Séance en hémicycle du 18 janvier 2011 à 21h30

Résumé de la séance

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  • délinquance

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Photo de Jean-Léonce Dupont

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous reprenons ce jour, en deuxième lecture, revêt une grande importance : il s’agit de définir les grands axes de la politique de sécurité pour les années à venir.

Ainsi que je l’avais évoqué lors de la discussion générale en première lecture, nous sommes aujourd’hui confrontés à une évolution inéluctable de la délinquance, qui recouvre de multiples formes, dans un monde à l’économie globalisée. Elle nécessite donc une remise en cause permanente des cadres d’action traditionnels des forces de l’ordre.

Sans doute est-il difficile d’appliquer la loi dans ces territoires, où le trafic de drogue génère toute une économie parallèle et entraîne règlements de comptes, parfois utilisation d’armes de guerre, et violences de tous genres.

Il est également difficile de l’appliquer, lorsque les policiers, les gendarmes, mais aussi les pompiers, sont agressés, pris pour cibles et attirés dans de véritables pièges, où leur vie est mise en danger.

Là est le problème. Légiférer est une chose, faire respecter la loi en est une autre, notamment dans les zones où les forces de l’ordre sont surexposées et sous tension permanente.

Après une hausse historique de la délinquance entre 1997 et 2002, la politique de sécurité, menée par le président Nicolas Sarkozy, l’a réduite de près de 15 %, et ce pour la huitième année consécutive.

Votre action, monsieur le ministre, vise à pérenniser cette évolution favorable, avec une nouvelle baisse enregistrée de la délinquance, faisant désormais de la France l’un des pays les plus sûrs au monde.

Ce rétablissement spectaculaire ne doit évidemment rien au hasard ; il résulte de la détermination d’un Gouvernement qui engage une loi de programmation dont la spécificité est de privilégier le redéploiement des moyens existants et le renforcement de la police scientifique et technique.

Je le rappelle avec force, nous, sénateurs de la majorité, soutenons ce vœu de modernisation, véritable ligne conductrice du projet de loi.

Depuis plus de cinq ans, nous avons adopté des textes pour donner aux forces de l’ordre les moyens d’accomplir leur mission et surtout de lutter contre toutes les formes d’insécurité.

Un arsenal pénal a été mis en place pour mettre fin au sentiment d’impunité et mieux encadrer les délinquants les plus dangereux.

Parallèlement, nous avons engagé une politique volontariste de prévention, dans un cadre partenarial. La prévention est le pendant indispensable à toute politique sécuritaire et requiert la coopération de tous les partenaires.

Aujourd’hui, il nous faut développer les instruments juridiques adéquats pour contrer les nouvelles formes de criminalité et rendre plus réactive la lutte contre la délinquance. En cela même, la LOPPSI répond aux attentes de nos concitoyens de par son efficacité incontestable, alors même que l’opposition, qui demeure enfermée dans des contradictions idéologiques, en vient à combattre notre détermination à enrayer la criminalité moderne.

Monsieur le ministre, vous nous proposez un cadre d’action de nature à donner les outils indispensables à nos forces de l’ordre, afin de maintenir la première de nos obligations d’élus locaux, à savoir la sécurité de nos concitoyens. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Comme l’a détaillé notre excellent rapporteur, Jean-Patrick Courtois, dont je saluerai une nouvelle fois le travail de grande qualité, ce projet de loi consacre une rupture vers l’utilisation plus fréquente des nouvelles technologies, en même temps qu’il favorise une approche ciblée de la délinquance.

Nous avons eu à cœur, au sein de la commission des lois, d’adopter une attitude pragmatique, dans l’objectif unique de garantir l’efficacité des forces de police et de gendarmerie, dans le respect des libertés individuelles et des principes de notre droit.

Cette rupture technologique, axe majeur de ce texte, se traduit par le renforcement des moyens de la police technique et scientifique permettant de substituer la culture de la preuve à la culture de l’aveu et d’améliorer encore les taux d’élucidation – qui ont déjà beaucoup augmenté –, notamment pour la délinquance sous toutes ses formes. C’est là un enjeu absolument majeur.

Les nouvelles technologies offrent des possibilités inédites à la police et la gendarmerie, de la captation de données à la surveillance.

La vidéoprotection illustre ce que les nouvelles technologies peuvent apporter à la sécurité.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les conclusions du dernier rapport de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration, d’octobre 2010 sont sans appel : celui-ci démontre la « corrélation très significative » entre la densité des caméras et l’évolution de la délinquance ; ainsi, dans les villes disposant d’au moins une caméra pour 4 000 habitants, les vols avec violence baissent de 6, 7 %, alors qu’ils explosent de 12, 1 % dans les villes possédant moins d’une caméra pour 10 000 habitants.

La vidéoprotection permet largement d’optimiser les capacités des effectifs en intervention là où les caméras sont en nombre suffisant sur le secteur à sécuriser.

Développer les possibilités d’utilisation de la vidéoprotection, dans le strict respect de la vie privée et des libertés individuelles, est l’un des objectifs essentiels de ce texte absolument indispensable pour accroître les performances de la police de voie publique.

C’est pourquoi nous sommes très satisfaits de l’accord trouvé entre les deux assemblées pour améliorer les conditions du contrôle de la vidéoprotection, en renforçant le dispositif actuel par l’apport des compétences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Un second élément a été introduit, qui nous semble très important pour les élus que nous sommes : le maire sera informé des procédures entreprises par la Commission départementale de la vidéosurveillance et par la CNIL à l’encontre des utilisateurs de systèmes de vidéoprotection qui ne respecteront pas le cadre fixé par la loi.

Ces mesures permettront, vous l’aurez compris, mes chers collègues, de garantir de manière parfaitement équilibrée les droits des uns et les devoirs des autres.

L’approche technologique se combine avec une approche ciblée de la délinquance, que traduit pleinement ce texte. Parce que la délinquance évolue en permanence, le Gouvernement doit mener une stratégie adaptée : à chaque problème, une réponse ciblée.

En dépit des bons résultats obtenus, vous avez la volonté, monsieur le ministre, d’aller encore plus loin contre les cambriolages, le « hooliganisme », l’insécurité dans les transports publics, les trafics de drogue, les bandes violentes, les violences scolaires et l’insécurité des personnes âgées, autant d’objectifs qui trouvent leur traduction dans vos sept plans d’action opérationnels.

Je souhaiterais m’arrêter un instant sur le volet « prévention de la délinquance » à proprement parler. C’est tout le sens des dispositions appelées « d’application du discours de Grenoble », sur lesquelles la commission des lois a entendu revenir par rapport au texte adopté par nos collègues députés.

Qu’en est-il concrètement ?

Concernant les peines planchers, la commission nous propose qu’elles soient limitées aux primo-délinquants auteurs de violences volontaires graves, passibles d’au moins dix ans de prison.

S’agissant, par ailleurs, des peines de sûreté de trente ans, il nous paraît important qu’elles soient applicables pour les meurtres commis avec guet-apens ou en bande organisée.

Quant à la comparution immédiate des mineurs par un officier de police judiciaire, sans passer par le juge des enfants, nous nous réjouissons que la commission l’ait restreinte aux mineurs condamnés dans les six mois précédents pour la même infraction.

En outre, la commission des lois a confirmé son analyse juridique au regard du « couvre-feu » susceptible d’être prononcé à l’encontre de certains mineurs de treize ans, considérant que, s’agissant d’une sanction, elle devait être prononcée par un juge et non par une autorité administrative.

Enfin, je m’arrêterai sur un point qui me semble important pour les élus locaux : la police municipale et son développement.

En effet, la police municipale, la police nationale et la gendarmerie sont souvent en première ligne face à cette délinquance dénuée de tout scrupule à leur égard. En l’espace d’une vingtaine d’années, le nombre de polices municipales a doublé. Pour autant, la police municipale souffre souvent d’un déficit d’image, étant considérée, à tort, comme une « sous-police ».

Élargir les compétences des policiers municipaux aura un double avantage : les crédibiliser aux yeux de la population et des jeunes délinquants, et instaurer une vraie complémentarité avec la police nationale. La police municipale doit être « la » police de proximité qui œuvre à la prévention et au recueil d’informations locales, laissant à la police nationale sa légitime mission d’investigation et d’élucidation.

Notre devoir à tous est donc de renforcer la lutte contre la criminalité, en rendant nos méthodes plus efficientes.

La sécurité ne saurait passer son tour, sous prétexte que nous aurions déjà adopté d’autres lois, toutes utiles et nécessaires.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP votera, avec détermination et enthousiasme, ce texte trop longtemps attendu !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit du citoyen devant l’insécurité relevait selon moi, dans notre République, des mêmes principes que le droit du citoyen devant la santé, l’éducation, et, en premier lieu, du principe d’égalité. Vous connaissez la devise « liberté, égalité, fraternité ».

Or j’ai lu dans ce nouveau texte que ce ne serait finalement plus le cas, parce que, en matière de sécurité, l’égalité était trop difficile et trop complexe à définir. Il sera donc question d’« équivalence ».

Je proposerai donc, d’entrée de jeu, que l’on gratte tous les frontons des mairies, et que l’on y écrive : « Liberté, équivalence, fraternité ». C’est certainement beaucoup plus parlant…

Tout cela pour vous dire, mes chers collègues, que ce texte est un véritable fourre-tout. Il s’apparente à un inventaire à la Prévert, fait de durcissement pénal et de rétrécissement des pouvoirs conférés aux juges pour appliquer les sanctions qu’ils estiment adaptées lorsque les limites sont dépassées, ce qui traduit une perte de confiance croissante envers l’institution judiciaire.

Ce texte va aussi sonner le glas d’un certain nombre de libertés publiques, sans pour autant améliorer cette fameuse « équivalence de sécurité », dont j’ai bien du mal à imaginer ce qu’elle peut vouloir dire.

Je ne m’étendrai pas sur les peines planchers, ni sur le sort réservé aux mineurs. Je me demande d’ailleurs quel sort sera réservé à l’ordonnance de 1945, mais j’imagine que ce point a déjà été abordé précédemment.

Ce qui m’ennuie aussi dans ce texte, c’est que l’on confond dissuasion, empêchement, avec réelle prévention de la délinquance sur le long terme, laquelle passerait notamment par l’éducation. Fâcheuse confusion !

On confond en plus l’insécurité et le sentiment d’insécurité, quels que soient par ailleurs les chiffres réels de la délinquance. Je prendrai ainsi l’exemple d’une petite ville, pas très loin de chez moi : le maire de cette commune a constaté, statistiques à l’appui, que la délinquance avait baissé – vous voyez, monsieur le ministre, que je ne cherche pas à polémiquer sur les chiffres ! Pour autant, ses administrés sont persuadés du contraire, et lui confient qu’ils se sentent en insécurité.

Pourquoi ? Parce que tout, aujourd’hui, tend à devenir un délit : il n’y a plus de bêtises d’enfants, plus de mesures éducatives qui vaillent ! Il n’y a plus que des délits et des mineurs qu’il faut se dépêcher de mettre en prison, car ils sont de dangereux futurs criminels ! Tout cela génère un sentiment d’insécurité, et n’a rien à voir avec la sécurité réelle, pas plus d’ailleurs qu’avec la prévention ou la répression de la délinquance.

J’ai lu assez récemment un excellent livre, Lebrac, trois mois de prison, dont je vous conseille la lecture, mes chers collègues. On s’aperçoit que, si la guerre des boutons avait lieu aujourd’hui, un certain nombre de ses protagonistes seraient envoyés en prison, en lieu et place d’une bonne fessée administrée par leurs parents… C’est regrettable !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

On ne donne plus de fessée depuis longtemps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La fessée sur les mineurs est aussi un délit, madame Klès !

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J’ai aussi du mal à imaginer que le fait d’insulter ou de ne pas insulter le chef de l’État relève de la sécurité intérieure. Je sais bien que l’article du projet de loi qui traite de ce délit n’est pas examiné aujourd’hui parce qu’il est entériné, mais je me demande s’il a vraiment sa place dans un tel projet de loi de programmation. Il me semblait en outre qu’il était déjà interdit d’insulter le chef de l’État, en sa qualité de dépositaire de l’autorité publique. Quoi qu’il en soit, je ne savais pas que la sécurité en France était tributaire de la création de ce délit si spécifique… Mais on en apprend chaque jour un peu plus !

Cette politique exclusivement tournée vers le durcissement de l’action répressive a pourtant fait la preuve de son inefficacité depuis longtemps. S’il suffisait d’alourdir les peines pour réduire à zéro la délinquance, cela se saurait, et la délinquance aurait disparu depuis longtemps.

Pour revenir sur des aspects plus programmatiques du texte, je constate aussi qu’il ne contient pas grand-chose sur les donneurs d’ordres. La délinquance visée est uniquement la délinquance visible, celle de nos banlieues, de nos rues, de nos villes. En revanche, je n’ai pas constaté que l’on durcissait le ton à l’endroit de l’économie souterraine et des donneurs d’ordre. Je n’ai pas vu beaucoup d’articles tendant à alourdir les peines qu’ils encourent, tout comme je n’ai pas vu beaucoup de dispositions visant les systèmes de blanchiment d’argent, les circuits financiers et toute cette économie souterraine qui, finalement, sous-tend et fait vivre la délinquance quotidienne de nos communes, de nos villes et de nos banlieues, contre laquelle nous souhaitons tous lutter.

À l’instar de certains députés de la majorité, on peut faire complètement abstraction de la cause de cette délinquance. Mais telle n’est pas ma façon de fonctionner. En tant que vétérinaire, quand je m’attaque à un mal, même complexe, j’essaye d’abord d’en isoler la ou les causes, et ensuite de les combattre.

Tant que l’on ne s’attaquera pas sérieusement à ce problème de l’économie souterraine et du financement de la délinquance, on ne luttera pas réellement contre la délinquance, et l’on ne traitera que certains de ses symptômes. Pour prendre l’exemple du trafic de stupéfiants, je vous invite, mes chers collègues, comme je l’ai fait, à aller voir ce qui se passe en Guyane.

Je relèverai, à propos de ce texte, un autre exemple de manque de cohérence et de suivi. Alors que le Premier ministre lui-même avait déclaré les violences faites aux femmes, notamment les violences conjugales, grande cause nationale 2010, qu’a-t-on fait en pratique ? Certes, on a voté une loi en juillet à l’élaboration de laquelle j’ai participé. Mais quels moyens supplémentaires a-t-on donnés aux gendarmes ou aux policiers pour accueillir et orienter correctement les victimes, exception faite des locaux spécifiques prévus pour les victimologues ? Des locaux qui, au demeurant, risquent fort d’être inutilisés, les pouvoirs publics n’ayant pas les moyens d’engager ces professionnels, qui constituent pourtant une brique essentielle dans le processus de construction d’une politique de prévention et de lutte contre cette forme de délinquance que sont les violences conjugales et les violences intrafamiliales.

Quels sont, finalement, les objectifs de ce projet de loi de programmation ? On nous dit que chaque territoire est unique. Certes ! Je constate néanmoins que l’État n’abondera que les dispositifs correspondant à un cadre normé : il faudra répondre aux objectifs du Gouvernement, notamment en matière de vidéosurveillance, pour pouvoir obtenir des fonds et mettre en place des programmes et des actions. Si chaque territoire est unique, pourquoi ne laisse-t-on pas les territoires élaborer eux-mêmes leurs politiques de prévention et de répression de la délinquance ? Pourquoi faut-il absolument se calquer sur un modèle unique, celui du Gouvernement ?

On nous dit que l’on va mieux répartir les forces et renforcer le maillage territorial. Pourtant, il n’est question que de répartition des moyens sur des bassins de délinquance. Où est la prévention dans tout cela ? Chaque fois qu’un phénomène de grande ampleur survient, qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle, d’un événement de grande délinquance ou d’une manifestation du type de celle qui a eu lieu contre la réforme des retraites, vous annoncez, monsieur le ministre, que vous allez résoudre le problème en mettant des moyens à disposition de la zone concernée.

Malheureusement, comme les moyens sont aujourd’hui insuffisants, on prélève des effectifs à d’autres endroits, favorisant ainsi le déplacement des bassins de délinquance. Je n’appelle pas cela mener une véritable politique de lutte contre la délinquance, ni faire de la prévention.

Meilleure répartition des forces et des rôles ? Certes ! Les missions des policiers municipaux, qui étaient jusqu’à présent limitées, vont être étendues. Mais de quelle formation supplémentaire ces policiers bénéficieront-ils ? Ce projet de loi de programmation n’aurait-il pas été l’occasion d’imaginer la création d’une école nationale des polices municipales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

C’était peut-être aussi l’occasion de mutualiser des moyens – je pense notamment aux locaux – autour de la formation des polices municipales, et donc de réaliser des économies.

Je reviendrai plus tard dans le débat sur tout ce qui concerne internet, en particulier le filtrage des sites. Nous avons tous l’intention de lutter contre la cybercriminalité, notamment la pédopornographie, mais je pense vraiment que l’on fait fausse route avec ce texte.

Là encore, qu’en est-il du volet financier de ce combat ? Où sont les mesures concernant les banques ? Où sont les moyens destinés à lutter contre les systèmes de blanchiment d’argent en matière de cybercriminalité et de pédopornographie ?

Bref, il s’agit d’un texte extrêmement confus, qui n’a pas grand-chose à voir, à mon sens, avec une loi de programmation. C’est comme si l’on se contentait de proposer de l’aspirine pour soigner un mal de tête qui provient peut-être d’une méningite… Il faut aussi, de temps en temps, penser aux antibiotiques ! Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai pas pour ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’étais déjà intervenu en première lecture pour soutenir ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2. Je persiste et je signe !

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avez-vous bien réfléchi ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je confirme, sur le fond, la nécessité de ce projet de loi et la pertinence des propositions législatives qu’il contient, qui répondent globalement aux besoins constatés.

Je confirme aussi la pertinence du message politique, au sens noble du terme, que l’on adresse à travers ce texte, c’est-à-dire l’écoute et l’attention que le Gouvernement comme le Parlement portent à la sécurité de nos concitoyens, laquelle est l’un des principaux droits de l’homme.

Je voterai donc l’essentiel de ce texte, d’autant que le travail conjoint effectué par le Sénat et l’Assemblée nationale a permis de rapprocher les points de vue des deux chambres sur nombre de sujets.

C’est ainsi que, à titre d’exemple, l’article 1er du texte, qui concerne les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure – en quelque sorte l’élément princeps de la loi – a été adopté sans modification, de même que l’article 9 bis, qui tend à créer, à l’initiative du rapporteur, Jean-Patrick Courtois, que je félicite au passage pour l’excellence de son travail, un Fonds de soutien à la police scientifique et technique. Cette disposition novatrice me semble fort intelligente.

Plus délicat est l’article 28 bis, qui concerne le délai de récupération des points de permis de conduire. Je pense qu’il faut maintenir fermement l’orientation politique impulsée par le Président de la République et le Gouvernement contre l’insécurité routière, qui a donné d’excellents résultats. Elle a permis de sauver des milliers de vies humaines. La logique de la LOPPSI, qui conduit à alourdir les sanctions pour les délits les plus importants – grands excès de vitesse, conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants – avec confiscation, qui plus est, du véhicule en cas de récidive ou de conduite sans permis, nous permet, et uniquement dans ces conditions, d’accepter la position équilibrée du rapporteur, qui n’assouplit la procédure que pour les infractions minimes entraînant la perte d’un seul point. J’ajouterai, monsieur le ministre, que cet assouplissement devrait intervenir sous réserve d’une évaluation annuelle positive du nouveau texte.

Je suis également favorable à l’article 24 duodecies A, qui, pour sécuriser les transports, condamne la pénétration dans les espaces affectés à la conduite des trains.

Je souscris aussi pleinement à l’amendement présenté par M. le rapporteur à l’article 17, qui permet aux maires d’être informés lorsqu’une procédure est lancée à l’encontre du titulaire d’une autorisation de vidéosurveillance. Il me semble que, en l’occurrence, le Sénat remplit pleinement sa mission.

Monsieur le ministre, ces nombreuses convergences de vues ne peuvent cependant masquer mes interrogations sur quelques points particuliers. Certes, l’article 32 ter, qui accorde la qualité d’agents de police judiciaire aux directeurs de police municipale, et l’article 32 quinquies, qui autorise la participation des policiers municipaux au dépistage d’alcoolémie sous l’autorité d’un OPJ, constituent des avancées pour la police municipale. Je reste toutefois sur ma faim quant à ce dossier.

J’avais évoqué en première lecture plusieurs points, comme la médaille d’honneur, l’École nationale supérieure de la police municipale ou l’extension des compétences des policiers municipaux en fonction des réalités du terrain. Aucun de ces points n’avait à l’époque obtenu satisfaction, mais vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à lancer une réflexion sur l’avenir de cette troisième force de sécurité. Je me demande donc aujourd’hui où en est cette réflexion de fond.

Par ailleurs, j’ai quelques difficultés à suivre la position de notre commission des lois sur certains articles. Je prendrai à titre d’exemple l’article 24 bis, qui prévoit la possibilité pour le préfet d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs de treize ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il ne s’agit pas d’un couvre-feu général ! La mesure concerne une personne en particulier !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Pour avoir moi-même installé un couvre-feu des mineurs depuis plus de dix ans, j’ai pu constater sur le terrain, en tant que maire, tous ses effets positifs. Je considère donc que cette mesure, prise par le préfet, et applicable aux mineurs ayant fait l’objet d’une sanction éducative et dont les parents ont conclu avec le président du conseil général un contrat de responsabilité parentale, va dans le bon sens. Elle permettra de mieux lutter contre cette dérive continue d’une délinquance juvénile qui constitue, aujourd’hui, une agression permanente, incompréhensible et exaspérante pour nos concitoyens.

