Je vous remercie beaucoup pour votre invitation et votre accueil. Je sais toute l'attention que le Sénat en général et votre commission en particulier portent au secteur ferroviaire en raison du rôle qu'il joue dans la transition écologique et le développement des territoires.
Avant toute chose, je souhaiterais vous apporter quelques informations sur l'évolution générale de l'entreprise et ses résultats. En premier lieu, la ponctualité s'est améliorée de 1,8 point en 2021 par rapport à 2019. En outre, 2,2 % de trains supplémentaires sont partis à l'heure. La ponctualité spécifique de SNCF Réseau s'est améliorée de 0,7 point en 2021 par rapport à 2020 et nous sommes parvenus à réduire le nombre de restitutions tardives de chantiers de 36 % par rapport à 2019.
En deuxième lieu, nous avons réhabilité, en partenariat avec une série de co-financeurs, une douzaine de lignes de desserte fine du territoire. Je pense que c'est un excellent signal par rapport aux préoccupations du pacte ferroviaire.
En troisième lieu, je voudrais rendre un hommage appuyé au personnel de SNCF Réseau, qui dans des circonstances très compliquées liées à la Covid-19, a réalisé un travail remarquable, en faisant en sorte qu'il n'y ait pas de handicap opérationnel, notamment en termes de réalisation des chantiers ou des opérations de maintenance et de circulation. De véritables petits miracles sont réalisés par nos équipes sur le terrain.
Quatrièmement, il est bien trop tôt pour crier victoire, mais je vous confirme que SNCF Réseau est sur la trajectoire du redressement. Jusqu'en 2019, SNCF Réseau perdait plus de 2 milliards d'euros par an. Il convient de distinguer trois balises importantes de redressement de cette trajectoire. Dès 2022, un objectif spécifique de cashflow a été fixé : le Groupe SNCF, en consolidé, ne pourra plus perdre d'argent. SNCF Réseau prend sa part dans cet effort global du groupe. Deuxième balise : en 2024, la société anonyme SNCF Réseau ne pourra plus perdre d'argent, son cashflow devant être égal à zéro. Cela signifie qu'elle ne pourra pas dépenser plus que ce dont elle dispose en caisse, sur une base annuelle. Troisième étape du redressement : en 2026, le ratio dette sur marge opérationnelle doit être inférieur ou égal à 6. Notre budget 2022 affiche cette ambition de retour à l'équilibre. Nous avons encore énormément de travail à accomplir.
Ces premiers éléments ayant été exposés, je voudrais me concentrer sur le projet de contrat de performance, en partageant d'emblée avec vous deux convictions que SNCF Réseau a portées tout au long des négociations. La première tient à la modernité, au caractère ultracontemporain du ferroviaire. Les jeunes générations - très engagées pour l'environnement - veulent plus de trains, moins de voitures et moins d'avions. De fait, le ferroviaire est un mode de transport qui économise trois grandes ressources : le carbone, l'énergie et l'espace foncier. La seconde conviction est relative à la nécessité pour le ferroviaire de construire une assise économique solide. Le ferroviaire ne se développera pas sur l'accumulation des déficits et de la dette, comme ce fut trop souvent le cas par le passé. Il se développera sur des ressources pérennes et un gestionnaire de réseau capable d'équilibrer les cashflows. C'est tout le sens aussi du pacte ferroviaire de 2018. C'est aussi pourquoi j'ai fait du retour à l'équilibre financier l'un des axes prioritaires de mon mandat.
C'est à l'aune de cette double conviction qu'il faut lire le projet de contrat de performance. Il trace une double transition : la première est une transition vers un nouveau développement du ferroviaire, avec un socle de rénovation de près de 3 milliards d'euros par an sur le réseau structurant classique. En 2021, nous avons exécuté un budget de régénération de près de 2,82 milliards d'euros. Ce budget est porté à 2,85 milliards d'euros en 2022. La seconde transition vise un équilibre économique durable, avec un effort important de l'État et un engagement de performance de SNCF Réseau de 1,5 milliard d'euros.
Quels sont les choix affichés dans ce projet contrat de performance ? Premièrement, le projet de contrat de performance est centré sur le réseau existant. SNCF Réseau a souhaité cristalliser un socle de rénovation, celle-ci ne pouvant être une variable d'ajustement des choix de développement. J'insiste très fortement sur ce point, qui est un peu une maladie du ferroviaire en Europe. Il y a autant de noblesse à entretenir le réseau existant et à le maintenir à niveau qu'à construire de nouveaux projets. S'agissant des projets régionaux, à la demande de l'État, notre trajectoire provisionne un niveau très significatif de projets de CPER (1,1 milliard d'euros par an, dont la moitié consacrée à la rénovation et au développement des lignes de desserte fine du territoire). Ces projets de développement seront lancés en plus du contrat s'ils trouvent des financements propres, puisque SNCF Réseau n'a plus ni la vocation ni la capacité à y participer. À ce titre, il ne faut donc pas voir dans ce contrat de performance un manque d'ambition sur les nouveaux projets, puisqu'ils se déclineront au fur et à mesure des conventions signées.
