Intervention de Virginie Klès

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit du citoyen devant l’insécurité relevait selon moi, dans notre République, des mêmes principes que le droit du citoyen devant la santé, l’éducation, et, en premier lieu, du principe d’égalité. Vous connaissez la devise « liberté, égalité, fraternité ».

Or j’ai lu dans ce nouveau texte que ce ne serait finalement plus le cas, parce que, en matière de sécurité, l’égalité était trop difficile et trop complexe à définir. Il sera donc question d’« équivalence ».

Je proposerai donc, d’entrée de jeu, que l’on gratte tous les frontons des mairies, et que l’on y écrive : « Liberté, équivalence, fraternité ». C’est certainement beaucoup plus parlant…

Tout cela pour vous dire, mes chers collègues, que ce texte est un véritable fourre-tout. Il s’apparente à un inventaire à la Prévert, fait de durcissement pénal et de rétrécissement des pouvoirs conférés aux juges pour appliquer les sanctions qu’ils estiment adaptées lorsque les limites sont dépassées, ce qui traduit une perte de confiance croissante envers l’institution judiciaire.

Ce texte va aussi sonner le glas d’un certain nombre de libertés publiques, sans pour autant améliorer cette fameuse « équivalence de sécurité », dont j’ai bien du mal à imaginer ce qu’elle peut vouloir dire.

Je ne m’étendrai pas sur les peines planchers, ni sur le sort réservé aux mineurs. Je me demande d’ailleurs quel sort sera réservé à l’ordonnance de 1945, mais j’imagine que ce point a déjà été abordé précédemment.

Ce qui m’ennuie aussi dans ce texte, c’est que l’on confond dissuasion, empêchement, avec réelle prévention de la délinquance sur le long terme, laquelle passerait notamment par l’éducation. Fâcheuse confusion !

On confond en plus l’insécurité et le sentiment d’insécurité, quels que soient par ailleurs les chiffres réels de la délinquance. Je prendrai ainsi l’exemple d’une petite ville, pas très loin de chez moi : le maire de cette commune a constaté, statistiques à l’appui, que la délinquance avait baissé – vous voyez, monsieur le ministre, que je ne cherche pas à polémiquer sur les chiffres ! Pour autant, ses administrés sont persuadés du contraire, et lui confient qu’ils se sentent en insécurité.

Pourquoi ? Parce que tout, aujourd’hui, tend à devenir un délit : il n’y a plus de bêtises d’enfants, plus de mesures éducatives qui vaillent ! Il n’y a plus que des délits et des mineurs qu’il faut se dépêcher de mettre en prison, car ils sont de dangereux futurs criminels ! Tout cela génère un sentiment d’insécurité, et n’a rien à voir avec la sécurité réelle, pas plus d’ailleurs qu’avec la prévention ou la répression de la délinquance.

J’ai lu assez récemment un excellent livre, Lebrac, trois mois de prison, dont je vous conseille la lecture, mes chers collègues. On s’aperçoit que, si la guerre des boutons avait lieu aujourd’hui, un certain nombre de ses protagonistes seraient envoyés en prison, en lieu et place d’une bonne fessée administrée par leurs parents… C’est regrettable !

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