S’agissant de l’article 37 undecies portant sur la peine complémentaire d’interdiction de territoire en matière criminelle pour un crime commis par un étranger, je ne suis nullement choqué qu’il appartienne à la cour d’assises, composée de jurés représentant le peuple français, de délibérer spécifiquement – il ne s’agit donc pas d’une automaticité – sur l’opportunité de prononcer cette peine complémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je pose la question : qui a peur de l’avis des citoyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons accepté cet amendement ! Lisez nos travaux, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ces quelques exemples m’amènent en conclusion à souligner la nécessité d’accompagner cette loi par un texte complémentaire pour faire passer un message fort auprès des Français qui manifestent une très forte attente dans ce domaine.

La délinquance juvénile est devenue, en effet, le sujet de préoccupation majeure de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Il y a quelques jours, mes chers collègues, dans le département des Alpes-Maritimes, deux mineurs de quinze ans ont été interpellés pour sept braquages.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Une semaine auparavant, cinq adolescents de quatorze à seize ans, à qui on impute au bas mot vingt-huit agressions, notamment sur des personnes vulnérables, ont été interpellés.

Monsieur le ministre, il faut d’urgence trouver des solutions plus efficaces que celles qui existent à ce jour et qui, à l’évidence, sont inopérantes par rapport au développement de cette délinquance juvénile.

L’actualité confirme, plus que jamais, la nécessité de ne pas être naïf et d’agir en refondant en priorité l’ordonnance de 1945 et en accordant aux victimes trop souvent oubliées – mes chers collègues, je n’ai pas entendu un seul mot en leur faveur – le soutien qui leur est dû, surtout quand on voit parallèlement les aides légales dont bénéficient les auteurs d’actes de délinquance.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPSSI 2, qui nous est présenté aujourd’hui en deuxième lecture, s’inscrit dans un contexte d’inégalités et de régressions sociales majeures.

Les Français, qui manifestent contre ce projet sécuritaire et inégalitaire, ne s’y sont pas trompés !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Ils ne sont pas nombreux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Malheureusement, les médias ne les ont pas vraiment informés de ce qui les attendait avec ce projet de loi…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

C’est dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

… sinon je suis certaine qu’ils auraient été le double, peut-être même le triple…

Nous étions d’ailleurs nombreux, parmi les élus locaux ou nationaux à nous joindre à eux, afin de manifester notre opposition au recul des libertés individuelles que représente ce texte de répression des populations fragilisées et de surveillance généralisée.

M. le ministre a déjà eu l’occasion de nous dire, en première lecture, tout le bien qu’il pensait des élus qui défendaient à la fois dans la rue et dans l’hémicycle les libertés individuelles, nous rappelant à l’ordre et nous indiquant que nous avions mieux à faire que de nous joindre aux associations, aux militants et aux citoyens, anéantis et révoltés par ce nouveau modèle de société policière !

Quitte à tout contrôler, autant brimer également la vox populi et celle de ses représentants, en leur faisant la morale et en remettant en cause leur droit à manifester leur opinion !

Après tout, l’attitude de M. le ministre s’inscrit dans la droite ligne – très à droite même – du texte qui nous est aujourd’hui soumis : interdire et réprimer !

Le Gouvernement met en avant et stigmatise la montée de la délinquance pour créer des peurs et ainsi justifier des mesures liberticides disproportionnées, au lieu d’admettre son incapacité à lutter de façon effective contre ce phénomène.

Le Président de la République et ses divers gouvernements n’ont eu de cesse de surfer sur la vague de la peur pour justifier des atteintes graves à nos libertés, au lieu de remettre en cause leur gestion de la situation et la politique répressive inefficace !

Je persiste à dire que ce texte développe une doctrine : privilégier les réponses pénales spectaculaires et criminaliser, au détriment des solutions réfléchies et mesurées en faveur de la prévention.

En effet, nous assistons à un durcissement inapproprié du droit pénal et des pouvoirs policiers, bafouant ainsi les principes de l’État de droit, et se dispensant du respect des libertés fondamentales. La LOPPSI 2, « fourre-tout » législatif et projet de loi exclusivement répressif, porte gravement atteinte à nos libertés et à nos garanties judiciaires, et aggrave l’injustice sociale.

Il est insupportable d’y constater que nos citoyens les plus affaiblis et les plus précarisés – les mal-logés, les étrangers, les mineurs en difficulté – sont encore plus stigmatisés et servent de « bouc-émissaires » ou, devrais-je dire, « bouc et misère » !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Eh oui, avec ce texte, on s’en prend à la misère, à la pauvreté, aux précaires que l’on montre du doigt et que l’on rend responsables de tous les maux de notre société ! Au lieu de combattre à la source ces inégalités sociales, ce projet de loi criminalise le pauvre, sanctionne, pénalise, fait le culte de l’État policier…

Avec son lot d’expulsions de logements et de fichages, avec la généralisation de la vidéosurveillance et de l’espionnage de l’espace public, avec l’aggravation des peines et des peines planchers et la création de milices supplétives, la LOPPSI 2 nous semble appartenir à un autre temps ou à d’autres espaces.

À l’heure où des États voisins accèdent à la démocratie – je salue à cette occasion le courage d’un peuple ami, qui est parvenu à faire fuir un dictateur – la France, elle, se replie sur une législation sécuritaire et veut devenir un État policier et répressif !

Si c’est ce « savoir-faire français en matière sécuritaire » que votre collègue Mme Alliot-Marie se proposait d’exporter, je me permets de vous dire que, déjà, nous n’en voulons pas en France !

Il y a quand même de quoi être inquiet et affligé par une telle régression du droit français que la LOPPSI 2 tente de nous imposer. L’on peut légitimement se demander quand cette dérive vers le « répressif » à tout prix va s’arrêter.

Vous qui jouez, monsieur le ministre, sur le terrain de la peur, je vous le confirme : la France a peur, peur de cette dérive sécuritaire, peur de cette atteinte à nos libertés individuelles et de ce recul de nos droits fondamentaux que vous souhaitez nous imposer ! Mais elle a aussi peur de cette insécurité sociale qui s’impose de plus en plus !

En vous en prenant aux plus faibles et en rendant responsables les précaires de l’échec de votre politique inefficace, vous ne faites qu’accentuer le fossé entre nos citoyens et le Gouvernement, déconnecté de la réalité !

Entendez, monsieur le ministre, les revendications de ceux qui vivent au quotidien l’insécurité sociale, résultante directe de votre mauvaise gestion de l’État ! Ne dénigrez pas le mécontentement de la rue, qui samedi encore manifestait contre votre projet de loi, indigne d’une démocratie, contre un projet qui fragilise le pouvoir judiciaire au profit d’un pouvoir politique arbitraire, ce qui n’est pas admissible dans un État de droit !

Les associations n’ont de cesse de dénoncer ce projet de loi « scélérate » et se mobilisent contre l’État policier que vous essayez de nous infliger.

Nous, sénateurs français d’Europe Écologie-les Verts, comme ceux des autres groupes opposés à juste titre à ce projet, nous nous devons de vous rappeler à vos responsabilités !

Mais vous y préférez un désengagement de l’État en matière de sécurité, au profit d’opérateurs privés, donc du business de la sécurité, ce qui est indigne de notre République.

Tout comme en première lecture, je réaffirme que nous devons redéfinir les contours d’une politique de sécurité humaine, pragmatique et équilibrée, ne niant pas les individus et reposant également sur la prévention, la dissuasion, la réinsertion et non uniquement sur la sanction !

Vous y préférez la répression des populations les plus affaiblies.

Vous prônez l’expulsion de tous les occupants d’habitats atypiques – tente, cabane, caravane, yourte, mobile home – sur des terrains publics ou privés, et la destruction de leur habitat, au lieu de faire en sorte que soit appliquée la loi de réquisition des logements vides ou qu’un nombre raisonnable de logements sociaux soient construits !

Vous vous en prenez aux familles les plus fragilisées et aux jeunes en difficulté, en stigmatisant leurs parents et en sanctionnant à tout-va, au lieu de leur donner les moyens d’affronter leurs difficultés sociales et de les aider à faire face à leurs problèmes.

Vous parsemez cette LOPPSI 2 de mesures répressives à l’encontre des étrangers en attente de leur admission au séjour alors que ce texte est manifestement inapproprié pour traiter de la question de l’immigration, qui nous sera prochainement soumise via un autre véhicule législatif, élaboré par votre collègue M. Besson ! Mais nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre, nous saisissons parfaitement le message du Gouvernement auquel vous appartenez et cette analogie nauséabonde qu’il entretient entre délinquance et immigration.

Au-delà de la répression à l’égard des populations les plus fragilisées, la LOPPSI 2 nous fiche, nous contrôle, nous surveille, nous espionne

Il est d’ailleurs étonnant de constater que vous n’avez pas songé à imposer le contrôle par « web cab » du domicile de chaque citoyen !

Est-ce la crainte d’être assimilé aux cybercriminels que vous combattez ou la prise de conscience que l’atteinte à la vie privée aurait été trop flagrante ?

La LOPPSI 2 affecte gravement notre liberté d’expression et notre droit de réunion, notre droit à la liberté tout simplement, en tentant de museler l’expression pacifiste du mécontentement. Entre le projet de pénaliser les chahuts lors des réunions d’instances électives et le contrôle strict des manifestations populaires, quid de la démocratie, affectée par ces graves atteintes liberticides ?

Enfin, comme je l’ai brièvement exposé au début de mon intervention, la LOPPSI 2 ne se prive pas, sous prétexte de renforcer la lutte contre la criminalité, de multiplier encore les moyens de répression.

En voici quelques exemples : le système des peines planchers, heureusement limité en commission des lois au champ des seules violences les plus graves, ce qui reste encore contestable s’agissant des primo-délinquants ; l’allongement à trente ans de la période de sûreté applicable aux meurtriers de dépositaires de l’autorité publique, mesure qui, elle aussi, a été limitée en commission des lois aux meurtres avec circonstances aggravantes. Quoi qu’il en soit, avec tout le respect que je voue aux dépositaires de l’autorité publique, je reste farouchement opposée à cet allongement de la période de sureté pour une seule catégorie de victimes, portant ainsi atteinte à la cohérence de notre droit pénal.

Je suis d’ailleurs, d’une façon générale, contre toutes ces peines de sûreté, qui entravent toute chance de réinsertion et tout espoir pour le prévenu de voir sa peine aménagée.

Le droit pénal des mineurs fait, lui aussi, les frais de vos atteintes liberticides en raison de l’institution de « couvre-feux », y compris si celui-ci est prononcé par un juge, ou encore de la convocation des mineurs délinquants par l’officier de police judiciaire, que la commission des lois a d’ailleurs sanctionnée.

Vous aurez donc tous compris que je m’oppose évidemment à ce projet de loi LOPPSI 2, qui s’attaque à tous les domaines de nos libertés et dont le seul but est de créer des peurs au travers de mesures illisibles et de nouvelles incriminations dangereuses, inutiles et inapplicables, faisant de la surenchère sécuritaire et entretenant un affichage purement médiatique !

De grâce, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’entérinons pas ici une justice à double vitesse et, surtout, ne vous dispensez pas des garanties essentielles à notre démocratie et à nos libertés ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, dit LOPPSI 2, que nous avions examiné en septembre dernier en première lecture, avait déjà suscité des débats très riches et très denses.

Je tiens à m’associer à ceux de nos collègues qui ont rendu hommage aux gendarmes et aux policiers œuvrant au quotidien pour la sécurité de tous, avec l’ensemble des services de secours ; nous avons pu prendre la mesure de leur dévouement ces dernières semaines, lors des intempéries exceptionnelles.

Parallèlement, je salue le travail réalisé par M. le rapporteur et les membres de la commission des lois. Ils ont apporté des améliorations à ce texte, qui s’adapte aux nouvelles formes de délinquance, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le ministre.

Incontestablement, ce texte met à la disposition des forces de gendarmerie et de police mais aussi de la justice, des outils efficaces issus de nouvelles technologies, afin de défendre la sécurité sous toutes ses formes, y compris la sécurité routière, la sécurité des personnes et des biens, en particulier, en faveur des personnes les plus fragiles.

L’aspect humain doit rester notre priorité par la reconnaissance du travail accompli avec beaucoup de dévouement et de savoir-faire par les gendarmes et les policiers, qui sont de plus en plus souvent confrontés à des missions très difficiles et à de nombreuses interventions à caractère social.

J’interviendrai principalement sur la gendarmerie nationale en me faisant modestement le porte-parole des élus des petites communes, des élus de proximité, qui se sentent souvent isolés et dont les premiers interlocuteurs sont les gendarmes.

La présence humaine doit rester une priorité. Il est donc nécessaire de maintenir des effectifs suffisants dans les petites brigades organisées en communautés de brigades, car elles ont un rôle essentiel dans la vie de nos territoires ruraux : connaissance du terrain, confiance et le dialogue avec les élus locaux, information et concertation avec le monde économique, social et associatif. À cet égard, on ne saurait contester l’utilité des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui œuvrent en liaison avec les représentants de l’État et des collectivités territoriales.

C’est pourquoi il est indispensable de maintenir dans les petites brigades les effectifs suffisants et de leur donner les moyens de fonctionner pour assurer un travail de terrain efficace afin de répondre aux attentes des habitants.

La gendarmerie recrute – c’est un message à l’intention des élus locaux – des gendarmes adjoints volontaires. Les jeunes qui souhaitent s’engager dans la vie active ont ainsi la possibilité intéressante de bénéficier d’une formation utile. Les réservistes viennent aussi renforcer les brigades territoriales.

Nous en sommes conscients, il reste encore beaucoup à faire en matière de sécurité intérieure, sujet sensible qui constitue une préoccupation majeure pour chacun d’entre nous. Les dispositions contenues dans ce projet de loi que nous examinons en deuxième lecture doivent servir dans le combat permanent qui est livré pour la sécurité de tous.

Avec mes collègues du groupe UMP, je soutiendrai ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Tout d’abord, permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de renouveler mes remerciements à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur, mais aussi d’en adresser à Catherine Troendle, qui, au nom du groupe UMP, a parfaitement bien résumé les objectifs et les intentions du Gouvernement.

Pendant des mois, les mesures contenues dans ce texte ont été méthodiquement pensées, réfléchies et débattues. Monsieur Mézard, ce n’est pas une loi fourre-tout ! Il s’agit, au contraire, comme l’a rappelé M. Zocchetto, d’une loi nécessaire, attendue pour combattre la délinquance sous toutes ses formes. Franchement, les grands électeurs de Mauriac, de Massiac et de Vieillevie entre autres seront très surpris de découvrir votre intervention, que je ne manquerai pas de leur communiquer.

M. Jacques Mézard sourit.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Pour l’élaboration de ce texte, nous sommes partis d’un principe simple : que l’État apporte une réponse résolue à chaque forme de délinquance. Notre mot d’ordre est toujours le même – Catherine Troendle l’a parfaitement résumé : adapter nos outils aux évolutions technologiques, moderniser nos modes d’intervention pour contrer les nouvelles formes de délinquance.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les quatre orientations du texte.

La première d’entre elles consiste à s’assurer de l’effectivité de la réponse pénale.

Là non plus il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : la baisse durable de la délinquance passe par la certitude de la sanction. Avec M. le garde des sceaux, nous assurerons, de bout en bout, la main dans la main, l’efficacité de la chaîne de la sécurité.

Comme vous, madame Boumediene-Thiery, je suis bien évidemment attaché au respect des libertés. Mais je devine que cette comparaison doit vous faire frémir…

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Nous n’avons pas la même définition des libertés !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Cela dit, je souhaite donner à la police et à la gendarmerie des moyens nouveaux pour faire face à une délinquance qui est – il faut vraiment être aveugle pour le nier ! – de plus en plus violente. Face aux délinquants, nous ne devons pas mollir, et il faut que la sanction soit exemplaire !

Monsieur Mézard, je ne veux pas m’acharner sur vous, mais, comme vous appartenez à un groupe charnière, vos positions suscitent plus de commentaires. Les positions des autres groupes sont bien connues : Mme Assassi n’a pas été surprise par les propos de Louis Nègre, lequel n’a pas été surpris non plus par l’intervention de celle-ci ! §Aussi vais-je m’adresser plus souvent à vous.

Vous avez repris l’antienne selon laquelle les faits divers dicteraient leur loi au Gouvernement !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Aux mêmes grands électeurs, je dirai donc que vous êtes totalement hostile à ce que le Gouvernement soit attentif à ce qui se passe dans le pays, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… ajoutant que je m’interroge sur une assemblée parlementaire qui ne légiférerait pas au contact du réel.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Je vous le dis, nous n’avons qu’un cap, celui de mener une politique ferme, mais juste et équilibrée, qui réponde – nous le revendiquons totalement ! – aux attentes de la population, et tout particulièrement des plus faibles, qui sont d’ailleurs, le plus souvent, les plus menacés.

Ainsi que l’a souligné M. le rapporteur, la commission des lois a souhaité globalement revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture. Je respecte ce choix, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je souhaite que vous alliez plus loin concernant l’application des peines planchers dès le premier fait de violence aggravé. Le texte que vous avez adopté le permet, mais seulement lorsqu’une peine de dix ans est encourue, ce qui est, à mon sens un seuil trop élevé. Je remercie d’ailleurs Christian Demuynck de nous donner l’occasion de rouvrir ce débat.

Par ailleurs, on ne peut pas, d’un côté, regretter avec émotion qu’un trop grand nombre de policiers et de gendarmes soient l’objet de violences inacceptables et, d’un autre, refuser l’allongement de la période de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat commis à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique. C’est trop facile d’émettre un vœu ô combien sympathique, sans lui donner une traduction législative ou sans prendre une mesure concrète. À un moment donné, il faut que la vérité se fasse jour : ceux qui sont vraiment choqués par le nombre important de policiers et de gendarmes faisant l’objet de violences inacceptables doivent en tirer toutes les conséquences.

Or, monsieur Anziani – et je vous prie de bien vouloir excuser mon absence lors de votre intervention, mais vos propos étaient si brillants qu’ils m’ont été rapportés –, que proposez-vous, sinon la suppression du renforcement des peines contre les assassins de policiers ou la renonciation de la création des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées ?

En réalité, vous proposez le statu quo, alors que nous proposons d’agir, d’avancer et d’évoluer.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Quant à la convocation des mineurs devant les tribunaux pour enfants par un officier de police judiciaire, ne nous y trompons pas ! Il s’agit, je le dis au président de la commission des lois, qui est également très attentif à ces sujets, non pas de dénier leurs droits aux mineurs délinquants, mais d’accélérer le cours de la justice pour que la sanction soit comprise et soit donc pédagogique.

Le deuxième objectif est de s’adapter au développement des nouvelles technologies.

Madame Assassi, si je vous ai bien comprise, vous proposez la suppression pure et simple de toutes les dispositions relatives à la vidéoprotection…

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

C’est à dessein que j’emploie ce mot plutôt que celui de vidéosurveillance. Dans notre langue, les mots ont un sens !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Je vous rappellerai, madame la sénatrice, qu’un peu plus d’un tiers des villes ayant reçu une subvention du FIPD, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, pour installer des caméras sont gérées par la gauche. Où est la cohérence, alors que M. Mézard reconnaît son utilité dans certains cas ?

Monsieur Nègre, vous faites partie de ces élus …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… qui, de longue date, ont fait le choix d’installer la vidéoprotection dans leur commune, en l’occurrence, celle de Cagnes-sur-Mer. Je vous en félicite, mais là n’est pas le plus important, ce sont vos électeurs qui, incontestablement, vous en félicitent.

Vous avez résumé la justification principale de la vidéoprotection, à savoir protéger les citoyens, dissuader, dans une certaine mesure, les délinquants pour les empêcher de nuire et élucider les faits de délinquance. Et, surtout, que l’on ne nous reproche pas de prétendre que la vidéoprotection résout tout ! Nous disons tout simplement que c’est un élément déterminant dans l’élucidation et la résolution d’un certain nombre de formes de délinquance.

Je pense aussi aux logiciels de rapprochement judiciaire qui n’ont qu’une vocation, celle d’améliorer la rapidité des enquêtes et de faire progresser l’élucidation des crimes et des délits commis.

Enfin, je pense à la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, …

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

… qui sera facilitée grâce au recours à des outils modernes à la hauteur de certaines méthodes des organisations criminelles, comme l’a rappelé, à juste titre, Catherine Troendle.

Il est très difficile de contester l’utilité et la nécessité de ces dispositions, car elles permettront de lutter plus efficacement et plus concrètement contre les délinquants et les criminels.

Le troisième objectif est de s’appuyer sur la réactivité offerte par les mesures de police administrative. Tel est notamment l’enjeu de la prévention de la délinquance au travers du couvre-feu des mineurs ou encore des contrats de responsabilité parentale. Ces mesures font partie de cette alchimie qui permettra de mieux protéger les mineurs, mais aussi, madame Boumediene-Thiery, de responsabiliser les parents !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Si vous revendiquez cette différence avec nous, je suis tout à fait prêt à vous l’accorder ! Pour notre part, nous voulons effectivement contribuer à responsabiliser les parents et non pas les exonérer de toute responsabilité.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Enfin, il faut s’assurer de la complémentarité entre les différents acteurs de la sécurité.

