Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue tout d’abord le travail de Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et d’Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure, qui sont à l’initiative de cette proposition de loi relative à l’innovation en santé.
Ce texte est issu d’un travail de fond, mené en lien avec la sénatrice Véronique Guillotin. Ma chère collègue, vous aviez en effet présenté en juin dernier un rapport d’information dressant le bilan du Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, de 2018, afin de préparer celui de 2021. Le constat que vous dressiez était celui du « déclassement de la France dans le développement et la production de thérapies innovantes en dépit de ses qualités académiques, industrielles et de recherche ».
La souveraineté sanitaire de notre pays exige un effort massif pour accompagner le virage des biotechnologies. Elle réclame également une politique de soutien à l’appareil industriel pour favoriser l’émergence de clusters d’envergure internationale. La recherche doit aussi rejoindre les standards internationaux en matière de financement. C’est un enjeu capital !
La proposition de loi vise notamment à rénover l’évaluation éthique de la recherche en santé, à préciser les objectifs de la politique de recherche et de santé publique, à faciliter l’accès aux médicaments et aux traitements innovants et à mieux encadrer l’utilisation des données de santé.
Ce texte tend à lever un certain nombre de freins à l’innovation en santé et va dans le bon sens. Je salue en particulier les dispositions relatives à l’espace numérique de santé, qui doit permettre de favoriser la prévention ainsi que la qualité et surtout la coordination des soins, fondamentale tant pour les patients que pour des raisons économiques.
Je voudrais revenir sur les articles 21 et 22 du texte.
L’article 21 interdit l’usage des données de santé par les organismes complémentaires à des fins de sélection des risques. La commission a réécrit cet article, afin d’étendre l’application de l’une des finalités interdites existant pour l’usage des données du système national des données de santé à l’ensemble des données personnelles de santé. Je salue cette réécriture.
L’article 22 vise à sécuriser le stockage des données de santé, en réservant leur hébergement et leur gestion à des opérateurs relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne. Cependant, comme l’a rappelé Mme la rapporteure, il n’existe pas encore de solution technique souveraine à même de remplacer Microsoft Azure, l’outil auquel la plateforme des données de santé a recouru pour héberger et gérer les données du système national.
M. le secrétaire d’État a rappelé tout à l’heure dans son intervention liminaire que les données étaient stockées en France. Je rappelle toutefois que, dans un avis du 3 février dernier, le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, réclame un appel d’offres pour la plateforme des données de santé.
Le conseil de la CNAM souhaite en effet qu’un appel d’offres, assorti de la mise en place d’une commission indépendante, soit prévu pour choisir un nouvel hébergeur en remplacement de Microsoft, pour accueillir cette plateforme qui doit regrouper toutes les données de santé de nos compatriotes.
Cet avis intervient alors que le projet est en suspens depuis fin décembre, le Gouvernement ayant alors retiré sa demande d’autorisation à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, indispensable à la pleine mise en œuvre de la plateforme. Ce repli temporaire justifié par des motifs techniques permet aussi d’éviter un désaveu sur un sujet sensible pour le Gouvernement en pleine campagne présidentielle.
Le Conseil d’État a reconnu, dans une ordonnance du 13 octobre 2020, l’existence d’un risque de transfert de données issues de la plateforme des données de santé vers les États-Unis, du fait de la soumission de Microsoft au droit américain, et a demandé que des garanties supplémentaires soient mises en place. La CNIL, qui partage cette inquiétude, a estimé que ce risque devait disparaître.
Le secrétaire d’État Adrien Taquet a relevé ce risque tout à l’heure au début de la discussion générale. Il nous faut des réponses précises. Le Gouvernement doit être précis sur ce sujet. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté.
Le Parlement, en particulier le Sénat, doit être vigilant sur cette question.