Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 25 février 2022 à 9h30
Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et amélioration des conditions sanitaires d'organisation des élections législatives — Adoption d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces textes sont un peu particuliers. Ce sont très vraisemblablement les derniers que nous étudions avant la suspension de nos travaux, et ils concernent précisément l’organisation des élections à venir. Toutefois, même s’ils étaient adoptés, ils ne pourraient en aucun cas s’appliquer à ces scrutins.

Leur seul intérêt réside donc dans la réflexion qu’ils suscitent sur l’état de notre démocratie représentative et sur l’éloignement persistant et amplifié de nos concitoyens de tous les processus électoraux.

Alors que la crise internationale et européenne dans laquelle nous sommes entrés après l’agression de l’Ukraine n’incite pas aux grands effets de tribune, il est utile de commencer par rappeler que la démocratie est un joyau, que la paix est un bien commun précieux et que les peuples ont soif de participer au plus près à la vie collective apaisée de leur pays.

Les problématiques d’organisation liées à la pandémie et la baisse constante de participation aux élections, y compris municipales, avaient amené à prendre des mesures modificatives des conditions de vote pour les récentes élections départementales et régionales. Ce texte s’en inspire.

Les taux d’abstention de plus en plus importants traduisent une remise en question de l’utilité du vote. Nous devons les étudier finement.

Le taux d’abstention de la tranche des 18-30 ans figure parmi les plus élevés, ce qui conduit à leur sous-représentation dans les préférences collectives exprimées.

De 25 à 44 ans, un peu plus de 90 % des personnes ayant un diplôme de niveau supérieur au bac sont inscrites sur les listes électorales, soit 30 points de plus que les personnes sans diplôme. Ces inégalités devant le scrutin conduisent à des phénomènes de « mal-représentation ».

Le manque de confiance envers la classe politique est malheureusement établi, mais cela ne veut pas dire pour autant que les Françaises et les Français ne s’intéressent plus à la vie publique. Pétitions, grèves, manifestations, militantisme de terrain montrent qu’il y a implication et que l’on ne peut pas uniquement parler de repli sur la sphère privée ou d’apathie politique.

Notre système électoral est à repenser, pas simplement pour les prochaines échéances ou en raison d’une crise sanitaire. C’est nécessaire, même si ce ne sera pas suffisant.

Abaisser le droit de vote à 16 ans doit faire partie de nos réflexions. La jeunesse s’exprime déjà dans les marches, dans les rassemblements. Le droit de vote permettrait à plus de jeunes de s’engager dans la vie politique, alors qu’ils sont les plus concernés par les décisions ou les non-décisions prises sur l’environnement ou la dette.

En cette période particulièrement difficile pour les jeunes du fait de la crise du covid, qui a conduit à une précarisation extrême et accélérée de certains, leur participation démocratique à la vie politique semble essentielle et doit être encouragée.

J’ai pu noter que cet hémicycle appréciait le fait que les adolescents de plus de 16 ans soient responsables pénalement de leurs actes. Ils peuvent aussi tenir un fusil pour chasser. Ils devraient également être en droit de tenir un bulletin de vote.

Notre groupe s’inquiète comme vous de la désaffection électorale, phénomène constant depuis plusieurs années, mais qui a été exacerbé par le comportement de ce gouvernement face aux demandes de plus de démocratie des Français, face aux espoirs suscités par les annonces d’un Président de la République qui se trouve en difficulté au moment de traduire ses promesses en actes.

Les écologistes sont bien conscients de cette demande de nos concitoyens. Nous avions d’ailleurs fait de nombreuses propositions sur les enjeux démocratiques locaux dans le cadre de la loi 3DS, relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Celles-ci étaient équilibrées, mais la majorité du Sénat n’a pas souhaité les voter.

Nous avons un besoin de changement réel : comptabilisation du vote blanc, part de proportionnelle pour les élections législatives – encore une promesse non tenue du candidat Macron de 2017…

J’insisterai enfin sur le retour à une décorrélation des élections présidentielle et législatives, ces dernières étant devenues un simple vote de confirmation.

Cette volonté d’asservir le pouvoir législatif à l’exécutif relève d’une idéologie de l’exercice du pouvoir très solitaire, où le Parlement dans son entièreté apparaît comme une chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif, comme l’a montré la nonchalance de ce gouvernement sur les ratifications d’ordonnances.

Outre la gestion de la crise sanitaire, que dire d’autres décisions majeures pour l’avenir du pays prises sans débat, comme le renouveau nucléaire ?

Sans parler de nos divergences sur le fond, tout le monde peut comprendre qu’une telle décision prise en fin de mandat, pour ne pas dire en début de campagne électorale, qui vient contredire le programme même de l’ancien candidat, encore Président de la République, mais bientôt candidat, ne sert pas la démocratie, et encore moins l’opinion que les Français s’en font.

Oui, il y a une vraie crise démocratique, ancienne, certes, mais exacerbée, je le répète, par la façon dont le Président de la République actuel exerce un pouvoir solitaire. Elle est ancrée dans cette impression renouvelée que les décisions se prennent ailleurs et que chacun des élus, à son niveau, n’arrive plus à influer sur la vie quotidienne des Français. Sans changement profond de notre système démocratique, de nouvelles crises sociales sont à redouter. La méfiance des citoyens à l’égard de la chose publique ne pourra que s’accentuer.

Nous devons prendre en compte à sa juste valeur cette défiance, ce désenchantement. Les mesures techniques que je viens d’évoquer ne suffiront pas, mais elles peuvent contribuer à retourner cette tendance.

Nous voterons contre ces deux textes, qui apportent trop tard des solutions qui nous apparaissent peu efficaces.

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