Je l’ai souligné tout à l'heure, la sécurité est d’abord de la responsabilité de l’État, mais c’est aussi l’affaire de tous. À cet égard, il faut garantir une meilleure complémentarité entre l’action de la police et de la gendarmerie nationales, d’une part, et celle des polices municipales, d’autre part.

Dans le même esprit, il est, à mon sens, indispensable, monsieur Anziani, d’assurer un meilleur encadrement de l’activité du secteur de la sécurité privée, sans que cela porte atteinte aux compétences de l’État. Il ne s’agit en aucun cas, et j’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi à l'Assemblée nationale en réponse à une question de M. Jean Glavany, d’une privatisation de l’action publique. Il s’agit d’actions complémentaires, même si la mission régalienne relève pour l’essentiel de l’État.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Louis Nègre a également évoqué la sécurité routière. Encore une fois, notre objectif est clair : faire baisser le nombre des victimes de la route et ne pas dévier de cette orientation, comme il l’a, à juste titre, rappelé. J’ai donné les chiffres d’il y a quarante ans, puis ceux d’il y a dix ans. En 2009, nous avons dénombré 4 273 morts sur les routes et, en 2010, nous sommes passés sous la barre des 4 000. Certes, ce chiffre est encourageant, mais il signifie aussi qu’il existe encore des marges de progression. En la matière, il n’y a pas de fatalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est pour cette raison qu’on lâche la pression sur le permis !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Depuis 2002, en cassant la tendance que j’ai évoquée, ce sont, au total, 23 000 vies qui ont ainsi pu être épargnées ; nous devons tous garder ces chiffres en mémoire.

Concernant le permis à points, j’ai bien conscience qu’il est toujours désagréable de perdre des points, mais on ne les perd pas par hasard ! La perte de points est la conséquence d’un fait simple : le non-respect des règles routières. Il n’y a donc pas là d’injustice.

J’invite le Sénat à adopter l’article 28 bis, et je remercie M. Fouché d’avoir pris l’initiative de proposer deux mesures complémentaires : d’une part, la fixation de la date d’entrée en vigueur du nouvel article et, d’autre part, le maintien à trois ans du délai de récupération des points sur le permis probatoire.

Monsieur Laménie, vous avez rappelé votre attachement à la présence des gendarmes sur le terrain. Je sais que ce sujet vous tient à cœur et je partage votre préoccupation. Cette présence nécessite le maintien du maillage territorial, aujourd’hui composé de 3 382 brigades territoriales.

J’ai, en particulier, pris bonne note de votre volonté d’approfondir le dialogue entre les gendarmes et les élus locaux. J’ai donné des consignes en ce sens, notamment dans votre département.

Cela étant, et je le dis en présence d’un officier supérieur de la gendarmerie, les gendarmes savent parfaitement conduire leurs relations avec les élus locaux. Si une remarque devait leur être faite, elle ne porterait certainement pas sur ce point ! Au demeurant, je ne vois pas très bien quelle remarque je pourrais leur adresser...

Quelques-uns d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont exprimé des inquiétudes à propos de l’article 4 du projet de loi, qui prévoit une procédure de blocage des sites pédopornographiques.

Je comprends qu’il y ait des interrogations à ce sujet, mais l’objectif de ce texte part d’un constat très préoccupant : en 2009, plus de 10 000 internautes ont signalé volontairement, sur le site d’alerte, qu’ils étaient entrés fortuitement en contact avec un site pédopornographique. L’analyse de ces sites montre qu’ils sont pour la plupart hébergés à l’étranger, qu’ils sont très mobiles et donc très dangereux.

La mesure évoquée est, par conséquent, destinée à protéger, et non à limiter, l’accès à Internet.

Je me permets de revenir sur une phrase de Mme Boumediene-Thiery, dont les paroles ont sans doute dépassé la pensée. Vous avez en effet, madame la sénatrice, qualifié ce texte de « liberticide ». Franchement, c’est peut-être y aller un peu fort…

Quoi qu'il en soit, si vous considérez que je suis contre le maintien en liberté des délinquants, alors vous avez effectivement raison !

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis convaincu que, au-delà des divergences qu’il peut y avoir entre les uns et les autres, nous partageons tous une même volonté : assurer la sécurité de nos concitoyens en tout point de notre territoire. Entre ceux qui ne font qu’aspirer à cela et ceux qui, en votant des mesures efficaces et concrètes, le permettent, chacun reconnaîtra les siens.

Applaudissementssur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (215, 2010-2011).

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, je formulerai d’abord, une fois de plus, le regret que le règlement nous contraigne à présenter une motion tendant à opposer la question préalable après la clôture de la discussion générale et la réponse du ministre. Je n’ai pas le pouvoir de modifier le règlement, mais, à force de réitérer cette critique, peut-être obtiendrons-nous un jour satisfaction.

Ce qui justifie cette question préalable, monsieur le ministre, c’est avant tout l’interprétation que nous faisons des résultats de votre politique. Vous vous livrez à une inflation de mesures répressives qui non seulement nous inquiète mais encore nous fait profondément douter du bien-fondé de votre logique.

Monsieur le ministre, vous maniez facilement l’ironie à l’égard des élus dont l’avis est différent du vôtre et vous opposez volontiers les « laxistes » aux « efficaces ». Et ce n’est pas la panoplie de qualificatifs dont vous avez encore usé ce soir qui est de nature à rendre vos propos convaincants.

En tout cas, vous affirmez que vos résultats en matière de délinquance sont bons et que vous continuerez à renforcer vos dispositifs répressifs. Or, dans le même temps, des sénateurs de la majorité nous expliquent que ces mesures se justifient par le fait que la délinquance augmente… Mais vous n’êtes pas à une contradiction près !

Il est, selon vous, nécessaire d’adapter la lutte contre la délinquance aux évolutions des formes de celle-ci. Qui peut nier cette nécessité ? Mais cette affirmation ne nous renseigne en rien sur l’efficacité de votre démarche. Le problème, c’est que, au fil des ans, votre réponse est toujours la même puisque c’était déjà celle de vos prédécesseurs, notamment celui qui est aujourd'hui Président de la République.

Ainsi, depuis 2002, la délinquance a effectivement évolué et pas moins de treize lois spécifiques censées combattre l’insécurité ont été votées, mettant toujours en œuvre la même logique. : « ficher, contrôler, enfermer, stigmatiser ».

Comme le disaient déjà Victor Hugo et d’autres, la peine de mort n’a jamais empêché le crime. Depuis que la peine de mort a été abolie, on a d’ailleurs pu constater que sa disparition n’avait absolument pas conduit à une augmentation du nombre de crimes. Cela mériterait tout de même d’être médité.

Ce qu’on observe en fait ces dernières années, c’est que, malgré le durcissement des sanctions, les violences contre les personnes ont progressé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… par une sorte d’effet miroir par rapport à une société toujours plus violente et exclusive, à une réponse politique toujours plus répressive et elle-même exclusive.

Malgré ce résultat, vous refusez tout véritable diagnostic de ces phénomènes, tout bilan des effets des lois qui ont été successivement votées et toute analyse précise du caractère de plus en plus violent des actes de délinquance.

Et vous demandez maintenant à M. Bockel un deuxième rapport sur la prévention. Est-ce pour qu’il vous démontre que vous avez raison de considérer qu’il n’y a pas d’autre réponse que la sanction ? N’aurait-il pas été préférable d’attendre le rapport sur la prévention avant de se lancer dans une nouvelle loi axée sur les sanctions ?

Dès la première lecture, ce projet de loi s’est présenté comme un fourre-tout, constitué de dispositions disparates modifiant plusieurs codes et, pour une part non négligeable d’entre elles, sans lien avec les impératifs de la lutte contre l’insécurité. Or une politique efficace ne peut être menée que si elle s’appuie sur un corpus de mesures cohérentes entre elles, pérennes et fixant des repères, lui donnant force et contenu.

Les seuls repères de ce projet de loi, ce sont la répression accrue, la surveillance et le contrôle social généralisés, ainsi que le transfert aux collectivités locales et au secteur privé d’une mission régalienne.

Avant que les députés n’en débattent, vous avez dit avoir « voulu muscler » le projet de loi initial, en réaffirmant que pour vous, « la première des préventions reste la certitude de la sanction ». Je n’en suis pas convaincue ! Je dirai même que l’augmentation de la délinquance violente atteste que ce n’est pas le cas !

Évidemment, le discours de Grenoble du Président de la République a, en quelque sorte, donné des ailes au contenu du texte. Le chef de l’État partait en « guerre ». Contre quel ennemi ? Les jeunes, les étrangers, les parents… En réalité, les catégories les plus modestes.

Le chef de l’État – garant, de par ses fonctions, du pacte social – a usé des pires amalgames en instillant l’idée d’une configuration sociale et ethno-raciale de la délinquance. Il a insufflé l’idée d’une corrélation entre délinquance et catégories sociales défavorisées, territoires ghettoïsés – ceux d’où viendraient spécifiquement les fauteurs de délinquance –, entre délinquance et origine étrangère, désignant pour la première fois un groupe de population : les Roms. Cette stigmatisation a soulevé l’indignation, mais elle a eu aussi les conséquences que l’on sait, y compris encore tout récemment : dimanche dernier, à Marseille, un groupe de hooligans – ils revendiquent eux-mêmes ce « titre » – a mené une expédition punitive contre un camp de Roms !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec le discours de Grenoble, le Parlement disposait d’une feuille de route pour le franchissement d’un nouveau palier répressif, dont les modalités ont été présentées dès septembre au Sénat par le biais d’amendements du Gouvernement. La majorité sénatoriale, légèrement réticente au départ, a finalement fait droit à la plupart des desiderata du Gouvernement.

Cela n’a pas suffi : à l’Assemblée nationale, la majorité a encore durci le texte en deuxième lecture, allant jusqu’à remettre en cause le principe de prescription, principe fondamental de notre droit. Je me permets de rappeler que l’imprescriptibilité n’a jamais été retenue que contre les crimes contre l’humanité ; et nous devrions en rester là !

La commission des lois a décidé de refuser, pour l’essentiel, cette nouvelle surenchère. J’en prends acte. Il n’en reste pas moins que ce projet de loi, inefficace en matière de lutte contre l’insécurité et dangereux pour les libertés, n’est pas recevable.

Monsieur le ministre, l’aspiration de nos concitoyens à vivre en sécurité est parfaitement légitime. Sachez-le, je partage l’idée selon laquelle nos concitoyens doivent vivre en sécurité. Cependant, notre groupe considère que la notion de sécurité concerne l’ensemble des aspects de la vie dans la cité, y compris les aspects sociaux, car la sécurité participe du pacte social et du « vivre ensemble ».

Ce n’est, hélas ! pas le sens de votre politique économique, sociale et d’ordre public.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Votre objectif, souvent affiché, de vous attacher l’électorat lepéniste a des effets particulièrement néfastes. Vous légitimez, par votre discours, le discours sécuritaire et anti-immigrés de Le Pen – aujourd’hui, celui de sa fille – et ses solutions simplistes.

En même temps, je constate que le Front national parle beaucoup moins de sécurité et entend se renforcer en défendant des positions pseudo-sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En vous obstinant, vous continuez à jouer avec le feu et à amplifier l’influence du parti de Le Pen.

Vous parlez de coordination de la prévention, de la dissuasion et de la répression.

Concernant la prévention, il faut réintroduire partout la présence humaine, alors que vous vous attachez sans cesse, année après année, à la supprimer. Il faut des éducateurs de rue, il faut des personnels pour la protection judiciaire de la jeunesse, cette PJJ dont le Gouvernement vient, pour la troisième fois, de réduire le budget. Dans les établissements scolaires, il faut des surveillants et des enseignants plutôt que des policiers. Et, là comme ailleurs, aucun portique ou détecteur ne remplacera des personnels formés ! On a entendu dire qu’un instituteur ne pouvait pas remplacer un curé. Eh bien, moi, je peux vous dire qu’un détecteur et un policier ne remplacent pas, dans un lycée, des enseignants et d’autres personnels de l’éducation nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il faut réintroduire du service public et de l’action publique partout, cesser de réduire les subventions aux associations dans les villes et les quartiers et, par conséquent, cesser de sacrifier les budgets des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La dissuasion recule en proportion des moyens qui sont ou plutôt ne sont pas mis en œuvre avant que ne se produisent les actes délictueux !

Cette logique répressive porte en elle l’abandon de missions régaliennes puisqu’elle va dans le sens d’une police supplétive de rétablissement de l’ordre, servant d’appoint à d’autres polices privées ou semi-privées, qui sont de plus en plus lourdement armées, avec les risques que cela comporte.

Votre politique du chiffre et la multiplication des gardes à vue ont éloigné les policiers des citoyens et tendu les relations entre les uns et les autres. Nos concitoyens doivent pouvoir avoir confiance dans leur police et leur justice. Or, monsieur le ministre, cette justice, vous n’avez de cesse de la rendre responsable de tous les maux et, s’agissant de la police, vous avez apporté votre soutien à des policiers assermentés qui avaient produit de faux témoignages destinés à faire inculper quelqu’un à leur place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous attendons toujours des excuses à ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce n’est bon ni pour la justice, ni pour la police, ni, par conséquent, pour la sécurité publique.

La confiance dans la justice relève aussi de l’application de sanctions justes, proportionnées et utiles, qui donnent du sens à la peine. Mais que devient le principe de proportionnalité avec l’application d’une peine plancher aux primo-délinquants, avec l’extension du champ de la période de sûreté ?

Quid du droit à un procès équitable et des droits de la défense avec la visioconférence dans le procès pénal ?

Quid d’une justice équitable quand la grande délinquance, qui se nourrit de la petite, n’est pas visée dans ce texte et que la délinquance financière est, les chiffres l’attestent, de moins en moins sanctionnée ?

Ce texte pose, cela a été dit, de sérieux problèmes au regard des libertés publiques. Vous mettez en balance sécurité et liberté, au nom de l’efficacité. D’abord, ce n’est pas acceptable. Ensuite, les résultats actuels de votre politique ne plaident pas en faveur de son efficacité.

Le projet LOPPSI 2 organise partout le contrôle social et la surveillance, grâce notamment aux technologies nouvelles.

Il renforce la surveillance et la censure sur Internet, alors même que leurs effets en matière de lutte contre la pédophilie ou autres réseaux illicites ne sont pas prouvés. Nous y reviendrons dans la discussion des articles.

Vous généralisez le fichage de la population. En outre, en l’absence de mécanismes de contrôle et de recours assurés, les personnes innocentées demeureront fichées et les erreurs – dont le pourcentage est déjà énorme pour le fichier STIC – ne seront pas rectifiées.

De la même façon, vous étendez considérablement la vidéosurveillance sur la voie publique – que vous l’appeliez « vidéoprotection » n’y change rien ! –, pierre angulaire de l’aide aux collectivités territoriales, ce qui se traduit par une privatisation du visionnage des images. Et vous dépossédez la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une de ses compétences au profit d’une commission placée sous le contrôle de l’exécutif.

Là encore, l’efficacité de la prolifération de la vidéosurveillance n’est pas prouvée. Je parle bien de « prolifération » : je ne conteste pas l’utilité de la vidéosurveillance, par exemple dans le métro parisien, encore que son efficacité sur la poursuite des délinquants ne soit pas toujours évidente ; ce que nous contestons, c’est sa prolifération tous azimuts. En tout cas, cela ne fait aucun doute, elle est très coûteuse et son installation, sa maintenance et sa gestion privée constituent autant de marchés juteux que guignent des sociétés privées de surveillance ! Une fois de plus, on se demande jusqu’où vous voulez aller.

On peut parler également de la surveillance des manifestations. Il ne vous suffit plus de criminaliser l’action syndicale, avec de très nombreux placements en garde à vue de militants syndicaux. La surveillance des manifestations laisse maintenant présager de sérieuses atteintes aux libertés.

Concernant les étrangers, avec le projet de loi relatif à l’immigration qu’avait préparé M. Éric Besson et que vous allez bientôt défendre devant nous, les étrangers sont montrés comme des fauteurs de troubles. Il est évident que les étrangers et les autres citoyens, au sens de « habitants de la Cité », ne sont pas égaux devant la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La double peine revient par la bande puisque la Cour d’assises est invitée à se prononcer sur cette peine complémentaire. On est bien loin des déclarations du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, qui estimait en 2003 qu’il n’y avait pas besoin de la double peine pour lutter contre l’insécurité.

Qu’en sera-t-il aussi des droits des personnes retenues avec des audiences de prolongation de la rétention sur le lieu même de cette rétention...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... ou avec la visioconférence, fût-elle assortie de l’accord de l’intéressé, ou encore le bracelet électronique sans condamnation ?

Vous donnez aussi le ton de ce que vous avez en tête pour la modification de la justice des mineurs en instaurant pour ceux de treize ans un couvre-feu qui, depuis des années, est souhaité par certains élus.

Le terme même de « couvre-feu », avec sa connotation guerrière, suggère que les villes sont remplies la nuit de jeunes errants dangereux, agissant dans un sentiment d’impunité…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quelle terrible et désespérante vision de la jeunesse !

Vous instaurez aussi à l’égard des mineurs ce qui ressemble fort à une comparution immédiate, interdite aujourd’hui en matière de justice des mineurs.

Avant de terminer, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... je signale une autre disposition emblématique : l’expulsion et la pénalisation des occupants d’habitats hors normes sur des terrains publics ou privés.

Encore une fois, vous stigmatisez des populations, des pauvres, et plus particulièrement les Roms.

Quand le président Sarkozy parle au peuple de la situation, il dit des choses simples : il y a, d’un côté, les étrangers et les Français gentils et, de l’autre, les mauvais. Il est vrai qu’il avait fait campagne sur l’idée de deux France, celle qui travaille et celle qui ne fait rien, c’est-à-dire les chômeurs. Aujourd’hui, le nombre de travailleurs devenus chômeurs l’empêche de faire cette distinction.

En revanche, la division est toujours votre objectif. Vous attisez les haines et la peur, ce qui pousse à l’autodéfense, au développement des polices privées et, en fin de compte, à l’accroissement de l’insécurité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... alors que tous les éléments nécessaires à une politique solidaire sont en panne.

Mes chers collègues, je vous incite à voter cette question préalable, car, avant tout nouveau texte, il nous faut débattre sur ce thème : qu’en est-il réellement de la délinquance, de ses causes, des multiples facteurs de sa hausse ou, au contraire, de sa diminution, celle que vous prétendez constater, mais que nous ne voyons jamais ? C’est seulement après un tel débat que nous pourrons discuter sereinement d’un texte sur la sécurité. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, les auteurs de la motion appuient leur demande d’adoption de la question préalable sur le caractère à leurs yeux composite du texte et sur les atteintes qu’il porterait aux libertés publiques.

Sur le premier point, il convient de noter que le champ couvert par le projet de loi rend compte de la diversité des formes de délinquance, de leur évolution récente et de la nécessité d’agir sur tous les leviers disponibles pour assurer la protection et la sécurité des Français. À cet égard, l’étendue du champ du texte est le signe de son efficacité.

S’agissant de l’atteinte qui serait portée aux libertés publiques, il convient de rappeler, comme l’a fait le Conseil constitutionnel, que la recherche des auteurs d’infraction est nécessaire à la sauvegarde des principes et droits de valeur constitutionnelle.

Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties. La commission des lois s’y est employée en renforçant, lorsque cela lui est apparu nécessaire, les garanties prévues par le texte s’agissant des libertés individuelles et en veillant à ce que les restrictions apportées par le texte à l’exercice de ces libertés soient strictement limitées à ce qui est nécessaire pour assurer la sauvegarde de l’ordre public. Tel est notamment le cas des dispositions concernant la vidéoprotection ou le maintien des prérogatives de l’autorité judiciaire.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois demande le rejet de cette motion, et elle est d’autant plus fondée à le faire que, en vertu de la réforme constitutionnelle, c’est son texte qui vous est soumis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Par conséquent, nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Pour la mise en œuvre de cette règle, il a été fait application pour la première fois du vade-mecum « Pour une bonne pratique de la règle de l’entonnoir », soumis au groupe de travail sur l’application de la révision constitutionnelle et la réforme du règlement lors de sa réunion du 1er décembre 2010, et dont a pris acte la conférence des présidents lors de sa réunion du 15 décembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Ce vade-mecum a été envoyé aux présidents de groupes et peut être consulté sur le site Internet du Sénat.

Chapitre IER

Objectifs et moyens de la politique de sécurité intérieure

(Non modifié)

Le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013 est approuvé.

ANNEXE

RAPPORT SUR LES OBJECTIFS ET LES MOYENS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE À HORIZON 2013

LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS

I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ

1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens

2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires

3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression

4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance

5. Préparer l’avenir

II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE

1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles

2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines

III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES

1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces

2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien

3. La modernisation du système d’alerte des populations

4. Des technologies nouvelles au service des victimes

5. Moderniser le parc automobile dans le cadre d’une politique de développement durable

IV. – RÉNOVER LE MANAGEMENT DES RESSOURCES ET LES MODES D’ORGANISATION

1. Mettre un terme à l’emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à leur cœur de métier

2. Faire de l’immobilier un levier de la modernisation

3. Des carrières modernisées pour des professionnels mieux accompagnés

Les forces de police et de gendarmerie, dans la lutte qu’elles mènent contre toutes les formes de délinquance, ont enregistré des résultats majeurs entre 2002 et 2008. Tandis que le nombre total des crimes et des délits constatés affichait un recul de 13, 5 %, la délinquance de proximité, celle qui est susceptible de toucher le plus grand nombre dans son quotidien, baissait de 34, 07 %. Dans le même temps, les différents indicateurs de suivi de l’activité des services étaient révélateurs d’un niveau d’engagement particulièrement élevé, avec un nombre d’infractions révélées par l’action des services en hausse de 50, 74 %, un taux d’élucidation passant de 26, 27 % à 37, 61 %, un nombre de personnes placées en garde à vue progressant de 51, 52 % et un nombre total de personnes mises en cause en augmentation de 29, 26 %.

