Intervention de Édouard Courtial

Réunion du 25 février 2022 à 9h30
Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et amélioration des conditions sanitaires d'organisation des élections législatives — Adoption d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés

Photo de Édouard CourtialÉdouard Courtial :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, permettez-moi d’exprimer à mon tour toute ma solidarité avec le peuple ukrainien, alors que le fracas des bombes et des cris résonne de nouveau en Europe.

Le taux d’abstention aux dernières élections régionales, l’année dernière, fut de 66, 7 %. C’est un record absolu. Ce chiffre, bien évidemment, interpelle les élus que nous sommes. Élection après élection, la participation diminue, jusqu’à atteindre des niveaux dangereux pour la crédibilité de notre démocratie.

Les causes sont multiples et la crise sanitaire n’a rien arrangé. Or, si le vote est un droit – un devoir aussi, pour trop peu d’entre nous –, il nous appartient comme législateurs de tout mettre en œuvre pour en faciliter l’exercice et inciter nos concitoyens à voter.

C’est l’objet des deux textes que nous examinons ce matin, présentés par notre collègue Philippe Bonnecarrère.

À quelques mois des rendez-vous démocratiques majeurs que sont l’élection présidentielle et les élections législatives, il nous faut continuer à tirer toutes les leçons des scrutins qui se sont tenus en 2020 et 2021.

Le premier tour des dernières élections municipales s’est déroulé à la date prévue, le 15 mars 2020, sans adaptation particulière sur le plan sanitaire, en dépit de l’apparition quelques semaines auparavant de la pandémie de covid-19. Le second tour a été reporté au 28 juin et s’est accompagné de mesures éphémères destinées à adapter le droit électoral à la situation sanitaire.

Ainsi, le droit à la double procuration a été consacré à titre provisoire par la loi. Le régime d’établissement des procurations à domicile a été considérablement assoupli. Enfin, on a prévu la mise à disposition d’équipements de protection pour les électeurs ainsi que pour les personnes intervenant dans les bureaux de vote.

Ces trois mesures ont été reconduites pour les élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021, pour lesquelles, en outre, a été mis à la charge du service public de l’audiovisuel le soin d’assurer la couverture du débat électoral relatif à ces deux scrutins.

Il est à noter que deux évolutions importantes du droit des procurations sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier, cette fois-ci de manière définitive. D’une part, un électeur peut dorénavant donner procuration à un mandataire inscrit sur la liste électorale d’une autre commune que la sienne. Corrélativement, les procurations sont désormais centralisées dans le répertoire électoral unique, qui contrôle automatiquement l’inscription du mandant et du mandataire sur une liste électorale, ainsi que le plafond de procurations détenues par ce mandataire, afin d’éviter des fraudes. D’autre part, le régime d’établissement des procurations à domicile a été assoupli par un décret du 22 décembre 2021.

Si ces deux mesures apportent davantage de souplesse au vote par procuration et peuvent constituer une réponse utile pour les personnes que la situation sanitaire dissuaderait de se déplacer le jour du scrutin, elles ne sont toutefois pas à la hauteur des enjeux sanitaires et démocratiques que soulèvent les élections à venir.

Le Gouvernement et sa majorité ont donc adopté une démarche ambivalente au regard de l’adaptation de la législation aux circonstances sanitaires à l’approche des élections. Certaines dispositions législatives ont permis au Gouvernement de prendre des mesures provisoires, mais, a contrario, celui-ci a refusé d’ouvrir le sujet électoral au niveau législatif tant lors de l’examen de la loi du 10 novembre 2021 que lors de celui de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique.

Ainsi, alors que le Gouvernement ne paraît pas avoir pris toute la mesure du risque que la persistance de l’épidémie de covid-19 pourrait faire peser aussi bien sur la participation des électeurs aux deux scrutins à venir que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser, la commission des lois du Sénat a souscrit sans réserve au but poursuivi par ces deux textes. Elle en a adopté les dispositions, ouvrant la possibilité à une même personne de se voir confier deux procurations, assouplissant les modalités d’établissement des procurations à domicile et permettant aux préfets de dédoubler les bureaux de vote en cas de risque épidémique particulier. Elle a aussi mis l’accent sur les obligations qui reposent sur les médias audiovisuels en termes de couverture de la campagne électorale, en imposant la diffusion d’au moins un débat entre l’ensemble des candidats afin de renforcer l’expression du pluralisme.

Le contenu de ces propositions de loi reprend d’ailleurs très largement plusieurs mesures proposées par le Sénat dès juin 2020.

Durant les auditions menées par la rapporteure, les services du ministère de l’intérieur ont relevé des obstacles techniques à l’établissement à court terme de doubles procurations au niveau des logiciels du répertoire électoral unique. Un tel manque d’anticipation est peu compréhensible, alors que ces difficultés n’apparaissent pas insurmontables.

En tout état de cause, en raison des délais imposés par la Constitution pour l’examen d’une proposition de loi organique, seule une approche volontariste du Gouvernement, marquée par l’inscription rapide de ces textes à l’ordre du jour, aurait pu permettre leur mise en œuvre concrète. Cela n’a pas été le cas, et nous ne pouvons que le regretter : ces textes n’ont été inscrits à l’ordre du jour que tardivement, dans une semaine sénatoriale, à la fin du mois de février, alors que le Parlement suspend ses activités à l’issue de cet examen.

Ces textes ont donc d’abord valeur d’appel, et je les soutiens à ce titre. Le contexte sanitaire ne doit pas constituer un frein à la participation électorale.

Nous connaissons tous les enjeux des prochaines échéances électorales : réconcilier les Français avec leurs institutions, qui sont le prolongement d’eux-mêmes ; les réconcilier avec leurs représentants, qui sont la traduction de la démocratie représentative ; les réconcilier avec la parole publique, qui trop souvent se dérobe alors qu’elle engage ; les réconcilier avec leur citoyenneté, qui est l’élément essentiel pour choisir notre destin national.

En 2017, la participation à l’élection présidentielle fut de 79, 9 %. Aux dernières élections législatives, elle était de 46, 9 %. Mes chers collègues, gardons tous ces chiffres en tête. Il nous faut faire mieux, toujours mieux, pour mobiliser les Français qui doivent plus que jamais, compte tenu du contexte international, social, économique et culturel, rester des citoyens faisant nation, et non une somme d’individualités ou de communautés.

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