Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 25 février 2022 à 9h30
Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et amélioration des conditions sanitaires d'organisation des élections législatives — Adoption d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc la guerre toujours recommencée !

Nous étions beaucoup, je pense, à imaginer que la chute du mur de Berlin ouvrirait une ère d’extension continue de la démocratie sur notre planète. Malheureusement, tel n’a pas été le cas.

C’est vrai, il y a quelque chose de paradoxal à tenir ce débat en cette période grave, qui nous place dans une situation terrible.

Parler de la démocratie, bien sûr, c’est ce qui nous réunit. Toutefois, je note un autre paradoxe : ce qui sera éventuellement voté aujourd’hui n’aura malheureusement aucun effet, dès lors que, compte tenu de notre calendrier, il n’est pas prévu, à ma connaissance, que l’Assemblée nationale soit saisie de ces textes.

Mon cher collègue Philippe Bonnecarrère, il faut néanmoins saluer le travail que vous avez effectué. L’autre jour, nous parlions des œuvres d’art – d’ailleurs, je ne sais pas de combien de sujets nous avons parlé au cours de cette semaine –, et force est de constater que quelque chose peut être à la fois beau et inutile.

C’est exactement ce qui me vient à l’esprit aujourd’hui. Personne n’a de doute sur le fait qu’aucune des mesures ici discutées n’aura un effet concret sur les élections qui viennent.

Mon cher collègue, il eût été préférable de présenter ces dispositions voilà un an, lorsque nous avons discuté d’un projet de loi organique sur les élections à venir. Compte tenu des délais qui couraient alors jusqu’auxdites élections, vos propositions auraient eu une chance de servir à quelque chose.

Plusieurs points ont été abordés.

Pour ce qui est des diffusions audiovisuelles, la proposition de consacrer quatre heures chaque semaine aux débats est peut-être intéressante. L’idée qu’il y ait un débat entre les candidats relève du bon sens, bien sûr, mais vous n’ignorez pas qu’il y a un dispositif en cours et que ce dispositif prévoit, chacun le sait, une phase préliminaire, une phase intermédiaire, qui va commencer le 7 mars, et une phase terminale, qui sera celle de la campagne officielle. Cela est en marche, d’une certaine manière, et je vois mal comment on pourrait, en cours de partie, changer la règle du jeu. De toute façon, le texte n’a aucune chance d’être définitivement adopté.

Par ailleurs, la question de la double procuration a toujours été pour notre groupe une interrogation. On peut comprendre que cette mesure ait été instaurée pour les élections précédentes, mais nous persistons à penser qu’elle favorise les pressions sur les personnes. Nous avons fait, vous le savez, toute une série de propositions en la matière. Je tiens d’ailleurs à rendre un hommage particulier ce matin à notre collègue Éric Kerrouche, à l’origine de très nombreux travaux, qui se sont traduits dans des propositions de loi, pour justement avancer, ou à tout le moins susciter la réflexion, en particulier sur le vote par correspondance.

Je me souviens des déclarations de Pierre Joxe, vers 1975, mettant en cause des fraudes liées au vote par correspondance. Il est vrai que les choses ont évolué depuis lors et que la proposition de loi présentée par Éric Kerrouche comporte toute une série de mesures de nature à sécuriser le vote par correspondance. Nombre de pays ont d’ailleurs adopté cette modalité de vote sans que cela pose de problème. Certains pays parfaitement démocratiques organisent aussi le vote sur plusieurs jours.

Nous avons fait d’autres propositions. Je pense notamment aux parrainages, qui occupent de plus en plus les médias à mesure que l’on s’approche de la date fatidique. Nous avions suggéré un système mixte, dont il eût fallu discuter il y a un an.

Le dédoublement des bureaux de vote est peut-être une idée intéressante. Mais comment voulez-vous la mettre en œuvre à quelques semaines de l’élection ? Il faut imaginer le travail que cela représenterait, pour les maires et pour les mairies : il faudrait répartir les électeurs d’un bureau de vote entre deux bureaux, refaire l’ensemble des listes, envoyer les documents en conséquence, obtenir l’accord du préfet…

Bref, il y a beaucoup d’idées intéressantes. Vous êtes attaché à ce que la démocratie fonctionne mieux, à ce que notre dispositif électoral soit meilleur, à ce qu’il y ait moins d’abstention. Tout cela est bénéfique.

Éric Kerrouche avait cité Alfred de Musset : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux… » Mais il y a quelque chose d’étrange à discuter de cela ce matin, car si l’intention est louable, sa mise en œuvre n’aura pas lieu.

Nous ne voulons toutefois pas décourager la réflexion de M. Bonnecarrère et de ses collègues : nous nous abstiendrons donc sur ces textes.

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