L’année 2009 a été révélatrice des nouveaux enjeux de la politique de sécurité. L’ensemble de la société est en effet confronté à une évolution du monde contemporain qui modifie profondément l’approche des problématiques de sécurité et remet en cause les cadres d’action habituels des forces de police et de gendarmerie. Les services de l’État doivent répondre à une demande de sécurité de plus en plus diversifiée et la police et la gendarmerie doivent faire face à une triple attente de la population : une attente de protection, une attente d’autorité et une attente de justice. Cette attente est d’autant plus pressante que les lignes bougent.

Ainsi, la mondialisation a remis en cause la notion même de frontières et de territoires, lesquels sont traversés de flux humains, matériels et immatériels, de plus en plus difficiles à contrôler. La « judiciarisation » de la société contribue à la rendre plus complexe. Dans le même temps, l’évolution des modes de vie, une plus grande mobilité ou l’allongement de l’espérance de vie, laquelle contribue au vieillissement de la société, débouchent sur de nouveaux besoins de sécurité.

Plus exposées aux risques et aux menaces, nos sociétés modernes sont plus exigeantes en matière de sécurité et leur demande en la matière augmente d’autant plus que l’insécurité présente une physionomie à la fois mouvante et évolutive. Si des formes anciennes de délinquance persistent, comme les violences aux personnes ou le trafic de produits stupéfiants, d’autres, d’apparition plus récente, s’inscrivent dans le champ de la criminalité émergente. C’est le cas, notamment, de la cybercriminalité, mais également de l’activité délictuelle liée au phénomène des bandes ou de l’économie souterraine sous ses divers aspects.

D’autres préoccupations prennent une nouvelle dimension, comme le développement des pratiques délinquantes ou criminelles parmi les mineurs ou les facilités apportées aux délinquants et criminels par certains progrès technologiques. Cette tendance est également confortée par les progrès de la prévention situationnelle dans la mesure où la protection renforcée des biens peut entraîner une vulnérabilité accrue des personnes.

Faire face à cette situation nécessite de sortir des schémas de pensée traditionnels, d’une part en réexaminant dans le détail les modes d’action et leur efficacité, d’autre part en travaillant autrement et avec d’autres acteurs, chaque fois que nécessaire. Cette stratégie passe, en premier lieu, par un recensement hiérarchisé des risques et des menaces, pour ensuite fixer des objectifs en délimitant précisément les territoires concernés, tout en priorisant les actions à conduire et en adaptant le mode de fonctionnement des organisations.

Il s’agit de continuer à améliorer les résultats en matière de délinquance afin de répondre aux besoins de sécurité des personnes résidant sur le territoire de la République. Dans une situation budgétaire contrainte où tout doit être fait pour maîtriser la dépense publique, ce qui oblige à faire preuve de responsabilité en matière de ressources humaines, il convient d’améliorer la performance par la mise en place de moyens juridiques et technologiques innovants.

L’action engagée pour faire reculer la délinquance et lutter contre toutes les formes de criminalité s’organise dès lors selon quatre axes principaux.

Assurer la sécurité partout et pour tous grâce à une approche globale de la politique de sécurité

La diversité des risques et des menaces conduit à concevoir une politique de sécurité globale qui dépasse le clivage traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. C’est précisément ce à quoi invite le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008 à la demande du Président de la République. Il s’agit, en effet, d’assurer à l’ensemble de la collectivité un niveau suffisant de prévention et de protection contre ces menaces, de quelque nature qu’elles soient et en quelque endroit qu’elles se manifestent. Cela signifie de prendre en compte l’échelle des territoires qui peut considérablement varier, l’impact des différents flux sur la sécurité intérieure, le renseignement pour déceler les signes annonciateurs de crise et enfin les événements naturels, accidentels ou provoqués, qu’il faut savoir anticiper, gérer et maîtriser.

Optimiser l’action des forces de sécurité intérieure dans le cadre d’un rapprochement police/gendarmerie fondé sur la complémentarité, la coopération opérationnelle et la mutualisation des moyens

La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale a garanti le respect de l’identité des deux forces de sécurité et, tout particulièrement, l’identité militaire de la gendarmerie. Il n’y a donc pas fusion mais rapprochement. Ce rapprochement n’est pas synonyme de compétition ou de juxtaposition, mais s’inscrit dans une démarche de complémentarité et d’efficacité opérationnelle. Si des résultats tangibles ont déjà été obtenus grâce à la mutualisation des fonctions support, la coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles. Cette synergie et cette complémentarité opérationnelles sont un des enjeux majeurs de l’adaptation de nos forces de sécurité intérieure d’ici à 2013 et l’une des conditions de la baisse durable de la délinquance.

Accroître la modernisation des forces de sécurité en intégrant pleinement les progrès technologiques

Cette modernisation conditionne l’amélioration des capacités d’élucidation et contribue à substituer une culture de la preuve à une culture de l’aveu. Elle a pour finalité d’accroître les performances des outils de prévention, de détection et de protection, afin de s’adapter aux nouvelles menaces et aux formes naissantes de délinquance. Elle veillera notamment à mettre de nouveaux outils à la disposition des services enquêteurs afin de lutter contre les infractions à caractère sériel et la criminalité organisée.

Cette modernisation porte également sur la protection des policiers et gendarmes, le renforcement des moyens de police technique et scientifique et le développement des outils d’investigation technique, de recueil et de traitement du renseignement. Elle a également pour but de systématiser le recours aux moyens vidéo, de doter les services de nouveaux types d’équipement et d’armement, en particulier les moyens de force intermédiaire, de renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et d’intensifier le recours aux moyens aériens.

Rénover le management des ressources humaines et les modes d’organisation

L’évolution des modes d’organisation et de gestion des ressources humaines et matérielles doit correspondre aux évolutions de la société. Aussi convient-il de :

– ouvrir encore plus largement le recrutement à toutes les catégories de la population ;

– développer les logiques de formation permanente, de validation des acquis et de promotion sociale ;

– permettre la fidélisation sur les zones difficiles en accroissant les efforts d’accompagnement social, notamment par un accès privilégié au logement, que ce soit par des logements à loyer modéré ou par l’accession sociale à la propriété ;

– privilégier les logiques fonctionnelles et les filières de métier dans l’organisation des services ; à ce titre, la rénovation de la gestion des ressources humaines de la police nationale passe à la fois au niveau central par la fusion des deux directions de l’administration et de la formation et au niveau déconcentré par le développement de projets de service ;

– moderniser le maillage territorial au service de la sécurité au quotidien, en vue d’assurer l’égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité.

Le protocole « corps et carrières » de la police nationale continuera naturellement d’être mis en œuvre, comme prévu, jusqu’en 2012. La gendarmerie mettra en place la nouvelle grille indiciaire « défense » et respectera le calendrier et les objectifs du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), d’ici 2012.

La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) 2003-2007 avait programmé, pour la police, 2 750 millions d’euros, dont l’essentiel (57 %) pour les crédits du titre 2 et, pour la gendarmerie, 2 800 millions d’euros (dont 40 % de crédits du titre 2).

Les crédits de paiement des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », hors charges de pensions, évolueront sur la période 2009-2013, sous réserve des dispositions des lois de finances et des lois de programmation des finances publiques, conformément au tableau suivant :

En millions d’euros

Crédits de paiement, hors comptes d’affectation spéciale

Sécurité

Sécurité civile

Total

Au sein de ces crédits, la LOPPSI identifie et programme les ressources indispensables qui permettront à la gendarmerie, à la police et à la sécurité civile sur la période 2009 à 2013 d’améliorer la modernisation, la mutualisation et le management de la sécurité intérieure. Ces ressources incluent les effets du plan de relance, qui réalise une anticipation d’achats de véhicules : 100 millions d’euros de dépenses ont ainsi été anticipés en 2009, qui devaient initialement être réalisés à hauteur de 45 millions d’euros en 2011 et 55 millions d’euros en 2012.

Les ressources consacrées à la modernisation évolueront sur la période 2009-2013, sous réserve des dispositions des lois de finances et des lois de programmation des finances publiques, conformément au tableau suivant :

En millions d’euros

Crédits de paiement, hors comptes d’affectation spéciale

Total

Titre 2

Hors titre 2

Total

La mise en œuvre de ces moyens fera l’objet d’un rapport annuel présenté au Parlement dans le cadre du débat budgétaire portant sur les missions « Sécurité » et « Sécurité civile ». Le premier rapport présenté après l’adoption de la présente loi précise les conditions du déploiement des programmes prioritaires décrits ci-dessous.

Ces projets marquent la volonté des institutions de se doter de moyens faisant appel à la haute technologie, au service de la sécurité publique générale et de la lutte contre toutes les formes de délinquance.

I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ

Assurer la sécurité partout et pour tous est une mission dont la responsabilité incombe, au premier chef, à la police et à la gendarmerie nationales. Mais la prise en compte des nouveaux enjeux impose de recomposer l’architecture générale de la sécurité, avec une meilleure répartition des tâches entre les acteurs concernés pour clarifier les missions des uns et des autres et recentrer policiers et gendarmes sur leur cœur de métier. Cela suppose de mobiliser l’ensemble des ressources au sein de territoires aux périmètres redéfinis et de mettre en cohérence les différentes réponses à apporter, qu’elles soient préventives, dissuasives ou répressives. L’approche globale des problématiques de sécurité induit, nécessairement, une politique transversale et partenariale.

1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens

La nécessité d’apporter une réponse globale aux problèmes de sécurité conduit tout d’abord à instaurer et à développer des procédures d’action interministérielles.

Plusieurs ont été récemment engagées ou confortées. Ainsi, une circulaire commune a été signée le 23 septembre 2009 avec le ministre chargé de l’éducation nationale afin de renforcer la sécurité des établissements scolaires. Elle prévoit, notamment, de multiplier les opérations de sécurisation aux abords des établissements et de généraliser la pratique des diagnostics de sécurité, éventuellement complétés de diagnostics de sûreté, dont les préconisations, comme le développement de la vidéoprotection, doivent être mises en œuvre pour renforcer la prévention situationnelle des lycées et collèges.

Ce même jour était signé, avec le ministre chargé du budget, un protocole précisant les modalités de l’implication de cinquante agents du fisc dans la lutte contre l’économie souterraine dans certains quartiers, en étroite collaboration avec les services de police et de gendarmerie. L’objectif est de « redresser » les activités lucratives non déclarées qui permettent à certains trafiquants d’afficher un train de vie sans commune mesure avec les revenus qu’ils sont censés officiellement percevoir. Dans ce cadre, en liaison avec l’autorité judiciaire, le recours à la procédure de saisie sera développé.

De même, un rapprochement opérationnel, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, sera réalisé entre les services de douanes d’une part et les services de police et de gendarmerie nationales d’autre part.

Parallèlement, la coopération entre les préfets et les procureurs de la République a été renforcée avec la création à l’été 2009 des états-majors de sécurité. Préfets et procureurs réunissent ensemble et chaque mois les états-majors départementaux de sécurité chargés d’impulser les politiques de sécurité dans chaque département.

Ce travail partenarial doit être, à la fois, intensifié et étendu à tous les acteurs institutionnels intéressés par les problématiques de sécurité.

Les maires ont un rôle clé à jouer en matière de prévention de la délinquance et il ne s’agit pas là d’une action subsidiaire de lutte contre l’insécurité, mais d’un mode d’action à part entière. La mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention est un facteur de réussite fondamental. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, présenté le 2 octobre 2009, a pour objectif d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il vise, entre autres, à mieux coordonner l’action des acteurs locaux de la prévention, en plaçant le maire au cœur du dispositif.

C’est dans le même esprit que doit être systématisée et développée la complémentarité avec les polices municipales. Celles-ci jouent un rôle essentiel en matière de sécurité de proximité et les modalités de leur coopération avec les services de police et de gendarmerie devront être précisées au travers, notamment, d’une nouvelle convention-cadre. En effet, si elles sont un maillon important de la chaîne de sécurité intérieure, leurs missions, leurs modes d’organisation et leurs moyens affichent une grande hétérogénéité.

Les entreprises de sécurité privée sont également devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure. Elles interviennent dans des domaines où certaines compétences peuvent être partagées, voire déléguées par l’État. Mais cette répartition des tâches doit se faire dans la transparence et en parfaite complémentarité entre des acteurs clairement identifiés. Il conviendra, à cet égard, de définir le champ du partenariat opérationnel à développer entre le ministère de l’intérieur et les représentants du secteur de la sécurité privée, en respectant une triple exigence d’éthique, de compétence et de contrôle des secteurs ainsi délégués au secteur privé.

La sécurité étant l’affaire de tous, la mobilisation doit également s’étendre à l’ensemble des citoyens, qu’ils participent aux réunions de quartier animées par les policiers ou les gendarmes, qu’ils s’investissent plus activement au sein du service volontaire citoyen de la police nationale ou qu’ils rejoignent le dispositif de « participation citoyenne » développé par la gendarmerie nationale.

2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires

Les mutations de ces dernières années ont vu s’organiser différemment une délinquance qui n’a pas attendu pour s’adapter aux nouvelles concentrations de population, aux réseaux de communication et aux modes de transports, s’affranchissant depuis longtemps des frontières administratives.

La criminalité étant devenue plus mouvante, des bassins de délinquance ont émergé, dessinant des zones incluant les lieux de commission des infractions et ceux où résident habituellement leurs auteurs, sans qu’il y ait nécessairement concordance avec les frontières administratives de la circonscription, de la brigade ou même du département. Pour autant, il importe que les forces de sécurité soient en mesure de prévenir ces actes délictueux et, dès lors qu’ils ont été commis, de poursuivre leurs auteurs, sans que les limites administratives territoriales n’entravent leur action.

L’analyse fine de la nature, du volume et de la fréquence des actes de délinquance, ainsi que de l’amplitude de la mobilité de leurs auteurs a permis de bâtir une cartographie définissant les contours des bassins au sein desquels l’action des forces de sécurité doit s’organiser de façon plus efficiente, sous un commandement unique et cohérent.

C’est sur la base de ce constat que la « police d’agglomération » a été mise en place, le 14 septembre 2009, en région parisienne. Il s’agissait de mettre en œuvre une intégration de l’organisation policière à l’échelle de Paris et des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), c’est-à-dire sur un territoire qui constitue une zone urbaine continue, aux dimensions limitées et à forte densité de population.

Cette police d’agglomération, placée sous l’autorité du préfet de police, favorise, grâce à la mutualisation des unités et renforts projetables, une optimisation de la présence policière sur la voie publique, aux heures et dans les lieux où la délinquance est la plus forte. En permettant aux services de police d’agir plus efficacement, elle améliore les conditions de sécurité dans toute l’agglomération parisienne.

Ailleurs en France se dessinent des espaces urbains dépassant largement les limites administratives des communes centre, les flux de population se densifiant et s’accélérant grâce, notamment, au développement important des réseaux de transports. Ces flux concernent également la délinquance, qui profite des mêmes facilités de déplacement. Aussi a-t-il été décidé d’étendre le dispositif de la police d’agglomération à d’autres grandes villes comme Lille, Lyon et Marseille. En effet, pour lutter plus efficacement contre le phénomène de délinquance, chaque jour plus mobile, il faut mettre en place une organisation supracommunale qui prenne en compte cette nouvelle réalité qu’est l’agglomération et si possible la confier à une seule et même force. Lorsque les territoires continuent de relever de forces différentes, un renforcement de la coopération s’impose naturellement entre police et gendarmerie. Cette coopération doit être de première importance dans les zones périurbaines, qui constituent des zones tampon entre la ville et la profondeur des territoires. Cette évolution majeure dans l’approche des problématiques de sécurité a vocation à s’étendre à d’autres agglomérations.

Par ailleurs, la logique qui préside à l’organisation des forces de police dans les grandes agglomérations doit également inspirer l’évolution du dispositif sur le reste du territoire où existe un maillage hérité de l’histoire qu’il convient d’améliorer en y apportant les adaptations nécessaires. La sécurité doit être appréhendée, aujourd’hui, sous un angle global et les citoyens qui ne vivent pas dans les grandes agglomérations, qui circulent ou qui séjournent temporairement hors de celles-ci, doivent bénéficier d’un niveau équivalent de sécurité.

À une vision statique de la géographie sécuritaire, il faut substituer une vision dynamique. À l’instar de la police d’agglomération, la police des territoires doit mettre en œuvre, avec les forces de la gendarmerie nationale, une stratégie homogène de la sécurité au profit de la population répartie sur des territoires étendus et hétérogènes.

La police des territoires doit être capable de contrôler des espaces étendus, composés de petites villes, de zones périurbaines et de zones rurales, ainsi que les flux nationaux et internationaux de personnes et de biens qui les traversent. Elle doit être parallèlement en contact permanent avec une population dispersée. Tout en s’appuyant sur le maillage des brigades et l’organisation intégrée de la gendarmerie, elle doit favoriser la subsidiarité et la mobilité des unités appelées à intervenir en dehors de leur périmètre d’action habituel.

Police d’agglomération, police des territoires et mise en cohérence territoriale chaque fois que nécessaire constitueront les éléments clés de l’action engagée pour adapter les forces de police et de gendarmerie aux nouveaux bassins de délinquance.

3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression

Il ne peut y avoir d’action efficace contre la délinquance qu’à la condition d’agir de façon cohérente et combinée sur les différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression, sans omettre la communication qui permet d’expliquer les raisons qui prévalent au choix du mode d’intervention.

La sécurité est une chaîne qui va de la prévention de la délinquance à l’exécution effective d’une peine, mais également jusqu’à la réinsertion du délinquant une fois que sa peine a été exécutée. La prévention doit donc être considérée comme l’un des volets essentiels de la lutte contre la délinquance. La mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2010, des dispositions du plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes permet de mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention et d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée. Cette mobilisation porte tant sur les procédures que sur des objectifs renouvelés, selon des modalités simples, opérationnelles et efficaces. Les maires sont appelés à jouer un rôle fondamental dans la coordination des différents acteurs locaux, en particulier dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Ils sont au cœur du dispositif.

Parmi les objectifs de ce plan gouvernemental figure, notamment, le développement de la vidéoprotection, en association avec les maires. La vidéoprotection a un effet préventif et dissuasif certain et son exploitation facilite l’identification des auteurs d’infractions. D’ailleurs, une majorité de Français est favorable à l’installation de caméras pour améliorer la sécurité générale. Selon un rapport de l’inspection générale de l’administration (juillet 2009), les crimes et délits chutent, en effet, deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé. L’objectif est de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur la voie publique (environ 20 000 en 2009).

C’est ce même souci d’une meilleure coordination des différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression qui a conduit à la mise en place des états-majors départementaux de sécurité. Afin d’améliorer et de rendre plus efficace la lutte contre la délinquance, il importait de faire en sorte qu’existe une véritable continuité entre l’action menée sous la responsabilité de l’autorité préfectorale et celle relevant de l’autorité judiciaire. Organe opérationnel du comité départemental de sécurité, l’état-major départemental de sécurité, sous la présidence conjointe du préfet et du procureur de la République, permet un pilotage plus fin et une réponse mieux coordonnée de l’action menée au plan local contre les différents phénomènes criminels et délictuels.

Agir efficacement contre la délinquance c’est, également, mobiliser toutes les ressources juridiques qui peuvent aider au quotidien l’action des services de police et de gendarmerie. C’est notamment le cas des mesures de police administrative. Elles constituent un moyen d’action dont l’utilité est avérée, qu’il s’agisse des pouvoirs de police générale du maire et/ou du préfet, ou qu’elles portent sur des domaines plus spécialisés tels que les débits de boisson, les établissements de nuit, les lieux festifs, les brocantes, vide-greniers, dépôts-vente ou sur la sécurité des établissements recevant du public.

Au-delà de la mobilisation des instruments juridiques existants, il convient d’adapter la législation et la réglementation aux besoins de sécurité et aux évolutions de la délinquance. Les attentes de nos concitoyens évoluent, les besoins de sécurité évoluent, la loi doit aussi évoluer. C’est toute l’ambition de la présente loi qui vise précisément à renforcer la protection des citoyens et la tranquillité nationale. De nouveaux moyens juridiques seront mis en place, comme celui permettant de réprimer plus sévèrement les cambriolages ou les agressions de personnes âgées, ou ceux permettant aux forces de police et de gendarmerie de disposer d’instruments juridiques mieux adaptés aux nouvelles formes de délinquance ou aux possibilités technologiques.

4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance

Les services de police et de gendarmerie doivent être en mesure de faire face plus efficacement aux différentes formes de délinquance existantes, tout comme ils doivent être en situation de prendre en compte les formes de délinquance émergentes, telles celles relevant, par exemple, de la cybercriminalité. L’action des forces de sécurité s’inscrit, en effet, dans un environnement mouvant et incertain, car le phénomène de délinquance est à la fois évolutif et protéiforme. La délinquance présente une physionomie de plus en plus diversifiée, qu’il s’agisse des délinquants eux-mêmes, avec la part de plus en plus importante prise par les mineurs ou les jeunes femmes, ou des modes opératoires qui s’adaptent en temps réel aux évolutions technologiques ou aux modes d’intervention des forces de sécurité.

