Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure ce débat, je commencerai par me réjouir de la qualité des interventions des orateurs, de leur rigueur et de l’absence de polémique, s’agissant d’un enjeu considérable pour nous-mêmes et pour les pays d’Afrique.
Je poursuivrai en vous faisant part de mon émotion personnelle. J’étais ministre de la défense, lorsque le président Hollande a pris la décision – courageuse, je crois – d’engager les forces françaises au Mali. J’ai présidé aux obsèques du chef de bataillon Damien Boiteux, premier tombé, dès le premier jour de l’intervention Serval. Je me souviens avoir inauguré dans les jardins de la résidence de l’ambassade de France à Bamako la stèle sur laquelle ont été inscrits au fil du temps les noms des cinquante-neuf morts pour la France, pour le Mali et pour notre sécurité.
J’avoue ressentir à la fois de la tristesse et de la colère, lorsque je constate que les autorités qui se sont imposées par la force au Mali n’éprouvent pas de reconnaissance pour ces actions, pour notre soutien, ou lorsque j’entends nos propres forces être traitées de « forces d’occupation », voire de « mercenaires » par ceux dont les prédécesseurs ont appelé la France au secours à un moment particulièrement dramatique. La présence française a permis d’éviter que le Mali ne devienne un État djihadiste.
Voilà ce que je tenais à vous dire, au moment précis où nous avons pris une décision de réarticulation de nos dispositifs, qui passe par l’abandon de nos positions initiales au Mali.
Je ne reviendrai pas sur toutes les interventions, seulement sur quelques points qui m’apparaissent utiles pour contribuer à éclairer la situation.
Monsieur Retailleau, permettez-moi de revenir sur le calendrier, dans lequel il est toujours un peu difficile de se retrouver. Le surge, c’est au sommet de Pau, en janvier 2020 ; le sursaut civil, c’est à N’Djamena, en février 2021. Il s’agit de deux étapes différentes. La décision de réduction a été prise en juin 2021 et la décision de reconfiguration vient d’être prise.
Au-delà des aspects militaires et des questions d’adaptation, sur lesquels je reviendrai dans un instant, il y a un sujet dont on ne parle plus jamais, alors qu’il me paraît essentiel : si échec il y a, c’est celui de l’accord d’Alger.
Monsieur Gontard, il existe une solution politique : c’est l’accord d’Alger, qui a été signé en 2015 par l’ensemble des acteurs. Cet accord, obtenu après des négociations menées par la diplomatie algérienne, validé par le Conseil de sécurité des Nations unies et soutenu par l’Union africaine, prévoyait la réintégration des groupes armés signataires dans les forces maliennes, une décentralisation, une mise en valeur des capacités du nord du pays. Une solution politique est donc sur la table !
Nous devons nous interroger : comment se fait-il que l’accord d’Alger, solution politique intervenue peu après le début de l’opération Serval, soit resté lettre morte ? Certains ont intenté un procès tout à l’heure, mais les responsabilités sont peut-être à chercher du côté de ceux qui n’ont pas voulu mettre en œuvre cet accord. La question demeure.
Si la situation est celle que nous connaissons aujourd’hui, c’est bien parce qu’il n’y a pas eu de volonté de mettre en œuvre l’accord d’Alger. J’ajoute pour répondre à une remarque du président Cambon : je ne crois pas qu’il y ait eu de refus de la diplomatie algérienne ; il me semble plutôt que l’inertie a été telle que tout le monde a abandonné !
J’ai régulièrement participé à des réunions au cours desquelles il était question de mettre en œuvre cet accord, mais rien ne se faisait réellement. Je pense que la cause de l’échec – on n’en parle pas assez – est bien là. Reste à en identifier les responsables. Je le dis, les anciens responsables politiques maliens – pas la junte, dont j’ai dit tout ce que je pensais – portent une lourde responsabilité à cet égard. Il faut appeler les choses par leur nom !