’intérieur, puisque, en deuxième lecture, nos collègues députés étaient saisis de 110 articles.
Mais, au-delà de sa « taille », le fond du texte a également beaucoup évolué, notamment grâce aux travaux du Sénat.
On se souvient que la première lecture du projet de loi au Sénat avait été marquée par l’examen d’une série d’amendements déposés par le Gouvernement, amendements qui avaient très sérieusement modifié la tonalité du texte. Ils avaient suscité un vif débat, aussi bien en commission qu’en séance publique. Toujours est-il que, sur l’ensemble de ces sujets, nous étions parvenus, notamment grâce au travail de M. le rapporteur, à un équilibre qui avait permis au Sénat de voter ce texte.
Il faut le reconnaître, cet équilibre trouvé par le Sénat a été mis à mal à l’Assemblée nationale.
Qu’il s’agisse des peines planchers ou des périodes de sûreté, les députés ont écarté les garde-fous que nous avions prévus et les précisions que nous avions apportées. L’Assemblée nationale est même allée au-delà du dispositif initialement proposé au Sénat par le Gouvernement.
Aussi, je tiens à saluer les travaux de la commission des lois et de son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, qui ont su faire preuve de persévérance et qui, sur tous ces sujets, ont voulu en revenir à la rédaction initialement adoptée par le Sénat.
Concernant l’application des peines planchers à des primo-délinquants, j’avais déjà fait part de mon scepticisme en première lecture, scepticisme partagé par de nombreux collègues dans divers groupes.
En effet, jusqu’à présent, la législation relative aux peines planchers prévoyait des dispositions spécifiques pour les primo-délinquants. En tant que rapporteur de la loi ayant prévu ce type de peine, je puis témoigner que nous avions eu toutes les difficultés à élaborer un texte recevable sur le plan constitutionnel et acceptable par la magistrature.
De fait, je ne suis toujours pas convaincu par la nécessité de ce dispositif, qui semble difficilement compatible avec l’un des principes importants notre droit pénal, à savoir la personnalisation des peines.
Par ailleurs, il est à craindre que les dispositions contenues dans le présent texte ne soient contraires à la Constitution. Comme le relève notre collègue Jean-Patrick Courtois dans son rapport, le Conseil constitutionnel avait validé le dispositif des peines planchers en 2007 en raison de l’état de récidive légale, qui « constitue en elle-même une circonstance objective de particulière gravité ».
J’approuve donc pleinement les aménagements réintroduits par la commission, qui permettront de limiter l’application des peines planchers aux cas de violences les plus graves ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de quinze jours au moins.
Concernant l’allongement de la durée de la période de sûreté pour les auteurs d’un assassinat commis sur un dépositaire de l’autorité publique, le Sénat avait à juste titre voté un dispositif présenté par Jean-Jacques Hyest, Nicolas About et Gérard Longuet prévoyant que cette peine serait applicable uniquement si ces crimes avaient été commis avec circonstance aggravante de guet-apens ou de bande organisée.
Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans un raisonnement selon lequel il y aurait d’un côté des laxistes, qui refuseraient le texte proposé par le Gouvernement et, de l’autre côté, des personnes sérieuses, qui l’approuveraient. Nous voulons simplement conserver le principe de hiérarchisation des peines et assurer aux forces de sécurité et à la justice leur pleine efficacité.
Or les députés ont supprimé ces exigences tenant aux circonstances aggravantes et une telle modification remet en cause le principe de proportionnalité entre l’infraction commise et la peine encourue.
Je ne répéterai pas ce que j’avais déclaré lors de la première lecture de ce projet de loi, mais bien d’autres crimes tout aussi odieux les uns que les autres nécessiteraient aussi une aggravation des peines encourues.