La nécessité s’impose de renforcer l’action dans trois domaines prioritaires : la lutte contre le trafic de drogue, la lutte contre les violences aux personnes et notamment contre les bandes, enfin la délinquance des mineurs.

• Les trafics de stupéfiants constituent un véritable fléau par la nature des problèmes qu’ils génèrent. Ils corrompent tout d’abord la jeunesse, favorisent le développement d’une économie souterraine de plus en plus puissante et engendrent de très nombreux actes de délinquance pouvant aller jusqu’à la professionnalisation de certains réseaux criminels.

Aussi le plan global de lutte contre le trafic de drogue prévoit-il d’agir aussi bien contre les gros trafiquants que contre les trafiquants de proximité. Le 11 décembre 2009 a été installé auprès du ministre de l’intérieur un secrétaire général chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de lutte contre le trafic de drogue dans le cadre d’une action interministérielle très étroite. La mise en application de ce plan exige une totale implication des états-majors départementaux de sécurité, afin de décliner, au plan territorial, les dispositions du plan national. L’action s’organise à partir de l’élaboration d’une cartographie précise des territoires où s’exercent les trafics. Des opérations « coups de poing » sont organisées dans les quartiers les plus touchés par le phénomène afin de déstabiliser les trafiquants et faire reculer le trafic de proximité, tout spécialement aux abords des établissements scolaires.

Si ce plan appelle à une plus grande mobilisation des structures existantes avec, en particulier, un recentrage de l’activité des groupes d’intervention régionaux (GIR), il prévoit, également, un renforcement des moyens :

– humains, avec notamment l’affectation, depuis le 1er décembre 2009, de cinquante inspecteurs des services fiscaux au sein des « groupes cités » des services de police et de gendarmerie, ou la création de nouvelles unités cynophiles,

– technologiques, dans les domaines, en particulier, de la géolocalisation et de la télédétection,

– ou juridiques, avec la création d’un cadre juridique adapté pour améliorer la circulation et le partage des informations entre les services administratifs, policiers et judiciaires concernés et partager les informations soumises au secret professionnel, pour faciliter l’identification et la saisie des avoirs criminels.

Cet arsenal est complété par un important volet européen et international de nature non seulement à harmoniser les législations et les pratiques professionnelles, mais aussi à échanger encore plus efficacement les informations opérationnelles nécessaires pour combattre les trafics au plan international.

• La lutte contre les violences aux personnes est une préoccupation majeure, tant elle paraît difficile à mener, du moins pour certaines composantes de cet agrégat. C’est le cas, notamment, des violences intrafamiliales sur lesquelles les services de police ou de gendarmerie n’ont qu’une influence minime, dès lors qu’elles se déroulent dans l’intimité du foyer familial et qu’elles ne font pas l’objet d’un signalement. C’est en améliorant les conditions d’accueil dans les commissariats et les brigades et en aidant et accompagnant celles et ceux qui ont le courage de briser la loi du silence qu’on parviendra à améliorer la prévention de ces comportements et à être plus efficace dans la répression des auteurs de ces actes de maltraitance. La mise en place, en octobre 2009, de brigades de protection de la famille vise à mieux faire face à ces situations difficiles qui touchent les publics particulièrement vulnérables comme les femmes battues, les mineurs victimes de violences et les personnes âgées maltraitées.

Mais les atteintes à l’intégrité physique sont aussi, et trop souvent, le fait de bandes, plus ou moins organisées, qui terrorisent un quartier, un immeuble et/ou un moyen de transport et tentent d’imposer par la violence leur propre vision du monde. Lutter contre ce phénomène étroitement lié à ceux de la drogue et de l’économie souterraine est une nécessité absolue. Dès le mois d’octobre 2009, des groupes spéciaux d’investigation sur les bandes ont été mis en place dans les trente-quatre départements les plus touchés par les violences urbaines et des référents ont été désignés dans tous les autres services. Par ailleurs, la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique permet, désormais, de remplir plus efficacement la mission de prévention des phénomènes de violence et donc, de mieux lutter contre les bandes. En région parisienne, la mise en œuvre de la police d’agglomération qui permet de coordonner l’action de 33 000 policiers sous le commandement unique du préfet de police facilite les synergies opérationnelles et renforce l’efficience des services dans la lutte contre les violences et les bandes. Enfin, l’incrimination de l’appartenance à une bande violente complétera utilement l’arsenal législatif en la matière.

• La délinquance des mineurs constitue le troisième axe sur lequel les forces de sécurité doivent faire porter leurs efforts. En effet, la part des mineurs dans la délinquance générale s’élève à 18 %. Le nombre total des mineurs mis en cause a progressé de 15, 21 % entre 2002 et 2008. De surcroît, ces mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes. Ces mineurs sont majoritairement impliqués dans des faits de dégradations, de vols, de violences ou d’infractions à la législation sur les stupéfiants. La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée établit un cadre général d’action pour combattre la banalisation de la violence, depuis les incivilités à l’école jusqu’aux bagarres entre bandes. Au-delà de l’activité des brigades de protection de la famille et des brigades de prévention de la délinquance juvénile, les référents et correspondants police-jeunesse développent des actions de prévention en direction de la jeunesse. Les correspondants sécurité-écoles remplissent également ce rôle dans le cadre du partenariat établi avec l’éducation nationale. Les policiers et gendarmes formateurs anti-drogue sensibilisent les jeunes en milieu scolaire. Le concept de sanctuarisation de l’espace scolaire (SAGES) mis en place par la gendarmerie contribue à améliorer la sécurité des établissements les plus sensibles. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes 2010-2012 prévoit une batterie de mesures pour mieux prévenir la délinquance des mineurs, notamment de ceux qui sont déscolarisés. Parmi celles-ci figure la systématisation de l’échange d’informations entre acteurs concernés pour faciliter le repérage des mineurs dont la situation est préoccupante au regard du risque de passage à l’acte ou de récidive, ainsi que le renforcement de la collaboration entre les institutions pour assurer une réponse rapide et adaptée qui s’adresse tant aux mineurs concernés qu’à leur famille. Les brigades de protection de la famille sont mobilisées dans le cadre de ce plan en vue, également, d’initier et d’animer des actions de prévention. Des mesures plus dissuasives sont à l’étude, comme celles consistant à permettre aux préfets de décider d’un couvre-feu ciblé pour des mineurs de 13 ans.

5. Préparer l’avenir

Il s’agit, d’abord, de faire en sorte que les forces de sécurité puissent s’adapter aux évolutions de la délinquance liées aux nouvelles technologies. Cela passe à la fois par la recherche, mais également par l’acquisition de nouveaux équipements et la formation des personnels. Le développement des nouvelles technologies doit être mis à profit dans tous les domaines intéressant l’activité des services, aussi bien dans les missions de sécurité générale qu’en matière de lutte anti-terroriste ou d’investigation judiciaire : traitement de l’information et des données techniques, moyens de communication, d’observation et d’enregistrement, vidéoprotection, biométrie, matériel roulant, moyens aériens et nautiques, systèmes de signalisation, armement, équipements de protection...

La préparation de l’avenir nécessite, aussi, de conforter la protection du territoire et de la population, en France comme à l’étranger, d’une part contre les menaces terroristes ou extrémistes et, d’autre part, contre les nouvelles formes d’insécurité susceptibles de se développer au niveau mondial. Déjà, la globalisation économique permet une propagation de la criminalité organisée ; la multiplication des conflits extérieurs porte la menace d’une possible transposition sur notre territoire ; les infrastructures critiques d’importance vitale constituent des cibles potentielles pour les organisations criminelles et le cyberespace devient le champ d’action des criminels de tous genres. La vigilance est donc de rigueur et doit rester tendue vers la détection des signaux faibles, précurseurs ou annonciateurs de menaces ou de crises imminentes.

D’autres vulnérabilités, liées aux évolutions sociales et sociétales, sont à prendre en compte dès à présent. C’est précisément le cas du vieillissement démographique qui donne naissance à de nouvelles fragilités. Les personnes âgées sont notamment des cibles privilégiées dans le cadre du développement des escroqueries et de la délinquance itinérante. Elles sont, en outre, beaucoup plus sujettes aux pressions et sollicitations de leur entourage, comme elles sont plus exposées aux infractions sanitaires et sociales au sein des établissements spécialisés ou à domicile. Cette problématique particulière a fait l’objet d’une mission temporaire confiée par le Premier ministre à M. Édouard Courtial, député, afin d’analyser les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population et de proposer un plan d’action.

Préparer l’avenir, c’est aussi développer de nouvelles relations entre les forces de sécurité et la population. Seules une police et une gendarmerie exemplaires, c’est-à-dire agissant dans le respect des valeurs républicaines, peuvent être efficaces. Cette efficacité réside dans la qualité de la réponse que les deux forces apportent aux attentes du corps social dont elles procèdent et qui les a investies. La déontologie est donc au cœur des relations entre les représentants des forces de sécurité et les citoyens. C’est parce que la déontologie est et sera respectée que s’établira un véritable lien de confiance avec la population. C’est le respect de la déontologie qui permet d’affirmer le sens du discernement et de conforter l’éthique de la responsabilité, gages du professionnalisme des policiers et des gendarmes.

La qualité de ce lien tissé avec la population sera d’autant plus grande que les victimes seront prises en charge avec toute la considération qui leur est due. L’aide aux victimes constitue l’une des quatre priorités du plan national de prévention de la délinquance. C’est dans ce cadre que sera développé le dispositif des intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie, de même que les permanences d’associations d’aide aux victimes. L’expérimentation de la pré-plainte en ligne puis, le cas échéant, son extension, peut contribuer à améliorer l’accueil des victimes en facilitant les démarches des usagers, et des initiatives nouvelles seront prises pour favoriser le dialogue entre les forces de sécurité et la population et, notamment, avec les jeunes.

Tous les ans, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales procédera en liaison avec l’Institut national de la statistique et des études économiques à une enquête nationale de victimation dont les résultats seront publiés.

Enfin, les états statistiques existants seront enrichis dans leur contenu et adaptés dans leur présentation. Au terme de la réflexion conduite avec l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), seront proposés de nouveaux outils qui offriront non seulement un support de communication pertinent, mais également les moyens de mieux mesurer les attentes de la population et de permettre un pilotage plus fin de l’activité des services, ainsi que des indicateurs appropriés pour évaluer la performance des différents services et des principaux acteurs, et les résultats concrets obtenus en matière de lutte contre l’insécurité.

II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE

La gendarmerie nationale est placée sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur depuis le 15 mai 2002 pour ses missions de sécurité intérieure. La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 précitée a scellé son rattachement organique, tout en garantissant le statut militaire de la gendarmerie. Le rapprochement des deux forces sous un seul et même commandement est une réforme majeure et structurante pour les années à venir. Il ne s’agit pas d’instaurer une concurrence entre police et gendarmerie, mais de développer les complémentarités dans un but essentiellement opérationnel. L’objectif est, en effet, de donner plus d’efficacité aux dispositifs de sécurité, certes en mutualisant les moyens, mais surtout en développant les synergies et en renforçant la maîtrise des territoires. Beaucoup a déjà été entrepris en ce sens, mais la symbiose ne pourra être effective qu’à la condition d’être progressive et résolue pendant la période couverte par la LOPPSI.

1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles

La coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles.

Un travail d’analyse systématique des compétences opérationnelles et des actions des deux forces a été engagé. Il doit déboucher sur un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure qui soit le mieux adapté à l’efficacité opérationnelle dans les différents domaines d’activité, comme le renseignement, la sécurité générale, l’ordre public, la police judiciaire ou la coopération internationale. Ce schéma, qui tendra à réduire les doublons et les redondances, proposera, selon les cas, de désigner une direction pilote, de mettre en place une structure d’action commune, d’élaborer un protocole de coopération ou de dégager des doctrines d’emploi ou des règles d’action communes. Cette démarche engagée au deuxième semestre 2009 sera menée à bien dans le courant de l’année 2010. D’ores et déjà, il a été décidé de créer une structure d’action commune dans le domaine de la coopération internationale. En outre, les systèmes d’information et de commandement et les technologies de la sécurité intérieure participant directement à l’efficacité et à la modernisation des forces, il a été décidé de créer une structure commune pour favoriser les synergies.

Au-delà de ces ajustements, il s’agira de réaliser une approche plus globale en termes d’organisation, de couverture territoriale et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure.

Ainsi, les ressources de la police et de la gendarmerie doivent être optimisées pour répondre au mieux aux attentes de la population en prenant en compte la réalité de la délinquance et son évolution. L’effort doit porter sur la recherche de la meilleure adaptation, localement, du dispositif tout en préservant les liens de confiance avec la population, en améliorant la capacité de lutte contre les diverses formes d’insécurité et en mettant à profit le développement des nouvelles technologies.

La mise en œuvre des redéploiements des zones de sécurité publique entre les deux forces, associée à l’évolution des charges auxquelles la gendarmerie et la police devront faire face, nécessitera une adaptation des modes d’organisation et de fonctionnement. Le cadre réglementaire régissant la compétence territoriale de la gendarmerie et de la police nationales sera aménagé afin d’assurer une plus grande cohérence opérationnelle pour couvrir les différents bassins de délinquance.

Les missions de garde et d’escorte au profit des centres de rétention administrative (CRA) seront intégralement transférées à la police aux frontières ; le schéma des forces mobiles de la gendarmerie sera aménagé pour tenir compte de ce transfert. Plus généralement, l’évolution des missions des forces mobiles de la gendarmerie et de la police rendra nécessaire une adaptation de leurs conditions d’emploi.

Tout en garantissant une qualité de l’offre de sécurité au moins équivalente selon le mode d’organisation et de fonctionnement propre à chaque force, l’attention sera portée notamment sur un rééquilibrage des moyens entre les territoires. Les délais d’intervention devront rester adaptés à la nature des zones, au nombre et à la fréquence des sollicitations.

Tirant les enseignements de la généralisation des différents contrôles automatisés, les modalités d’emploi des unités spécialisées en sécurité routière seront également réaménagées et un effort particulier sera consacré au réseau dit secondaire.

2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines

Au plan de l’appui opérationnel, la lutte contre les violences urbaines, les troubles graves à l’ordre public et l’immigration clandestine imposent l’intensification du recours aux moyens spécialisés.

Dans ce cadre, afin d’optimiser l’utilisation des matériels dont les coûts d’acquisition et de maintenance sont particulièrement élevés, les moyens aériens et nautiques, les véhicules blindés et les fourgons-pompes de la police et de la gendarmerie seront engagés au profit des deux forces. Les bornes de signalisation par empreintes digitales de la police pourront dans certains départements être ouvertes aux services de gendarmerie.

Pour ce faire, des protocoles seront systématiquement établis pour compenser les coûts liés à l’augmentation d’activité, coordonner l’engagement de ces moyens et garantir une réactivité optimale.

La convergence sera activement engagée en matière d’équipements automobiles et de moyens de communication. Les deux forces opérationnelles se doteront massivement de systèmes embarqués dans les véhicules d’intervention.

Après l’achèvement du déploiement du réseau de communication de la police (ACROPOL), une convergence des nouveaux vecteurs de communication des différents services de la sécurité intérieure devra être recherchée pour une interopérabilité complète, à terme, de leurs réseaux de transmission. Les réseaux seront ouverts progressivement aux autres services contribuant à la sécurité dans la limite des ressources disponibles du réseau. Des modalités de gestion opérationnelle seront déterminées pour gérer le partage des ressources des réseaux ACROPOL (police et gendarmerie mobile) et ANTARES (réseau de communication des services départementaux d’incendie et de secours et de la sécurité civile) dans le cadre de la mise en place d’une infrastructure partagée des télécommunications.

Sur la base de ces réseaux, les centres d’information et de commandement (CIC) de la police seront modernisés pour fournir une réactivité optimale des forces. S’agissant des forces de gendarmerie, la poursuite du système départemental de centralisation de l’information COG RENS (projet ATHENA adossé au réseau RUBIS) offrira des fonctionnalités similaires.

L’optimisation des moyens de transports à vocation logistique sera assurée entre la gendarmerie et la police aux niveaux national et local.

La sécurité civile sera pleinement associée à cette démarche, notamment en ce qui concerne les aéronefs, les bases et la politique de maintenance. Dans le respect des objectifs opérationnels, cette mutualisation sera particulièrement recherchée outre-mer, où le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales se verra confier à partir de 2012 de nouvelles responsabilités en lieu et place des armées.

Le domaine des prestations de soutien constitue un champ de mutualisation privilégiée entre police et gendarmerie, notamment dans les domaines suivants : immobilier, moyens d’entraînement, équipement et maintenance automobile, police technique et scientifique, risque NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique).

Mutualiser l’immobilier

S’agissant de l’immobilier, le redéploiement des zones de compétence entre police et gendarmerie, au cours des cinq prochaines années, conduira à un partage des implantations immobilières selon la nature des futurs services compétents.

Ce redéploiement des zones de compétence s’accompagnera d’une réorganisation de la conduite d’opérations. Les secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP) sont appelés à devenir les services constructeurs de droit commun pour l’ensemble du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Quant à la définition et la mise en œuvre de la politique immobilière de la police et de la gendarmerie, elles sont confiées au secrétaire général du ministère sur la base des priorités définies par les deux directions générales concernées.

Une expérimentation de mutualisation et d’externalisation de la maintenance des infrastructures est actuellement menée en régions Auvergne et Limousin. Les résultats de cette expérimentation pourront conduire à une extension du dispositif à d’autres régions.

Des moyens d’entraînement communs

L’utilisation d’un centre d’entraînement commun à la lutte contre les violences urbaines sera favorisée dans l’optique du développement de standards européens, dynamique déjà engagée, par exemple, avec le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne).

De même, la formation à des spécialités communes à la police et à la gendarmerie pourra être mutualisée dans une même école ou un même centre.

Mutualiser l’équipement et le soutien automobile

Sauf exception, la mutualisation des achats, des équipements ainsi que du soutien automobile est désormais la règle entre les deux forces.

En matière d’habillement, la police nationale a externalisé cette prestation. La gendarmerie nationale mettra en œuvre des modalités d’externalisation de la gestion de son habillement.

Le nouveau site logistique de la police nationale de Limoges assurera désormais le soutien des armes et la transformation des véhicules spécifiques pour les deux forces.

Ses activités sont complémentaires de celles du site de la gendarmerie nationale du Blanc (Indre) qui se spécialisera dans le soutien des effets de matériels de protection et la mutualisation des transports de matériels en métropole et en outre-mer.

La complémentarité de ces deux sites permettra de rendre plus performante la coopération entre les deux forces, à commencer par la mutualisation, au Blanc, de la chaîne de reconditionnement des gilets pare-balles.

Le service de diffusion de la gendarmerie de Limoges exerce ses activités au bénéfice des deux forces.

Sur l’ensemble du territoire, police et gendarmerie ont engagé des actions en vue de mutualiser leurs ateliers de soutien automobile. Plus de soixante-dix projets sont aujourd’hui en cours d’étude, qui seront déclinés dans des plans zonaux de mutualisation du soutien automobile.

Enfin, la passation de marchés mutualisés de véhicules spécifiques a permis à la police et à la gendarmerie d’optimiser leurs coûts d’achats et d’entretien.

La définition conjointe de futurs véhicules permettra une optimisation financière dans la passation des marchés mais aussi une rationalisation déjà engagée dans le soutien mutuel.

Complémentarité dans le domaine de la police technique et scientifique

Dans le domaine de la police technique et scientifique, une complémentarité technique des interventions sera organisée, fondée sur la recherche du plus haut niveau de professionnalisme disponible sur un territoire donné, à l’instar de l’unité nationale d’identification des victimes de catastrophes (UNIVC). De même, l’harmonisation des technologies de pointe utilisées et leur concentration sur des sites uniques spécialisés par domaine particulier seront examinées et mises en œuvre le cas échéant. Une complémentarité technique pourra être étudiée dans certains départements en matière de recherche et de traitement des indices dans les plateaux techniques locaux. Des expérimentations ponctuelles pourront être proposées pour en évaluer les possibilités.

Une gestion partagée du risque NRBC

Comme le livre blanc sur la défense et la sécurité l’a souligné, l’évolution des menaces et des risques NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique) impose d’améliorer et de renforcer la coordination des capacités de protection et de conduire des programmes de recherche et d’équipement.

Cet effort s’impose en tout premier lieu à la direction de la sécurité civile. Celle-ci devra disposer des capacités mobiles d’identification des agents chimiques et biologiques. Ainsi, est retenu l’objectif d’un parc de 16 véhicules de détection, prélèvement et identification biologique et chimique, et son évolution au fur et à mesure des avancées, pour assurer la couverture des seize principales agglomérations de métropole. De plus, le nombre de chaînes de décontamination mobiles sera triplé (68 en 2008) d’ici 2013, avec une attention particulière aux moyens disponibles dans les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM).

Ainsi, l’interopérabilité entre le détachement central interministériel (DCI), chargé de l’intervention technique sur tout engin, et les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie, dont l’action est tournée contre les auteurs d’une menace terroriste, sera développée. Cette complémentarité doit être obtenue et exploitée tant lors des phases préventives (détection, sécurisation des lieux, protection des cibles potentielles) que lors des phases d’intervention (neutralisation de la menace d’origine humaine, démantèlement de l’engin NRBC) ou de police judiciaire (préservation de la preuve), en garantissant la continuité des opérations.

