Intervention de Virginie Klès

Réunion du 18 janvier 2011 à 21h30
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès :

J’ai aussi du mal à imaginer que le fait d’insulter ou de ne pas insulter le chef de l’État relève de la sécurité intérieure. Je sais bien que l’article du projet de loi qui traite de ce délit n’est pas examiné aujourd’hui parce qu’il est entériné, mais je me demande s’il a vraiment sa place dans un tel projet de loi de programmation. Il me semblait en outre qu’il était déjà interdit d’insulter le chef de l’État, en sa qualité de dépositaire de l’autorité publique. Quoi qu’il en soit, je ne savais pas que la sécurité en France était tributaire de la création de ce délit si spécifique… Mais on en apprend chaque jour un peu plus !

Cette politique exclusivement tournée vers le durcissement de l’action répressive a pourtant fait la preuve de son inefficacité depuis longtemps. S’il suffisait d’alourdir les peines pour réduire à zéro la délinquance, cela se saurait, et la délinquance aurait disparu depuis longtemps.

Pour revenir sur des aspects plus programmatiques du texte, je constate aussi qu’il ne contient pas grand-chose sur les donneurs d’ordres. La délinquance visée est uniquement la délinquance visible, celle de nos banlieues, de nos rues, de nos villes. En revanche, je n’ai pas constaté que l’on durcissait le ton à l’endroit de l’économie souterraine et des donneurs d’ordre. Je n’ai pas vu beaucoup d’articles tendant à alourdir les peines qu’ils encourent, tout comme je n’ai pas vu beaucoup de dispositions visant les systèmes de blanchiment d’argent, les circuits financiers et toute cette économie souterraine qui, finalement, sous-tend et fait vivre la délinquance quotidienne de nos communes, de nos villes et de nos banlieues, contre laquelle nous souhaitons tous lutter.

À l’instar de certains députés de la majorité, on peut faire complètement abstraction de la cause de cette délinquance. Mais telle n’est pas ma façon de fonctionner. En tant que vétérinaire, quand je m’attaque à un mal, même complexe, j’essaye d’abord d’en isoler la ou les causes, et ensuite de les combattre.

Tant que l’on ne s’attaquera pas sérieusement à ce problème de l’économie souterraine et du financement de la délinquance, on ne luttera pas réellement contre la délinquance, et l’on ne traitera que certains de ses symptômes. Pour prendre l’exemple du trafic de stupéfiants, je vous invite, mes chers collègues, comme je l’ai fait, à aller voir ce qui se passe en Guyane.

Je relèverai, à propos de ce texte, un autre exemple de manque de cohérence et de suivi. Alors que le Premier ministre lui-même avait déclaré les violences faites aux femmes, notamment les violences conjugales, grande cause nationale 2010, qu’a-t-on fait en pratique ? Certes, on a voté une loi en juillet à l’élaboration de laquelle j’ai participé. Mais quels moyens supplémentaires a-t-on donnés aux gendarmes ou aux policiers pour accueillir et orienter correctement les victimes, exception faite des locaux spécifiques prévus pour les victimologues ? Des locaux qui, au demeurant, risquent fort d’être inutilisés, les pouvoirs publics n’ayant pas les moyens d’engager ces professionnels, qui constituent pourtant une brique essentielle dans le processus de construction d’une politique de prévention et de lutte contre cette forme de délinquance que sont les violences conjugales et les violences intrafamiliales.

Quels sont, finalement, les objectifs de ce projet de loi de programmation ? On nous dit que chaque territoire est unique. Certes ! Je constate néanmoins que l’État n’abondera que les dispositifs correspondant à un cadre normé : il faudra répondre aux objectifs du Gouvernement, notamment en matière de vidéosurveillance, pour pouvoir obtenir des fonds et mettre en place des programmes et des actions. Si chaque territoire est unique, pourquoi ne laisse-t-on pas les territoires élaborer eux-mêmes leurs politiques de prévention et de répression de la délinquance ? Pourquoi faut-il absolument se calquer sur un modèle unique, celui du Gouvernement ?

On nous dit que l’on va mieux répartir les forces et renforcer le maillage territorial. Pourtant, il n’est question que de répartition des moyens sur des bassins de délinquance. Où est la prévention dans tout cela ? Chaque fois qu’un phénomène de grande ampleur survient, qu’il s’agisse d’une catastrophe naturelle, d’un événement de grande délinquance ou d’une manifestation du type de celle qui a eu lieu contre la réforme des retraites, vous annoncez, monsieur le ministre, que vous allez résoudre le problème en mettant des moyens à disposition de la zone concernée.

Malheureusement, comme les moyens sont aujourd’hui insuffisants, on prélève des effectifs à d’autres endroits, favorisant ainsi le déplacement des bassins de délinquance. Je n’appelle pas cela mener une véritable politique de lutte contre la délinquance, ni faire de la prévention.

Meilleure répartition des forces et des rôles ? Certes ! Les missions des policiers municipaux, qui étaient jusqu’à présent limitées, vont être étendues. Mais de quelle formation supplémentaire ces policiers bénéficieront-ils ? Ce projet de loi de programmation n’aurait-il pas été l’occasion d’imaginer la création d’une école nationale des polices municipales ?

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