Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 25 février 2022 à 9h30
Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et amélioration des conditions sanitaires d'organisation des élections législatives — Adoption d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme nous avons été nombreux à le dire ce matin, ce débat se déroule dans des conditions particulières. La période troublée que nous vivons pour les droits de l’homme et les libertés en Europe doit nous rappeler l’importance, pour les enjeux démocratiques, des scrutins présidentiel et législatifs à venir en France. C’est de surcroît en fin de session parlementaire que nous avons ce débat qui, nous le savons, ne débouchera pas sur des textes susceptibles de produire leurs effets juridiques.

Toutefois, la proposition de loi et la proposition de loi organique de notre collègue Philippe Bonnecarrère ont l’avantage de tenir compte des dysfonctionnements et des avancées qui se sont produits lors des derniers scrutins départementaux et régionaux, et d’avancer des solutions pragmatiques.

Je salue également le travail de la rapporteure Nadine Bellurot, qui tente, avec ces textes, de nous aider à nous préparer à ce qu’il est impossible de préparer, malgré la vaccination massive de la population : l’organisation d’un scrutin majeur dans des conditions adaptées à l’évolution de la situation sanitaire.

Je salue enfin l’engagement de tous les élus locaux et des bénévoles qui, assesseurs ou présidents, donnent de leur temps pour tenir des bureaux de vote et faire en sorte que ces échéances électorales soient une réussite. Pour cela, il faut que le Gouvernement accompagne les élus locaux dans l’organisation de ces scrutins, notamment par des consignes claires et anticipées.

Nous devons, pour ces futurs scrutins, nous inspirer des modalités mises en œuvre pour les dernières élections locales, qui ont démontré notre capacité à nous adapter à la situation sanitaire, grâce au respect des gestes barrières, à l’organisation matérielle des bureaux de vote ou encore au recours à la double procuration.

Nous devons aussi tirer les conséquences des dysfonctionnements, certes récurrents, mais plus nombreux lors des scrutins de 2020, notamment dans la distribution de la propagande électorale. Grandir, c’est apprendre de ses erreurs.

Ainsi, dans un premier temps, la double procuration permettrait d’apporter une réponse qui a fait ses preuves. La simplification de la procédure, sa centralisation grâce au répertoire électoral unique et sa dématérialisation sur le site www.maprocuration.fr doivent permettre d’offrir cette possibilité, dans un cadre sécurisé, à tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Le recours à un mandataire d’une autre commune est une avancée, qui doit être amplifiée, en période de covid-19, par la double procuration. L’obstacle technique avancé par le Gouvernement démontre le manque d’anticipation des services de l’État et ne peut justifier à lui seul le refus du Gouvernement de maintenir cette possibilité. La technique ne doit pas conditionner la démocratie.

Enfin, il n’y a pas de démocratie sans un vote éclairé. L’accès à l’information est essentiel pour aider les électeurs à choisir leur candidat, a fortiori lorsque la campagne est entravée par les règles sanitaires.

Sur ce dernier point, nous pouvons nous féliciter collectivement que le Gouvernement ait tenu compte des recommandations sur la distribution de la propagande électorale formulées par la mission d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête que la commission des lois du Sénat avait constituée sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021. Cette propagande est en effet une source d’information pluraliste.

Le terrible échec lors des dernières élections a contribué à affaiblir la participation électorale, déjà largement touchée par une abstention structurelle.

La renégociation du marché de distribution au profit de La Poste et son organisation au niveau local doivent permettre de répondre en partie à ces difficultés, madame la ministre. Cependant, nous devons rester vigilants face à la dégradation du service postal et à l’expérience, faite depuis de nombreuses années, du retour massif des propagandes, celui-ci étant surtout lié aux difficultés d’inscription sur les listes électorales à la suite du déménagement des électeurs.

Le changement d’adresse reste un processus complexe, qui oblige à fournir de nombreux justificatifs et qui impose une procédure de radiation puis de réinscription, y compris lorsque le changement d’adresse se fait au sein d’une même commune. Aujourd’hui, sept millions d’électeurs sont mal inscrits.

La refonte des listes électorales va aboutir à l’envoi de nouvelles cartes d’électeurs, modernisées grâce à un QR code. Mais elles pâtiront des mêmes difficultés d’adressage, ce qui risque d’embouteiller les bureaux de vote lors du premier tour des présidentielles.

En période de covid-19, les contacts doivent être limités, et cette affluence dans les bureaux de vote, notamment pour rechercher les cartes d’électeurs qui n’auront pas été reçues, rendra la situation plus complexe.

J’en viens à un sujet qui me tient à cœur : les machines à voter. Celles-ci font toujours l’objet d’un moratoire, depuis 2008. Pourtant, l’utilisation de ces machines est particulièrement pertinente en période de covid-19 : elles permettent de limiter les contacts physiques, d’éviter la présence des scrutateurs et la manipulation des bulletins et d’empêcher le dédoublement des bureaux de vote. Près de 70 communes en font usage à chaque élection, sans que jamais aucun problème important n’ait été relevé.

À l’heure où de nombreuses voix souhaitent le recours au vote par internet, qui pose pourtant des risques de cyberattaque, les machines à voter restent très sécurisées, comme le prouve le rapport rédigé en 2018 par nos collègues Jacky Deromedi et Yves Détraigne.

Au Havre, ou encore à Boulogne-Billancourt, le renouvellement ou l’extension du parc de machines à voter est bloqué par une décision qui, je l’espère, fera l’objet d’une révision rapide, afin que nous puissions nous équiper des nouvelles machines à voter électroniques, qui garantissent le secret du scrutin. Il est temps, madame la ministre, de lever ces restrictions.

En conclusion, notre groupe votera pour ces dispositions empreintes de bon sens et de pragmatisme, qui tiennent compte des possibilités d’évolution d’une situation sanitaire sur laquelle nous n’avons aujourd’hui aucune certitude. Ces textes ont l’avantage de susciter un débat, même si nous savons qu’ils ne produiront pas d’effets juridiques.

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