Enfin, conformément aux préconisations du livre blanc, sera projetée la création d’un centre national de formation en matière NRBC. Ce centre aura vocation à regrouper l’ensemble des services, civils et militaires, susceptibles d’intervenir à ce titre. Il devra ainsi concourir à renforcer l’efficacité de l’État.

Mutualiser des actions de gestion en matière de ressources humaines

Au-delà des démarches déjà engagées de mutualisation dans le domaine logistique, d’autres formes de partenariat seront explorées, concernant notamment certains aspects du recrutement et de la formation, ainsi que certaines mesures relatives à l’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité.

S’agissant du recrutement, le partenariat doit permettre des économies d’échelle. Ainsi, dans le respect des conditions d’emploi attachées à l’état de militaire ou de fonctionnaire civil, la cohérence et la complémentarité des dispositifs de recrutement des deux institutions, dans l’organisation matérielle de la sélection, seront recherchées. En outre, les emplois de soutien techniques et administratifs des deux forces relèvent d’une même logique fonctionnelle et nécessitent le recrutement d’agents titulaires de qualifications identiques.

La gendarmerie, qui développera largement le recours aux personnels civils à l’occasion de la LOPPSI, fera appel aux moyens ministériels pour former ses nouveaux collaborateurs.

La formation des plongeurs des deux forces de sécurité sera assurée dans le centre existant de la gendarmerie implanté à Antibes. Des projets de mutualisation des centres de formation des maîtres-chiens et des motocyclistes sont actuellement à l’étude, une expertise de la faisabilité des opérations de regroupement étant en cours. La police, en étroite coordination avec la gendarmerie, assurera des formations spécialisées dans le domaine du renseignement et de la prévention situationnelle.

Enfin, la logique d’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité dans leur recherche d’emploi à l’issue de leurs contrats successifs est développée par les deux forces de sécurité. Cette démarche d’accompagnement sera étroitement concertée.

III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES

1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces

Des tenues plus protectrices

Les phénomènes de violences urbaines et les agressions dirigées contre les forces de l’ordre, de plus en plus par usage d’armes à feu, rendent nécessaire l’adaptation continue des équipements des policiers et des gendarmes. Les exigences sont accrues en matière de résistance des matériaux utilisés pour les tenues ainsi que pour les véhicules : nouveaux textiles, nouvelles matières pour les effets pare-coups, les casques, les visières, les boucliers, etc.

Les risques croissants auxquels sont exposés les policiers justifient de passer d’une logique de dotation collective à un régime de dotation individuelle du casque pare-coups. Dans cette perspective, 40 000 casques seront acquis pour compléter l’équipement des policiers d’ici la fin 2010.

Les militaires de la gendarmerie mobile seront équipés d’une tenue d’intervention de nouvelle génération, de conception modulaire (insertion de coques souples ou rigides selon le besoin, protection contre les projections de produits corrosifs), tout en maintenant un certain confort grâce, notamment, à une meilleure isolation thermique. Par ailleurs, 4 000 gilets pare-balles à port apparent ainsi que des pare-coups et des chasubles d’emport pour les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) viendront améliorer la protection individuelle des gendarmes départementaux servant dans les zones les plus exposées.

Des moyens gradués d’intervention, notamment les moyens de force intermédiaire

La police et la gendarmerie se sont dotées depuis 1995 de lanceurs de balles « Flash Ball Super pro » de calibre 44 millimètres et de la grenade de dispersion.

Depuis 2006, elles ont engagé conjointement des procédures d’acquisition du pistolet à impulsions électriques, du lanceur de balles de défense (LBD de calibre 40x46 millimètres) et du dispositif d’interception des véhicules automobiles permettant la neutralisation d’un véhicule en toute sécurité par le dégonflage progressif des pneumatiques.

Au sein de la gendarmerie, le déploiement de dix stands de tir mobiles (en mutualisation avec la police nationale) dans les centres de formation et les départements les plus sensibles (également mutualisés avec la police nationale) permettra de parfaire la maîtrise des armes en dotation.

Le lanceur de balles de défense de 40x46 millimètres sera généralisé par l’acquisition de 4 300 matériels supplémentaires destinés aux unités spécialisées de la police (2 500) et de la gendarmerie (1 800) nationales.

Différents équipements, armes et munitions seront développés en partenariat pour diversifier la réponse à la violence : munitions marquantes, lacrymogènes, cinétiques, éblouissantes, incapacitantes, assourdissantes. Une attention particulière sera portée au développement de technologies nouvelles (générateurs de sons, munitions électriques, ...).

L’équipement de la gendarmerie mobile en moyens lourds de dégagement et d’appui au déplacement (engin du génie EGAME) ainsi que de neutralisation d’axes (dispositif de retenue du public DRAP dans la catégorie des barres ponts) sera poursuivi.

Des moyens d’observation adaptés à l’intervention nocturne en milieu urbain

Les équipements discrets pour les services de renseignement ou d’investigation permettront d’établir la participation à des faits délictueux et violents à base d’enregistrements numériques.

Un équipement automobile, instrument de la lutte contre la délinquance

Afin de prévenir toute contestation sur les modalités d’intervention des forces de l’ordre, l’expérimentation de vidéo embarquée dans les véhicules légers, engagée en 2006 dans la police et la gendarmerie nationales, sera étendue. Cette avancée technologique, corrélée à celle de la montée en puissance des centres d’information et de commandement de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie, permettra un pilotage en temps réel des interventions des effectifs de la police nationale et des patrouilles de la gendarmerie nationale.

Le parc automobile s’adaptera aux phénomènes de violences urbaines. Ainsi, les compagnies d’intervention de la police nationale disposeront sans délai de véhicules adaptés à la nature de leurs missions et aux risques auxquels les personnels sont exposés.

Les policiers et les gendarmes, notamment ceux appelés à intervenir dans les zones sensibles, seront équipés de véhicules à la maniabilité et à la protection renforcées, intégrant des dispositifs de liaison permanente entre les personnels embarqués et au sol.

2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien

Au-delà de la poursuite des programmes déjà engagés, de nouveaux programmes visant une rupture technologique seront développés notamment en ce qui concerne la vidéoprotection, la biométrie, les moyens aériens de type drones et les outils de traitement de l’information.

Des technologies nouvelles embarquées pour un emploi plus rationnel des effectifs

Elles offrent, grâce à la sécurisation et au développement de la transmission des données, des outils de consultation des fichiers et des moyens de contrôle sur le terrain qui permettent aux policiers et aux gendarmes d’être plus efficaces dans leur travail de contrôle, mais aussi plus réactifs vis-à-vis de la population.

Dans cette optique, l’informatique embarquée dans les véhicules de police sera développée afin de faciliter la consultation des fichiers à distance.

D’ici à 2013, l’ensemble du parc des véhicules sérigraphiés de la sécurité publique et des CRS (10 000 véhicules) devra être équipé en terminaux embarqués polyvalents. La gendarmerie nationale a achevé en 2009 l’équipement des terminaux informatiques embarqués (TIE) de 6 500 véhicules et 500 motocyclettes.

La lecture automatique des plaques d’immatriculation

Le dispositif prévu par la loi de lutte contre le terrorisme de janvier 2006, actuellement en cours d’expérimentation, sera déployé par la police et la gendarmerie. Les douanes s’associeront au programme qui sera constitué de systèmes fixes et mobiles. Un système central permettra de traiter plus spécifiquement des données liées à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. 500 véhicules seront équipés du dispositif mobile.

Le renforcement des moyens de renseignement et de lutte contre le terrorisme

La collecte d’informations et le traitement des données seront favorisés pour permettre de détecter les signaux faibles en amont de la commission d’attentat. Les outils de fouille opérationnelle, d’analyse de texte et des bases de données et la lutte contre le terrorisme NRBC sont autant d’axes de développement. L’effort d’équipement porte aussi sur le pistage de nouvelle génération miniaturisé, le traitement des données techniques liées à la téléphonie et à l’utilisation des réseaux IP, l’interception et le renseignement transfrontière.

La capacité de contre-renseignement sera également accrue par le déploiement de scanners plus performants, l’interception et le brouillage des téléphones portables et satellitaires.

Une vidéo plus largement utilisée

L’usage de la vidéo sera intensifié pour améliorer l’efficacité de l’action policière avec le développement d’une vidéoprotection moderne et normalisée, des caméras embarquées, des moyens vidéos pour lutter contre les violences urbaines, etc.

L’enjeu sera avant tout de traiter les informations et d’intégrer à l’ensemble des flux vidéos l’intelligence logicielle capable d’apporter des réponses rapides pour prévenir l’infraction ou encore apporter des éléments utiles aux enquêteurs. Des outils d’exploitation seront mis en place aux niveaux national et local. En particulier, le cas de l’exploitation des données massives post-attentat fera l’objet d’un projet dédié.

Un plan de développement de la vidéoprotection est en cours de déploiement par le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, pour tripler (de 20 000 à 60 000) le nombre de caméras sur la voie publique et permettre aux services de police et de gendarmerie d’accéder aux images. 75 villes ont bénéficié en 2009 d’un accompagnement financier par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour compléter les installations existantes.

Au-delà de l’installation des caméras, l’effort portera sur la qualité des matériels et des images, sur le raccordement des centres d’information et de commandement (CIC) de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie (COG) aux dispositifs de vidéoprotection urbaine et sur leur équipement en moyens de visualisation des images.

À Paris, la préfecture de police bénéficiera du renforcement de son réseau de vidéoprotection pour le porter au total à environ un millier de caméras. Afin d’optimiser le coût global de cette opération, une solution de contrat en partenariat public-privé a été retenue et sa mise en œuvre est en cours.

Des outils plus performants au service de l’investigation judiciaire et de la lutte contre la cybercriminalité

Les outils technologiques devront contribuer de façon majeure à l’investigation judiciaire pour faire sensiblement progresser l’élucidation.

Les outils de lutte contre la cybercriminalité seront généralisés et renouvelés pour permettre d’être en phase avec ce type de criminalité très évolutive. En particulier, la lutte contre les usages illicites d’internet, comme la radicalisation religieuse ou la pédopornographie, fera l’objet de mesures particulières.

Pour améliorer le taux d’élucidation de la délinquance et mettre davantage en évidence le caractère multiréitérant de nombreux auteurs de faits, les forces de sécurité s’engageront dans le déploiement de dispositifs de détection des phénomènes sériels. La multiréitération pourra ainsi être mieux prise en compte sur le plan pénal.

La modernisation de la gestion de l’urgence et des grands événements

Les centres d’information et de commandement (CIC) de la police nationale seront modernisés. Ils constitueront ainsi de réels centres opérationnels recueillant l’ensemble des données permettant une analyse des situations.

Après les 35 premiers centres achevés et livrés fin 2009, la poursuite du déploiement devra tenir compte des besoins nouveaux affichés : équipement de la préfecture de police, équipement des aéroports et des centres zonaux de la police aux frontières, équipement des centres de commandement autoroutiers CRS. Ces sites seront équipés de nouvelles installations qui permettront notamment de mettre en place la géolocalisation des équipages en véhicules et à pied, de rationaliser et professionnaliser la gestion des appels de police-secours, de mettre à disposition des référentiels cartographiques, d’exploiter les données de vidéoprotection urbaines et d’optimiser l’emploi des forces dans la logique de la police d’agglomération.

Avec le développement et la réalisation du projet ATHENA, la gendarmerie lancera la modernisation des COG dans chaque département. Le système de centralisation de l’information départemental offrira des fonctionnalités nouvelles dans la centralisation des appels, la gestion du renseignement et la gestion des interventions par géolocalisation.

La gendarmerie poursuivra le déploiement de systèmes de retransmission des images captées par les caméras gyrostabilisées installées sur les nouveaux hélicoptères légers de surveillance. Ce moyen constituera un dispositif d’aide à la décision précieux à l’occasion des événements majeurs. Il sera donc interopérable avec les systèmes d’information de la police afin de renvoyer les images dans les CIC et les COG.

La police déploiera son programme de minidrones d’observation et poursuivra la location d’avions pour les missions d’observation et d’appui. L’usage des moyens aériens sera mutualisé entre les deux forces, en liaison avec les moyens techniques, logistiques et humains de la sécurité civile.

Pour faire face aux situations de crise, la police mettra en place un système spécifique de gestion de crise et de prises d’otages. Il accompagnera la montée en puissance de la force d’intervention de la police nationale (FIPN).

Parallèlement, la gendarmerie poursuivra la montée en puissance de son état-major de projection et de gestion de crise. Conjugué à la réorganisation récente du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ce dispositif permettra d’accroître les capacités de riposte face aux situations extrêmes, telles que les prises d’otages de masse ou complexes, tant sur le territoire national qu’à l’étranger. Doté de structures modulaires transportables avec systèmes de communication intégrés, cet état-major viendra appuyer les échelons de commandement locaux pour la planification et la conduite de services majeurs de sécurité occasionnés, notamment, par des déplacements d’autorités de premier plan ou par des grands rassemblements de personnes.

Un renforcement des moyens de la police scientifique et technique

En priorité, une solution immobilière sera trouvée pour l’implantation des laboratoires de la région parisienne. Leur relogement devra prendre en compte, d’une part, la forte augmentation prévisionnelle des effectifs de la police scientifique parallèlement à la poursuite de la substitution entre actifs et administratifs, d’autre part, la nécessaire modernisation des moyens de fonctionnement des laboratoires. Ce sera aussi l’occasion de renouveler certains outils de laboratoire.

Dans le même temps, le transfert de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), dont la construction du pôle génétique est déjà amorcée, et du service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) sera conduit à son terme sur le site de Pontoise. L’ensemble des capacités judiciaires nationales spécialisées de la gendarmerie seront ainsi regroupées sur ce site dans une logique de cohérence des procédures et des protocoles d’enquêtes.

Le changement de génération du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) permettra le traitement des empreintes palmaires, l’échange avec les pays signataires du traité de Prüm et l’accélération des temps d’exploitation des traces.

La modernisation des moyens employés sur la scène de crime doit permettre de doter les techniciens de police technique et scientifique de tous les moyens de détection utilisables pour accéder et faciliter a posteriori le traitement des données recueillies.

L’accroissement du nombre de personnes signalées dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) conduira à une augmentation des prélèvements sur les scènes d’infractions liées à la délinquance de masse afin d’améliorer le taux de résolution des affaires. Les laboratoires de police scientifique (INPS et IRCGN) devront être en mesure de traiter de nouveaux flux (individus et traces) en se dotant de chaînes analytiques adaptées.

La gendarmerie renforcera ses outils permettant une élucidation des infractions à partir de l’analyse des phénomènes sériels et d’une analyse des phénomènes de flux de délinquance.

Une recherche en sécurité au service de la performance technologique

Facteur plus général de changement, la recherche en sécurité doit s’inscrire au cœur de l’action de soutien aux forces de l’ordre.

La création d’un centre de recherche moderne au périmètre élargi aux forces de sécurité intérieure et doté de moyens renforcés apparaît à ce titre indispensable. Il veillera à la bonne application des orientations retenues sous la gouvernance d’un conseil scientifique qui sera créé.

La recherche visera notamment à trouver les solutions innovantes dans des domaines tels que les dispositifs d’arrêt de véhicules, la détection de drogues et d’explosifs, la protection des fonctionnaires, la miniaturisation des capteurs, la vidéoprotection intelligente, la transmission de données sécurisée, la fouille des données sur internet, la reconnaissance faciale, les nouvelles technologies de biométrie...

Une ligne de crédits sera donc dégagée pour favoriser l’implication des petites et moyennes entreprises innovantes dans ces travaux et participer aux travaux de normalisation intéressant la sécurité.

3. La modernisation du système d’alerte des populations

En dehors des 2 000 sirènes communales, le réseau national d’alerte, composé de 4 300 sirènes dont 3 900 opérantes, date de 1950. Ni sa technologie obsolète, ni sa vocation, ni son implantation ne répondent plus aux objectifs actuels, a fortiori ceux de demain. Il est donc indispensable d’adopter un nouveau système d’alerte.

Celui-ci, présent dans les grandes agglomérations et les bassins de risques, devra pouvoir utiliser les technologies les plus modernes et être déclenché de manière sélective. En particulier, le nouveau système d’alerte devra être en mesure de répondre aux risques de tsunami.

Le nouveau système sera réalisé d’ici la fin de la période de programmation de la LOPPSI : il comprend une modernisation du

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure qu’il nous est demandé d’approuver vise, entre autres, à mieux lutter contre les différentes formes de délinquance.

En qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, je veux intervenir sur cette forme particulière de violences aux personnes que sont les violences au sein du couple et sur les moyens qu’il convient d’y consacrer.

Ce serait en effet une grave erreur de considérer, parce que ces violences s’exercent plus dans la sphère privée que dans l’espace public, qu’il s’agit d’un volet mineur ou secondaire de la lutte contre les violences aux personnes.

Suivant les évaluations du très officiel Observatoire de la délinquance, les violences exercées sur des femmes majeures par leur conjoint représentent un peu plus du quart – 26 %, précisément – des violences enregistrées sur personnes de plus de quinze ans. Il ne s’agit donc pas là d’un aspect secondaire de la sécurité.

Je souhaite que l’on ne perde pas de vue non plus un aspect essentiel de toute politique de prévention de ces violences : le traitement de leurs auteurs.

Aussi, je veux insister ici sur la nécessité de préserver le financement des actions de lutte contre ces violences, et plus particulièrement sur la contribution que leur apporte le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD.

Ce fonds, alimenté notamment par un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation, a vocation à financer des actions dans le cadre du plan de prévention de la délinquance, ainsi que dans celui de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville.

Le FIPD consacre traditionnellement une partie de ses crédits – 3, 2 millions d’euros en 2008 et en 2009 – à des actions de lutte contre les violences familiales : accueil et orientation des victimes, prise en charge des auteurs des violences, accompagnement des mineurs témoins de ces actes.

Mais ces actions ont commencé de souffrir de la concurrence que leur fait la priorité donnée par le Gouvernement au développement de la vidéosurveillance. Non seulement les crédits consacrés par le FIPD à ce programme augmentent fortement – 12 millions d’euros en 2008, 15 millions en 2009, 30 millions en 2010, d’après les chiffres qui m’ont été communiqués –, mais l’article 62 de la loi de finances pour 2011 leur confère un régime particulier dans la mesure où le contrôle et l’emploi de ces fonds relèveront dorénavant du ministère de l’intérieur, par exception aux règles de fonctionnement du FIPD.

Nous pouvons déjà percevoir, à l’échelon local, les conséquences de cette nouvelle orientation. J’ai reçu des courriers alarmants de plusieurs associations qui ont attiré mon attention sur les conséquences dramatiques de la diminution des crédits qu’elles reçoivent du FIPD au titre de la lutte contre les violences envers les femmes, et ce alors que celle-ci a été érigée en « Grande cause nationale pour 2010 ».

Comme ces actions font l’objet d’un cofinancement avec les collectivités territoriales, la diminution des crédits du FIPD a un effet de levier négatif sur les contributions des communes et autres collectivités, car elle incite celles-ci à se désengager. C’est dramatique tant pour l’accueil des victimes que pour les soins aux auteurs des actes violents.

Tout cela risque d’être encore aggravé par l’article 24 ter A, ajouté par l’Assemblée nationale au projet de loi, qui réserve les financements du FIPD aux seules communes qui se seront dotées à la fois d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et d’un conseil pour les droits et devoirs des familles ou d’une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.

Monsieur le ministre, je tenais à vous faire part de notre très vive préoccupation et à vous dire que nous sommes nombreux dans cette assemblée à refuser toute perspective de diminution, de cette manière-là, des crédits que le FIPD consacre à la lutte contre les violences familiales.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Monsieur le ministre, le rapport annexé au projet de loi, censé fixer les objectifs et les moyens dévolus à la politique de sécurité intérieure pour les cinq prochaines années, reflète à merveille la philosophie de ce texte.

Il décrit les grandes lignes de vos desseins en matière de sécurité, tout en traitant de questions budgétaires qui, à l’évidence, n’y ont pas leur place.

User d’un tel procédé est fort contestable, voire peu courageux, car il vous permet de ne prendre aucun réel engagement devant la représentation nationale, ce rapport n’ayant pas de valeur normative.

Ce rapport annexé a donc pour seul objet de masquer la réalité de la réduction des effectifs alloués à la lutte contre l’insécurité !

En vérité, comment peut-on prétendre être plus efficace avec moins de présence humaine sur le terrain ? Il n’y a même pas eu de concours de gardien de la paix en 2009, si bien que, à l’horizon de 2012, nous aurons perdu 12 000 policiers nationaux. Nos territoires le ressentent et en souffrent.

La hausse de la délinquance est étrangement concomitante des vagues de suppressions de postes de l’éducation nationale : 16 000 postes supprimés à la rentrée prochaine ! Et je ne parle pas de la suppression des RASED, qui ont pourtant permis de prendre en charge bon nombre d’enfants en difficulté. Une telle situation est franchement inadmissible, mais vous vous gardez bien de l’évoquer dans le rapport annexé, alors que le lien avec les questions de sécurité est évident.

