Nous avons le plaisir d'accueillir M. Luc Lallemand, président-Directeur général de SNCF Réseau, afin d'évoquer le projet d'actualisation pour la période 2021-2030 du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État.
Comme vous le savez sans doute, nous avons eu l'occasion d'entendre la semaine dernière le président de l'Autorité de régulation des transports (ART), M. Bernard Roman, ainsi que plusieurs nouveaux entrants sur ce sujet.
Ce contrat était attendu depuis plusieurs années. D'abord, parce que, comme nous l'a indiqué Bernard Roman, le précédent contrat pour la période 2017-2026 est rapidement devenu obsolète compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi pour le nouveau pacte ferroviaire. En outre, ce contrat, qui doit en application de la loi, être révisé tous les trois ans, a été soumis à consultation avec plus de deux ans de retard. Je note à cet égard qu'il est censé comprendre l'année 2021, qu'il porte sur la période 2021-2030, alors que nous sommes déjà en 2022 !
Je souhaiterais donc vous interroger sur les conditions dans lesquelles ce contrat a été élaboré. Avez-vous réalisé un bilan du précédent contrat ? Si oui, dans quelle mesure vous êtes-vous fondé sur ce retour d'expérience d'une part et sur les recommandations formulées par le régulateur en 2019 pour bâtir ce nouveau projet, d'autre part ? Dans son communiqué de presse publié la semaine dernière, l'ART regrettait que ses 29 recommandations n'aient été prises en compte que marginalement.
J'en viens à présent au contenu de ce projet de contrat. Ce document est particulièrement stratégique. Il doit mettre en oeuvre la politique de gestion du réseau ferroviaire et la stratégie de développement de l'infrastructure ferroviaire, dont l'État définit les orientations. Il doit notamment préciser les objectifs de performance, de qualité et de sécurité fixés à SNCF Réseau, les orientations en matière d'exploitation, d'entretien et de renouvellement du réseau, les indicateurs de suivi de l'état de réseau, mais encore la trajectoire financière du gestionnaire d'infrastructure. Il s'agit donc d'un outil de pilotage essentiel pour atteindre les objectifs de report modal vers le fer que nous avons votés dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021.
Pourtant, de l'avis de nombreux acteurs, à commencer par le régulateur, ce projet de contrat est une occasion manquée de lancer une véritable politique industrielle de modernisation du réseau.
Si l'on analyse la trajectoire financière, il est indéniable que d'importants efforts ont été réalisés, avec notamment la reprise de 35 milliards d'euros de dette et l'objectif d'atteindre un indicateur qui permet de mesurer le flux de trésorerie (cashflow) positif en 2024. Si l'on peut se féliciter de cette trajectoire, il est à craindre que le retour à l'équilibre financier conduise à limiter les efforts de renouvellement et de modernisation du réseau. Or, cette situation est susceptible de générer de nouveaux surcoûts pour le gestionnaire d'infrastructures.
En matière de renouvellement, l'effort semble insuffisant et ne porte que sur le réseau le plus structurant. Quant à la modernisation du réseau, les montants manquent cruellement pour le développement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) et de la commande centralisée du réseau.
Aussi, pourriez-vous, Monsieur le président-directeur général, nous expliquer pourquoi ces choix ont été retenus ? En outre, nous confirmez-vous qu'ils sont, en l'état, incompatibles avec les objectifs de développement de la part modale du transport ferroviaire de voyageurs et de fret ? À titre d'exemple, Bernard Roman nous révélait la semaine passée que si le projet de contrat mentionnait l'objectif de doublement du fret ferroviaire d'ici 2030, il se basait en réalité sur un développement des trafics de seulement 20 %.
Par ailleurs, le contrat prévoit une importante hausse des péages, sans prévoir, en contrepartie, de refondre leur structure pour en assurer la soutenabilité. Une telle réflexion est-elle prévue et serait-elle souhaitable d'après vous ? Ne craignez-vous pas que cette trajectoire décourage certains opérateurs ?
Je souhaiterais également vous interroger sur les indicateurs de performance industrielle qui sont également, de l'avis de plusieurs acteurs, insuffisants. La définition de cibles de productivité en valeur absolue ne risque-t-elle pas de conduire à un ajustement du programme de SNCF Réseau afin d'atteindre ces objectifs ? Comment ces indicateurs ont-ils été définis ?
Enfin, pourriez-vous nous indiquer quelles suites seront données à ce projet de contrat ? Des consultations ont été réalisées auprès du régulateur et des différentes parties prenantes. Compte tenu des critiques nombreuses, ce contrat sera-t-il modifié pour prendre en compte le résultat des consultations ?