Au-delà des doutes que l’on peut nourrir quant à la véracité des chiffres présentés, ceux-ci tendent malgré tout à démontrer que la gendarmerie disposera au total de moyens réduits et moins bien répartis pour lutter contre la délinquance et garantir la sécurité de nos concitoyens. Du reste, nous persistons à penser que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, que consacre le rapport annexé, est inefficace et dangereux.

La façon dont s’est opéré ce rattachement prouve d’ailleurs que l’objectif était non pas la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la constitution rapide d’une seule force de sécurité, sous la seule autorité civile de l’exécutif.

Nous ne cesserons donc de dénoncer les dangers de cette concentration des pouvoirs de police en une seule main, d’autant que l’objectif est de mettre en œuvre une politique toujours plus sécuritaire, fondée sur la seule répression.

Par ailleurs, le recours accru aux nouvelles technologies, pour le renseignement et le développement des moyens de la police scientifique et technique, s’ils sont indispensables, ne sauraient intégralement compenser la réduction des effectifs due à une application mécanique et aveugle de la RGPP.

Doit-on rappeler que les personnels de la police scientifique se sont mis en grève en septembre dernier, protestant contre leur soumission à la politique du chiffre, alors que vous leur demandez toujours plus ? À cette occasion, ils n’ont pas manqué de dénoncer les conditions de fonctionnement de ce service, qui manque cruellement de moyens.

Toute politique de sécurité ambitieuse passe non seulement par une affectation de crédits adéquats, mais aussi par le développement de services publics tels que la justice et l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À notre sens, le rapport annexé est véritablement la clé de voûte de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il définit, parfois de façon très détaillée, votre stratégie globale en matière de sécurité, tout en traitant également des aspects budgétaires.

Cela a déjà été dit, il s’agit là d’un procédé contestable, car il vous permet de ne prendre aucun engagement devant la représentation nationale, ce document n’ayant pas de valeur normative.

Plus fondamentalement, ce procédé vous permet aussi de cacher l’échec de votre politique de sécurité.

Si ce rapport expose bien une stratégie et des moyens, ceux-ci sont inadaptés pour lutter efficacement contre la délinquance. De plus, il travestit la réalité de la réduction des moyens consacrés à ce combat.

C’est d’ailleurs là l’un des paradoxes de la politique du Président de la République en la matière : il proclame régulièrement son soutien aux forces de police quand elles sont en difficulté, mais ses choix politiques aboutissent à supprimer des postes et à réduire certains moyens.

Comment pouvez-vous demander aux fonctionnaires de police de faire plus, d’être plus efficaces, alors que leur présence sur le terrain diminue ?

Enfin, quoi que vous en disiez, la politique menée depuis 2002 est un échec ; cet échec, vous le dissimulez maladroitement derrière des amalgames et la globalité des résultats.

Si les données d’ensemble traduisent une légère baisse de l’insécurité, ce sont essentiellement les atteintes aux biens qui diminuent, en même temps que l’élucidation des affaires s’améliore. En revanche, les atteintes aux personnes, notamment les coups et blessures volontaires – je parle donc bien, en l’occurrence, des victimes – ont explosé, de même que les violences contre les dépositaires de l’autorité publique, car je me soucie aussi de leur sort.

Pour cet ensemble de raisons, je vous invite, mes chers collègues, à supprimer cet article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La commission est défavorable à la suppression de cet article. En effet, que l’on soit pour ou contre le rapport annexé, force est de reconnaître que nous avons besoin de définir, notamment, les crédits qui seront affectés à la sécurité intérieure.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Je souhaite en outre répondre à l’intervention de Mme Michèle André.

Les violences faites aux femmes constituent, j’en suis convaincu, un sujet de préoccupation partagé sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

Chacun le sait, dans notre pays, tous les deux jours, un homicide est commis au sein du couple. En 2009 – je ne dispose malheureusement pas encore des chiffres de 2010 –, 165 personnes sont décédées, victimes de leur partenaire ou, dans un certain nombre de cas, de leur ex-partenaire de vie. Je précise d’ailleurs à l’intention de M. Mézard que, sur ces 165 personnes, on dénombre 140 femmes et 25 hommes. Autrement dit, en moyenne, une femme décède tous les 2, 5 jours et un homme, tous les 14, 5 jours du fait des violences au sein du couple.

Différentes mesures ont été prises, que vous connaissez pour l’essentiel. En particulier, dans le cadre de la politique générale d’aide aux victimes, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place.

Dans chaque département, le correspondant départemental « aide aux victimes » de la sécurité publique s’efforce d’améliorer l’accueil, de développer les relations avec les associations et de regrouper un certain nombre de renseignements. Au niveau local, 220 bureaux de la mission d’aide aux victimes sont répartis sur 82 départements. Par ailleurs, on compte 158 postes d’intervenants sociaux, dont 15 sont mutualisés entre la police et la gendarmerie, ce qui répond peut-être à certaines préoccupations qui ont été formulées à cet égard. Enfin, le partenariat avec les associations d’aide aux victimes s’est développé, puisque 158 permanences d’associations existent dans 126 circonscriptions de police.

Au-delà de ces chiffres, madame André, je souhaite apporter une double précision sur le FIPD, à la suite des observations que vous avez formulées.

Premièrement, vous avez oublié de le rappeler, sans doute par manque de temps, c’est la majorité qui, en 2007, a créé le FIPD, auquel vous êtes aujourd’hui très attachée. Très honnêtement, je ne me souviens pas de la manière dont cette initiative de la majorité avait été accueillie sur les différentes travées de cet hémicycle, mais ce que je sais, c’est qu’auparavant il n’y avait rien !

Deuxièmement, en 2010, le FIPD a été doté de 50 millions d’euros au total, dont font partie les 30 millions d’euros auxquels vous avez fait allusion et qui sont consacrés à la vidéoprotection.

Pour 2011, j’ai demandé que le FIPD soit doté du même montant qu’en 2010, ce qui devrait permettre de maintenir le niveau des crédits.

Je rappelle également que le réseau « droits des femmes et égalité » est financé non seulement par le FIPD mais aussi par le ministère des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions. Il convient toutefois de bien comprendre l’inquiétude des associations, qui ont déjà observé que les centres d’accueil de femmes victimes de violences font l’objet de diminutions de crédits.

Ces centres bénéficient également, vous avez raison de le souligner, de sommes provenant du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, service dirigé aujourd’hui par un délégué interministériel.

Mais c’est bien au sujet des ressources issues du FIPD que subsiste une crainte. Je me tiens à votre disposition pour vous donner la liste des associations se plaignant de recevoir de ce fonds des crédits minorés. Il s’agit notamment de lieux d’écoute destinés aux hommes violents et qui sont, selon nous, nécessaires pour faire évoluer les comportements. Car on peut fort bien imaginer que si un homme violent ne peut plus se déchaîner sur la compagne dont il est séparé, il risque de récidiver sur une nouvelle compagne. Nous avons, croyez-le bien, des dossiers très fournis, qui font état de situations extrêmement difficiles.

Les ressources allouées par le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes ne sont pas en cause puisque nous avons réussi, en loi de finances, à les augmenter légèrement pour ce qui concerne les projets conduits par les associations. Ce sont bien les crédits issus du FIPD qui posent problème.

Il importe – nous avions développé ce point lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2011 – de ne pas toucher à ces crédits, qui ne représentent que 3, 2 millions d’euros, afin de ne pas réduire les sommes dont disposent les associations. En effet, vous le savez bien, monsieur le ministre, face à une diminution des crédits de l’État, la tentation est grande, pour les collectivités, de suivre la même voie.

Il faut vraiment faire en sorte que les associations ne voient pas leurs crédits alloués par le FIPD diminuer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je souhaite revenir une nouvelle fois sur le dossier des violences faites aux femmes et ajouter quelques éléments aux propos de ma collègue Michèle André, auxquels je m’associe pleinement.

Vous avez parlé, monsieur le ministre, des violences physiques et des homicides. Toutefois, il ne faut pas oublier tout ce qui, dans ce contexte, relève de la violence psychologique, tout aussi dangereuse et beaucoup plus insidieuse parce que beaucoup plus difficile à repérer.

Conservons également à l’esprit que ce type de violences touche non pas uniquement les femmes, mais aussi les hommes.

Si l’on veut vraiment protéger les victimes – contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, nous nous intéressons, nous aussi, aux victimes, et j’en ai d’ailleurs parlé dans la discussion générale –, prendre en charge les auteurs de violences, distinguer clairement les uns et les autres, ce qui n’est pas toujours évident, notamment lorsqu’il s’agit de violences psychologiques ou d’emprise psychologique, car la première approche est loin d’être toujours la bonne, il est indispensable de mettre en place, dans tous les commissariats et toutes les gendarmeries, un victimologue, c’est-à-dire un psychologue ou psycho-criminologiste spécialisé dans ce genre de situations, qui permettra de démêler le vrai du faux.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de 158 postes d’intervenants sociaux. Ce maillage constitue, certes, un premier pas, mais il est à mon sens nettement insuffisant, d’autant que, en matière de prévention de la délinquance, il importe de ne pas oublier les enfants, qui, élevés par ces couples pathologiques, ne réussissent pas à se structurer. Un tiers d’entre eux, à un moment ou à un autre, plonge dans la délinquance de façon plus ou moins grave.

Enfin, face à ces violences, il nous faut également nous pencher sur la question de la protection des personnes vulnérables et des personnes âgées. On constate en effet des phénomènes de violences psychologiques et d’emprise exercées à l’encontre des parents âgés, personnes particulièrement vulnérables, par leurs enfants, leurs gendres ou leurs brus.

Il s’agit donc d’un dossier extrêmement important, pour lequel nous connaissons les solutions à apporter : je le répète, il s’agit de mettre en place des postes de victimologues dans tous les commissariats et dans toutes les gendarmeries.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Tous deux sont présentés par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 4 est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Les missions prioritaires assignées à la police nationale et à la gendarmerie nationale pour les années 2010 à 2013 sont les suivantes :

- La lutte contre les violences faites aux personnes, en particulier les plus vulnérables ;

- La lutte contre les violences urbaines et l'économie souterraine ;

- La lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et la grande délinquance économique et financière ;

- La lutte contre les atteintes aux biens et la délinquance quotidienne ;

- La lutte contre l'insécurité routière ;

- La lutte contre les filières d'immigration irrégulière ;

- La protection du pays contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation ;

- Le maintien de l'ordre public ;

- L'accueil, la prise en charge et l'accompagnement des victimes.

II. - Constituent les orientations permanentes de la politique de sécurité :

- L'extension à l'ensemble des territoires prioritaires d'une police de quartier répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité ;

- La prévention des atteintes aux personnes et aux biens par la dissuasion, le renseignement et la coopération avec l'ensemble des partenaires de la politique de sécurité ;

- Le développement de l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure ;

- Le renforcement de la coopération entre la police, la gendarmerie et la douane dans leur action en faveur de la sécurité ;

- La responsabilisation des personnels de direction et de commandement et l'adaptation constante des stratégies territoriales de sécurité élaborées sous leur direction au plus près des besoins ;

- L'affectation des policiers et gendarmes aux missions concourant directement au maintien ou au renforcement de la sécurité ;

- L'évaluation constante de l'efficacité des forces de sécurité en fonction du service rendu à la population, de l'efficacité répressive mesurée par le taux de déferrement à la justice, de l'évolution de la criminalité mesurée par les enquêtes de victimation ;

- Le renforcement de la coopération internationale en matière de sécurité, à partir des engagements internationaux et européens auxquels la France a souscrit ;

- L'adaptation des modes d'organisation et de gestion des ressources humaines et matérielles des services ;

- La mise à jour et le développement de nouveaux systèmes d'alerte des populations.

L'amendement n° 5 est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

et les moyens

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Je partage l’étonnement de notre collègue Éliane Assassi. En effet, dans ce texte qualifié de « projet de loi d’orientation et de programmation », à l’exception de l’article 1er – et encore celui-ci ne fait-il que renvoyer à un rapport annexé –, aucun des articles n’a à voir quoi que ce soit avec une orientation ou une programmation : j’ai l’impression que nous sommes devant un cas d’usurpation d’identité !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je souligne également à mon tour que le rapport annexé n’a pas de valeur normative et n’aura pas force de loi. Les engagements que vous auriez dû prendre, monsieur le ministre, ne seront pas opposables demain.

En dénaturant ainsi une loi d’orientation et de programmation, vous ruinez même l’esprit de la loi !

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il aurait été préférable d’intituler ce texte « loi portant diverses dispositions sécuritaires ». Ainsi, il n’y aurait pas eu d’usurpation d’identité : vous auriez été fidèle à ce qui constitue le cœur de votre texte, au lieu de promettre ce que vous ne tiendrez pas.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait observer tout à l’heure qu’il ne fallait pas supprimer l’article 1er et le rapport annexé au prétexte qu’il deviendrait alors impossible d’affecter les crédits. Mais comment avez-vous fait pendant trois ans ? Les dispositions de la LOPSI 1 s’éteignaient en 2008 et nous sommes en 2011 : cela fait donc trois exercices budgétaires que l’on affecte les crédits sans aucune loi d’orientation et de programmation, et personne n’y a encore trouvé à redire ! Il pourrait donc en être de même encore dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Alors, un peu de cohérence, s’il vous plaît !

On comprend bien pourquoi la programmation est absente de ce projet de loi : les moyens ne sont pas véritablement arrêtés ; mais je reviendrai sur ce point ultérieurement.

Il en est de même pour ce qui est de l’orientation. Vous parlez d’orientation et, dans le même temps, vous annoncez que vous allez confier à des personnalités le soin d’élaborer un Livre blanc sur la sécurité publique pour les dix années à venir et mettre en place quatre groupes de travail chargés de réfléchir sur des sujets majeurs : les missions régaliennes de l’État, la gendarmerie, le rôle des policiers municipaux, etc. C’est très bien, mais vous mettez la charrue devant les bœufs !

N’est-il pas extraordinaire de nous faire voter une loi d’orientation tout en nous expliquant que ce qui permettra de l’éclairer, c'est-à-dire la prospective, ne sera disponible que demain ? Normalement, on commence par faire de la prospective et mener une réflexion sur les principes pour, ensuite, traduire les pistes retenues en orientations ; on ne fait pas l’inverse !

Je conclurai sur la notion de performance en résumant mon opinion en une phrase : vous réinventez les histoires de gendarmes et de voleurs. Sauf que, dans votre version, on compte toujours moins de gendarmes et toujours plus de voleurs. Et l’on sait ce qui va en résulter ! Au demeurant, le bilan sur les atteintes aux personnes est déjà assez significatif.

De notre point de vue, un texte de cette nature aurait justifié que la RGPP ne soit pas appliquée à la sécurité intérieure et que les missions dévolues aux forces de l’ordre soient prioritairement orientées vers la lutte contre les violences faites aux personnes. Il aurait également fallu non seulement que soit mise en place une police déconcentrée de proximité agissant sur des territoires définis et qu’il soit tenu compte de la situation des victimes, qu’il faut mieux accueillir et accompagner, mais aussi – c’est un peu ma marotte – que les catastrophes naturelles soient mieux anticipées, grâce au développement d’un nouveau système d’alerte des populations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je rappelle que toutes les lois de programmation sont construites sur le même modèle : elles contiennent des articles législatifs et un rapport annexé. Cela se passe toujours ainsi. C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite que ce rapport soit soumis au vote et adopté par le Sénat.

L'amendement n° 4 vise à dresser une liste des priorités. Le Sénat a déjà rejeté un amendement similaire en première lecture après qu’il eut été observé qu’une liste n’est jamais exhaustive. Il ne sert donc à rien d’énumérer les missions prioritaires assignées à la police nationale et à la gendarmerie nationale pour les années 2010 à 2013. C’est le rapport dans son ensemble qui doit être approuvé.

Par ailleurs, l'amendement n° 5 tend à supprimer la mention des moyens s’agissant du rapport. Or cette précision est indispensable.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 58 du rapport annexé, seconde phrase

Remplacer le mot :

équivalent

par le mot :

égal

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s’agit de rétablir une disposition que le Sénat avait adoptée en première lecture.

Nous avons parfaitement conscience que le rapport annexé au projet de loi, qui vaut programmation des objectifs et des moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013, n’a pas de valeur normative. Toutefois, le choix des mots demeure important et la Haute Assemblée avait été sensible à notre argumentation en première lecture.

Le droit à la sécurité ne peut être conditionné par le lieu d’habitation ou de séjour. Au contraire, nous souhaitons défendre l’égalité au regard du maillage territorial. L’équivalence de protection due à la population n’est pas suffisante : il convient de préciser que l’État est obligé d’assurer un niveau égal de sécurité pour tous et en tout lieu.

Si les problèmes ne sont bien évidemment pas les mêmes sur l’ensemble du territoire national, en revanche, l’objectif qui doit être assigné aux missions des forces de l’ordre dans un tel projet de loi d’orientation et de programmation est d’assurer un niveau égal de sécurité à tous nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En première lecture, le Sénat avait effectivement adopté une telle modification, malgré l’avis de la commission. Dans la mesure où elle n’avait pas été suivie en première lecture, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 99 du rapport annexé, première phrase

Remplacer les mots :

au moins équivalente

par le mot :

égale

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En effet, cet amendement, qui a le même objet que l’amendement précédent, avait lui aussi été adopté par le Sénat en première lecture.

En matière de lutte contre la délinquance, nous considérons que l’État ne saurait en aucun cas s’affranchir de l’impératif consistant à garantir l’égalité de tous les citoyens. Or l’affirmation d’une simple équivalence s’apparente à une obligation de moyens qui, selon nous, n’est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Là encore, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 112 du rapport annexé

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'État pourra alors coordonner avec les collectivités territoriales, lorsque celles-ci subissent les conséquences des redéploiements d'effectifs, des politiques de reconversion immobilière.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise une situation que tous les élus locaux connaissent bien et dont ils déplorent le plus souvent les effets dans leur territoire. Lors de la discussion générale, notre collègue Marc Laménie a tout particulièrement insisté sur l’importance de la présence humaine assurée par la gendarmerie. Or la suppression d’effectifs de gendarmerie en milieu rural a aujourd’hui d’importantes répercussions dans les collectivités territoriales, alors même que celles-ci ont souvent été mises à contribution pour la mise en œuvre de programmes immobiliers accompagnant la création des brigades communautaires.

La réorganisation du maillage territorial rend aujourd’hui totalement inutiles certains des programmes qui ont été lancés, mais les investissements consentis ne seront remboursés que dans vingt ans ou trente ans. Le budget de petites collectivités se retrouve donc grevé par des investissements importants qu’elles n’ont eu d’autres choix que de financer pour une utilisation aujourd’hui réduite à néant.

Cet amendement vise donc à préciser que l’État pourra mettre en œuvre une politique de coordination avec les collectivités territoriales concernées lorsque des redéploiements d’effectifs pourraient conduire à la fermeture de casernes dont la construction ou la rénovation fut assurée sous leur maîtrise d’ouvrage, ce qui est assez fréquent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cet amendement tend à préciser que l’État pourra coordonner avec les collectivités territoriales des politiques de reconversion immobilière. Le problème se pose pour la commune qui construit une caserne de gendarmerie alors que celle-ci est supprimée. Il est évident que, une fois que le bâtiment est désaffecté, la commune peut aussi donner à bail les logements qui avaient été prévus pour les gendarmes. Il n’en demeure pas moins que cela reste une charge pour l’État. Aussi la commission s’en remet-elle à l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Les réorganisations territoriales s’accompagnent d’une large concertation. Je demande systématiquement aux préfets de consulter les maires et les parlementaires. J’ai d’ailleurs moi-même procédé à de telles consultations ce matin même. Très concrètement, je ne crois pas utile de faire figurer cette disposition dans le rapport annexé.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l'ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.

L'article 1 er et le rapport annexé sont adoptés.

À partir de 2011 et tous les deux ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux, circonscription par circonscription pour la police nationale, brigade par brigade pour la gendarmerie nationale, de la répartition territoriale actuelle des effectifs chargés des missions de sécurité publique, en tenant compte de leur statut et de l’ancienneté.

Il présente les préconisations du Gouvernement pour résorber la fracture territoriale existante, redéployer les forces prioritairement vers les territoires les plus exposés à la délinquance, mettre fin à l’utilisation des personnels actifs dans des tâches administratives. –

Adopté.

Chapitre II

Lutte contre la cybercriminalité

Après l’article 226-4 du code pénal, il est inséré un article 226-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 226 -4 -1. – Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 6, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’article 2 crée un nouveau délit d’usurpation d’identité commise sur Internet.

Nous prenons acte des modifications adoptées en commission qui suppriment la notion trop vague d’« atteinte aux intérêts d’une personne » et qui reviennent sur l’aggravation des peines encourues en cas d’usurpation d’identité. On repasse ainsi de deux ans d’emprisonnement et 20 000 euros d’amende à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Cette observation générale ne change cependant rien au jugement d’ensemble que nous portons sur l’article 2. C’est pourquoi, comme en première lecture, nous déposons un amendement de suppression de cet article.

Nous ne sous-estimons pas pour autant la réalité et les conséquences néfastes et traumatisantes des cas d’usurpation.

On considère en effet que, en France, plus de 200 000 personnes sont chaque année victimes d’une usurpation d’identité. Par ailleurs, on évaluait à 400 000 en 2009, en France, le nombre d’usurpations d’identité sur Internet. Nous devons nous montrer d’autant plus vigilants qu’il existe des liens parfois étroits entre l’usurpation d’identité et le crime organisé ou le terrorisme.

Toutefois, qu’apporte une telle disposition, si ce n’est pour ajouter la référence à Internet et montrer que les pouvoirs publics agissent, quand le droit en vigueur apporte déjà des réponses suffisantes ?

Les pratiques d’usurpation d’identité sont d’ores et déjà susceptibles d’être réprimées sur le fondement du délit d’escroquerie, du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, de la diffamation.

Je constate enfin que la commission des lois du Sénat a nommé un rapporteur sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité de MM. Lecerf et Houel. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur le fond, mais cette proposition de loi, qui vise à équiper les cartes nationales d’identité d’une puce électronique sécurisée, présente au moins l’avantage d’agir en amont afin de lutter efficacement contre une pratique qui ne cesse de se développer.

Le droit positif couvre l’ensemble des usurpations d’identité susceptibles de porter préjudice à la personne. Qu’elles soient commises par le biais d’Internet ne change rien. Le présent article est dont superfétatoire et apparaît davantage comme une mesure d’affichage. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous invitons à le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'article 2 crée un délit punissant les usurpations d’identité commises dans le but de porter atteinte à la tranquillité ou à l’honneur d’une personne. Aujourd'hui, de tels faits ne sont réprimés que lorsque la personne dont l’identité a été usurpée a, de ce fait, encouru des poursuites pénales.

Cet article comble donc bien un vide juridique, comme nous l’avions souligné en première lecture. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Tous trois sont présentés par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche

L'amendement n° 77 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 226-4-1. - Le fait d'usurper sur un réseau de communication électronique l'identité d'une personne physique ou morale ou une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de lui nuire intentionnellement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

L'amendement n° 75 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier

L'amendement n° 76 est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter ces trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec ces trois amendements, nous voulons préciser et circonscrire le champ d’application du délit d’usurpation d’identité sur un réseau de communications électroniques.

Dans la rédaction actuelle de l’article, cette infraction concerne toute atteinte à la tranquillité, à l’honneur et à la considération d’une personne.

A priori, il s’agit là d’un triple objectif parfaitement légitime. Toutefois, la rédaction retenue ici est assez vague et susceptible de permettre une interprétation extensive, voire abusive, qui pourrait être attentatoire aux libertés.

Le champ de l’infraction demeure extrêmement vaste puisque celle-ci est caractérisée dès la moindre atteinte à la tranquillité d’une supposée victime. Outre qu’un tel délit peut d’ores et déjà être sanctionné par le droit existant, le terme « considération » ne se trouve dans aucun texte juridique. La possibilité laissée à un magistrat de définir le terme « considération » serait contraire aux exigences constitutionnelles de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Au-delà du fait que cette formulation n’épuise pas la compétence législative, il faut croire que les craintes que reflète cet article sont ailleurs.

Faut-il rappeler que, dans notre pays, le délit d’outrage est devenu ces dernières années un délit « en vogue », si j’ose m’exprimer ainsi ? En effet, de 17 700 faits enregistrés en 1996, nous avons aujourd’hui passé la barre des 32 000. Et cette inflation, supérieure à 40 %, pose des questions cruciales de société dans le contexte actuel du « tout-répressif ».

À l’heure où le Président de la République use pour la première fois du délit d’outrage au chef de l’État pour le simple port d’un masque à son effigie ou pour la répétition d’une phrase qu’il a lui-même prononcée, on peut légitimement s’inquiéter des conséquences de cet article.

Les députés de l’UMP ont répondu à leurs collègues sénateurs que cet article ne devait pas donner lieu à un débat, car il fallait « faire confiance aux juges ». Vu que nous nous leur faisons confiance et pas vous, chers collègues, nous estimons que nos craintes peuvent être fondées. Tel est le sens de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

S’agissant de l’amendement n° 77, je rappellerai que, en première lecture, le Sénat a validé l’extension du champ de ce délit à l’ensemble des hypothèses de la vie courante dans lesquelles l’identité d’une personne peut être usurpée à des fins malveillantes.

En outre, la rédaction issue des travaux de notre assemblée, qui a introduit explicitement la notion d’usurpation, permet de caractériser suffisamment l’intention délictueuse de l’auteur de l’infraction.

Sur ce point, il me semble que le texte adopté par la commission est parvenu à un bon équilibre. J’émets donc un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 75, les inquiétudes des auteurs de l’amendement n’ont pas lieu d’être dès lors que la commission des lois a, en première lecture, expressément introduit le terme « usurpation » dans la rédaction du dispositif. Le but est bien de sanctionner les usurpations d’identité ou données personnelles portant atteinte à la tranquillité ou à la considération d’une personne.

Je rappelle, par ailleurs, que la loi pénale s’interprète strictement. L’avis de la commission est donc défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 76. Les termes d’atteinte à l’honneur ou à la considération sont directement inspirés de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, laquelle vise notamment le délit de diffamation. Il existe une abondante jurisprudence sur ces termes, auxquels les tribunaux correctionnels sont habitués. Là encore, l’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

(Suppression maintenue)

(Non modifié)

I. – L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

1° Après le quatrième alinéa du 7 du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du code pénal le justifient, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai.

« Un décret fixe les modalités d’application de l’alinéa précédent, notamment celles selon lesquelles sont compensés, s’il y a lieu, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des opérateurs. » ;

2° Au dernier alinéa du même 7 et au premier alinéa du 1 du VI, les mots : « quatrième et cinquième » sont remplacés par les mots : « quatrième, cinquième et septième ».

II. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par Mme Klès.

L'amendement n° 78 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Virginie Klès, pour défendre l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

J’ai déjà évoqué, lors de la discussion générale, ma demande de suppression de l’article 4.

Depuis la première lecture, j’ai reçu de nombreux témoignages, notamment d’associations de victimes et d’associations de lutte contre la pédophilie, évoquant le courage et la « subtilité » – je crois comprendre que ce terme fait référence à mon souci de pédagogie – de mes positions. Sur un sujet aussi sensible, courage et pédagogie me semblent relever du devoir politique.

Nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour dire qu’il faut lutter le plus efficacement possible contre la pédophilie et contre la pédopornographie. Pour autant, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, en matière de cybercriminalité, y compris pour ce qui concerne la lutte antiterroriste, tous les moyens de lutte ont déjà pris en compte l’évolution technologique mise en œuvre par ces réseaux de communication qui se développent d’une façon en quelque sorte parallèle à Internet : ils ne sont reliés à ce dernier que de façon très fugace, par le biais de spams, de trojans ou autres passerelles très éphémères qui infestent aujourd’hui quasiment 25 % de nos ordinateurs privés, à l’insu de leurs propriétaires.

On sait aujourd’hui que le blocage des sites Internet pédopornographiques n’est d’aucune efficacité. Autant vouloir bloquer des avions en plein vol en dressant des barrages routiers !

Il n’est jamais honteux de reconnaître qu’on a eu une idée trop tard. Sans doute le blocage des sites pédopornographiques était-il une bonne idée voilà dix ans ; la technologie alors utilisée était différente. Aujourd’hui, la configuration n’est plus du tout la même. Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez dit que la lutte contre la délinquance devait s’adapter à l’évolution de la délinquance. Eh bien, faisons-le !

Les moyens prévus pour bloquer les sites pédopornographiques, affectons-les ailleurs ! Investissons-les dans une lutte réelle, menée en coopération avec les pays qui nous entourent, en particulier la Russie, où beaucoup de ces sites sont hébergés, afin que les contenus soient retirés, et non pas simplement bloqués et filtrés. Mettons en œuvre des méthodes de recherche pour faire évoluer encore nos technologies et gagner en efficacité.

Déployons aussi des dispositifs réellement efficaces pour lutter contre l’économie souterraine. En effet, aujourd’hui, 40 % des bénéfices de la pédopornographie retournent au système financier et à certaines banques, ne serait-ce que par le biais des cartes prépayées anonymes. Il y a assurément là beaucoup à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 78.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La lutte contre la pédopornographie est absolument nécessaire, nous sommes tous d’accord sur ce point.

Le problème, c’est l’efficacité, comme l’a très bien dit Mme Klès, qui avait déjà avancé de nombreux arguments en première lecture. Malheureusement, il n’en a été apparemment tenu aucun compte.

Les fournisseurs d’accès sont aujourd’hui dépassés par les possibilités de contournement, qui permettent au trafic d’images pédopornographiques de prospérer en marge des réseaux que vous visez.

Inefficace au regard de l’objectif que vous lui fixez, la méthode que vous employez pour lutter contre la pédopornographie peut, en revanche, avoir des effets autres : par exemple, le filtrage va cibler les serveurs ou hébergeurs et non les pages incriminées, faisant courir un risque de surblocage et d’erreurs en grand nombre.

Le cas de Wikipédia en Australie devrait tout de même conduire le législateur français à s’interroger sur les risques encourus. Le célèbre site d’encyclopédie en ligne y a en effet été bloqué en application du principe, repris par la LOPPSI, de filtrage des contenus pédopornographiques. Ce pays étend désormais le filtrage à beaucoup d’autres contenus que la seule pédophilie. Nous y voyons une source supplémentaire d’inquiétudes, car il s’agit, en réalité, d’un contrôle des internautes.

L’Allemagne, qui s’était également dotée de ce même dispositif, y a renoncé en raison du nombre d’erreurs commises dans le jugement des caractères pédopornographiques des sites « blacklistés » : sur 8000 sites filtrés, seulement 100 recelaient des contenus pédopornographiques, soit 98, 75% d’erreurs.

Nous pourrions prendre en compte l’expérience de ces pays pour réfléchir à d’autres formes de contrôle de la pédopornographie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Ces deux amendements ont déjà été rejetés par le Sénat en première lecture.

L’Assemblée nationale et le Sénat s’étant accordés sur le principe qui sous-tend cet article, la commission maintient son avis défavorable. Le dispositif proposé portera ses effets dans le cadre d’une coopération internationale déjà engagée à l’échelle européenne. Plusieurs pays – Danemark, Royaume-Uni, Suède et Pays-Bas – ont, en effet, adopté le principe d’un blocage d’accès aux sites de pédophilie.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je voudrais apporter mon soutien à ces deux amendements. Bien sûr, il n’est pas facile de défendre la suppression de l’article 4 et, au prix d’une certaine mauvaise foi, on peut à bon compte ironiser sur une telle position. Il reste que ces amendements ouvrent une réflexion de fond.

Tout le monde est contre la pédopornographie. Tout le monde considère qu’il faut mener un combat sans merci contre ces sites. Cette conviction commune doit être affirmée avec beaucoup de force.

Pour autant, cela ne nous dispense pas d’une réflexion pour savoir si nous n’allons pas vendre de l’illusion. Car n’est-ce pas vendre de l’illusion que de dresser des lignes Maginot qui, aussitôt édifiées, vont être contournées ? Les techniques ne vont-elles pas plus vite que les interdictions ?

Initialement, je n’étais pas nécessairement favorable à ces amendements, mais j’ai été sensible à un argument qui vient d’être avancé : qu’un site aussi important que Wikipédia fasse, dans un pays, l’objet d’un surblocage donne tout de même à réfléchir ! Et qu’on ne vienne pas nous dire que, aujourd’hui, ce n’est pas possible ! Le surblocage de Wikipédia en Australie s’est fait au nom de la lutte contre la pédopornographie, alors que ce site n’a évidemment rien à voir avec de telles images.

Le Gouvernement nous propose une solution, et je voudrais l’en féliciter. Mais encore lui faut-il reconnaître qu’elle n’a qu’une efficacité très limitée et qu’elle ouvre des risques de surblocage.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 79, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère pornographique le justifient, l'autorité administrative saisit l'autorité judiciaire qui peut prescrire la notification aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai.

II. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorité administrative expose dans sa saisine les raisons pour lesquelles les mesures visant à empêcher l'accès au service incriminé sont nécessaires. L'autorité judiciaire se prononce sur le caractère illicite du contenu incriminé et contrôle la proportionnalité de la mesure ordonnée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Conformément aux termes de l’article 66 de la Constitution, qui pose le principe du respect de la sûreté personnelle et qui délègue cette tâche, par essence pénale, au juge judiciaire, nous considérons qu’il revient à ce juge, gardien des libertés, de se prononcer sur des mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté de communication, quelle que soit la gravité de l’infraction supposée.

Pour mémoire, il convient de rappeler que le Conseil constitutionnel a estimé, s’agissant de la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, la loi HADOPI, qu’une connexion ne pouvait être coupée sans décision du juge et qu’une autorité administrative ne pouvait pas prendre une telle décision.

En novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a de nouveau estimé que le parquet français ne satisfaisait pas à « l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif ».

Dans le droit fil de cette jurisprudence, le 15 novembre dernier, la Cour de cassation a également considéré que « le ministère public français ne présentait pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par la Convention européenne des droits de l’homme ».

À l’heure où ces juridictions s’accordent pour remettre en cause la toute-puissance du parquet, il n’est guère possible de la soutenir. C’est pourquoi, conformément à l’article 66 de la Constitution, toute mesure de blocage doit être prescrite par le juge judiciaire, comme nous le proposons.

Par ailleurs, le texte instaure la création d’une liste noire de sites qui se verront privés d’un accès au réseau Internet, liste définie par l’autorité administrative. Mais nous ne disposons que de peu d’éléments pour savoir comment les autorités compétentes pourront actionner la procédure, ces questions ayant été renvoyées à un décret ; il est d’ailleurs particulièrement étonnant que la publicité de cette liste ne soit pas prévue. Selon nous, cette procédure doit être définie par la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 8, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Après les mots :

l'autorité administrative notifie

insérer les mots :

, après accord de l'autorité judiciaire statuant en référé,

II. - Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il organise l'intervention de l'autorité judiciaire ainsi que les conditions de transmission et d'échanges rapides d'informations avec l'autorité administrative. Il détermine également les modalités d'exercice du droit d'accès au traitement de données résultant des notifications administratives par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

Quel est le rôle du juge ? Selon nous, il consiste à prévenir les difficultés qui peuvent survenir et non pas à les constater une fois qu’elles sont apparues. Nous proposons donc que le juge intervienne avant que ne se produise un blocage et nous souhaitons que soit prise, avant tout, une décision du juge judiciaire.

Nous sommes tout à fait en désaccord avec l’interprétation donnée par le rapporteur de la décision rendue récemment par le Conseil constitutionnel, car nous pensons, a contrario, que celui-ci a souhaité l’intervention du juge judiciaire.

On nous objectera qu’un certain temps risque de s’écouler avant l’intervention de la décision du juge judiciaire. Cet argument ne tient pas : il existe aujourd’hui des procédures permettant à un juge d’intervenir rapidement ; je pense au référé, notamment au référé d’heure à heure.

Par ailleurs, ce système de blocage aboutira à l’établissement d’une liste de sites interdits. Cet amendement tend donc à instaurer un droit d’accès indirect de la CNIL afin de permettre aux responsables de sites fichés par erreur de disposer d’une voie de recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

notifie

insérer les mots :

, après accord de l'autorité judiciaire,

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Il concerne l’obligation de soumettre à une autorité judiciaire la décision de suspendre l’accès à Internet.

L’article 4 de ce projet de loi vise un objectif que nous jugeons parfaitement légitime : lutter de manière plus efficace contre la pédopornographie en mettant en œuvre une procédure de notification impliquant les fournisseurs d’accès et en obligeant ces derniers à suspendre les sites Internet litigieux, qui sont le plus souvent basés à l’étranger.

Néanmoins, la procédure prévue par cet article ne nous paraît pas satisfaire aux critères dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme cela vient d’être rappelé.

En l’état actuel de la rédaction, l’autorité administrative pourra intervenir sans contrôle de l’autorité judiciaire pour limiter le droit d’accès à Internet et le droit de diffusion des opérateurs. Or, par la décision du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, sur laquelle les appréciations divergent, le Conseil constitutionnel a affirmé la compétence exclusive de l’autorité judiciaire pour suspendre l’accès à Internet, un droit qu’il qualifie, au passage, de liberté fondamentale.

Par conséquent, il ne peut revenir à l’administration seule, par l’intermédiaire des hébergeurs et des opérateurs de communication électronique, de décider d’empêcher une connexion : ce serait porter atteinte au principe selon lequel une autorisation judiciaire est requise pour toute restriction de l’accès à Internet.

Je pense que, en l’absence de modification de cette rédaction, un certain nombre de conflits ne manqueront pas de voir le jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Ces trois amendements tendent à soumettre la procédure de blocage des sites pédopornographiques à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire.

Nous avons été saisis, lors de la première lecture, d’une proposition similaire. Le Sénat avait alors écarté le principe d’une intervention préalable systématique du juge.

D’une part, compte tenu des modes opératoires des créateurs de ces sites, il faut agir avec une grande rapidité, ce qui ne semble pas compatible avec l’intervention préalable du juge, même lorsqu’il intervient en référé. D’autre part, la décision administrative pourra toujours faire l’objet d’un recours dans les conditions de droit commun.

L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Je me suis déjà exprimé sur ce point devant les deux assemblées ; je n’y reviens donc pas. Je partage l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’amendement n° 79.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Parmi les messages que j’ai reçus et dont je parlais à l’occasion de la présentation de l’amendement n° 7, figurait également cet avertissement concernant le risque de censure abusive, qu’il ne faut pas confondre avec les phénomènes de surblocage.

« Honni soit qui mal y pense », me dira-t-on peut-être, mais j’observe que le rapport annexé à la LOPPSI rapproche, dangereusement à mon sens, les sites pédopornographiques et la radicalisation religieuse. Ce rapprochement me gêne, de même que le refus d’une autorisation judiciaire avant toute décision de restriction de l’accès à Internet.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 10, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un contrôle de la liste des adresses électroniques visées à l'alinéa précédent est effectué mensuellement par un magistrat référent désigné à cet effet par le ministre de la justice.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps pour l’amendement n° 11, qui procède de la même démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 11, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement dépose chaque année sur le bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport dressant la liste des adresses électroniques ayant fait l'objet d'une interdiction d'accès et fournissant un bilan d'application du présent article.

Veuillez poursuivre, monsieur Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’article 4 du projet de loi prévoit que la transmission par le ministre de l’intérieur d’une liste d’adresses électroniques à bloquer, autrement dit un fichier. Une question se pose alors : comment évaluer et éventuellement corriger les risques de surblocage ? Il nous semble que la solution permettant de prévenir ces risques réside dans l’instauration d’un contrôle mensuel de la liste des adresses bloquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 10 tend à confier à un magistrat référent le contrôle a posteriori de la liste des sites bloqués. Cette disposition ne nous paraît pas nécessaire dès lors que la décision de blocage des sites peut faire l’objet d’un recours devant les juges. Elle peut même entraîner un risque de confusion si le juge administratif saisi d’un recours et le magistrat référent créé par cet amendement adoptaient des positions contradictoires.

J’émets donc un avis défavorable, de même que sur l’amendement n° 11.

Debut de section - Permalien
Brice Hortefeux, ministre

Même avis. Je précise qu’un contrôle de périodicité mensuelle nous paraît difficilement réalisable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 9, présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ce dispositif est institué pour une période de vingt-quatre mois à compter de la publication de la loi n° … du … d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. À l'issue de cette période, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation détaillé sur la mise en œuvre du présent article.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il s’agit d’un amendement de bon sens.

Nous allons mettre en place une procédure que nous ne maîtrisons pas et dont nous connaissons mal les effets. Faisons en sorte que cette nouvelle procédure de filtrage soit instaurée à titre expérimental, pour une durée de deux ans, et donne lieu à un bilan d’application sous la forme d’un rapport au Parlement. Nous saurons alors si les résultats obtenus sont aussi efficaces qu’annoncé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cet amendement, déjà présenté en première lecture, vise à ce que le dispositif de blocage des sites pédopornographiques soit mis en œuvre de manière expérimentale pour une durée de deux ans et à ce qu’un rapport soit remis au Parlement à l’issue de cette période.

Comme je l’ai déjà indiqué, ce dispositif, s’il était adopté, obligerait le Parlement à intervenir à nouveau dans deux ans, ce qui paraît lourd et peu efficace face à de telles formes de criminalité. La commission n’est pas hostile, en revanche, au principe d’une évaluation de l’application de l’article, après une période de vingt-quatre mois.

L’avis est donc défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Chapitre III

Utilisation des nouvelles technologies

Section 1

Identification d’une personne par ses empreintes génétiques

I. –

Non modifié

II. – Le deuxième alinéa de l’article 87 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’officier d’état civil informe sans délai le procureur de la République du décès, afin qu’il prenne les réquisitions nécessaires aux fins d’établir l’identité du défunt. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 68, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

prenne

par les mots :

puisse prendre

La parole est à M. François Zocchetto.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

S’il convient de préciser que le procureur de la République est chargé de faire procéder aux opérations nécessaires afin de permettre l’identification des personnes décédées inconnues, l’autorité judiciaire doit disposer en la matière d’une faculté et ne doit pas être dans l’obligation de prendre systématiquement des réquisitions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Cet amendement tend à revenir sur le principe posé à l’article 5 selon lequel le procureur de la République est tenu de prendre les réquisitions nécessaires à l’identification des personnes décédées inconnues. Il est vrai que le fait de maintenir une telle obligation risque de provoquer de réelles difficultés pour les parquets et qu’elle est susceptible d’entraîner des coûts supplémentaires.

La difficulté est ici d’ordre pratique. La commission s’en remet, par conséquent, à l’appréciation du Gouvernement.

L’amendement est adopté.

L’article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 19 janvier 2011, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (195, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (214, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 215, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.