Second choix : le projet de contrat privilégie la qualité sur la quantité. J'y tiens énormément. Partout en Europe, nous sommes les héritiers de magnifiques outils de mobilité que sont les réseaux ferroviaires. La culture cheminote se caractérise par sa volonté de tout faire. Or, lorsque les moyens viennent à manquer, nous avons tendance à tout faire, mais mal. Concrètement, le contrat affiche une ambition d'amélioration de la qualité du service. Il s'agit d'accroître la qualité et la stabilité de la production horaire par une meilleure normalisation des trafics et des travaux, ainsi que de renforcer la régularité des trains, tant les trains de voyageurs que les trains de fret. Pour mesurer les progrès, ce contrat se focalise sur un nombre limité d'indicateurs de haut niveau (j'ai l'habitude de dire que trop d'indicateurs tuent les indicateurs), dont nous rendrons compte à notre conseil d'administration, à l'ART et aux commissions parlementaires, si vous le souhaitez. Ce n'est pas non plus un contrat qui organise le doublement des trafics pour atteindre les objectifs du Green Deal ; il affiche une ambition prudente d'évolution du trafic (+2 % par an en moyenne jusqu'en 2025). Ces prévisions sont assises à la fois sur la mise en service de nouveaux projets (lignes à grande vitesse, EOLE, tram-train...), le développement des services librement organisés, avec notamment l'entrée de nouveaux opérateurs et le développement d'offres des régions. Cette perspective, dont la lecture est nécessairement perturbée par la crise sanitaire, pourra être revue pour la révision de 2024.
Nous savons que la négociation d'un contrat consiste à donner et recevoir. Par définition, un contrat ne représente quasiment jamais un idéal. Pour autant, celui-ci comporte trois grands mérites. Premièrement, il apporte de la visibilité à l'entreprise, à ses fournisseurs et à toutes ses parties prenantes. L'État a apporté son soutien au désendettement à hauteur de 35 milliards d'euros. Nous avons la chance en France d'avoir un plan de relance de 100 milliards d'euros, dont 4,1 milliards d'euros dédiés au réseau ferroviaire français. Cela n'a pas permis de construire de nouveaux châteaux forts, mais a « bouché tous les trous de la Covid-19 », là où d'autres gestionnaires d'infrastructures ferroviaires en Europe ont dû « encaisser le choc » du Covid-19, la réduction des péages, voire des financements publics. Chez SNCF Réseau, nous avons pu continuer à travailler sur la trajectoire prévue lors du pacte ferroviaire de 2018. Outre un effort sur l'investissement, il convient de souligner un effort sur la performance.
Le deuxième mérite consiste à donner de la visibilité à nos financeurs et parties prenantes sur nos besoins de financement. Si nous voulons équilibrer nos comptes et rénover le réseau, nous avons besoin, au-delà de nos efforts de performance, de recettes commerciales supplémentaires, de concours publics et d'une contribution du fonds de concours. Le contrat fait bien ressortir cette exigence de cohérence entre ressources et rénovation. Il comporte un troisième mérite : il a vocation à respirer et à évoluer. Les écarts feront l'objet d'une évaluation annuelle, avec des propositions de redressement qui seront présentées à notre conseil d'administration. Il existe une clause de révision triennale qui garantira la cohérence entre le contrat et le cycle tarifaire. Ce contrat rend possibles d'autres investissements de modernisation dans la mesure où nous parviendrons à réunir des tours de table financiers auprès de l'État, des régions et de l'Union européenne. En outre, ce projet de contrat de performance programme un socle de rénovation important. Pour autant, le Président de l'ART, M. Bernard Roman l'a dit : nous avons devant nous un effort important de rénovation et de modernisation du réseau à conduire. Je continuerai à plaider en ce sens avec toute l'équipe de SNCF Réseau.
Ce contrat offre un socle, mais la France devra à la fois faire plus et bien cibler ses priorités. C'est dans cet esprit que je voudrais rappeler deux éléments. D'une part, le réseau structurant français est deux fois plus âgé que le réseau structurant allemand. Le contrat permet de stabiliser l'âge des grands composants de la voie, mais - hélas - pas de rattraper le terrain perdu pendant 30 ans. En particulier, les installations de signalisation et d'alimentation électrique continuent de vieillir. Notre réseau structurant constitue la colonne vertébrale de tous les trafics. 85 % des TER et 90 % des trafics de fret y circulent. C'est donc également un enjeu régional que de maintenir ce réseau structurant classique à niveau.
Dans un tel contexte, notre ambition doit rester d'offrir une qualité de service améliorée et adossée à un réseau dont l'âge soit a minima stabilisé et si possible rajeuni. Tous les audits montrent qu'il faudra dans la durée augmenter l'effort de rénovation actuel. Cela se prépare, car il faut que l'appareil industriel interne et externe puisse répondre à cette sollicitation. Il convient en outre d'accélérer la digitalisation de l'exploitation, car celle-ci permet à la fois d'améliorer la qualité de service et de réduire les coûts. Je pense notamment à la commande centralisée du réseau, qui permettrait de passer de 2 200 postes d'aiguillage sur tout le réseau à 15 tours de contrôle entièrement centralisées. Ce projet est absolument essentiel pour le pays. Je crois qu'il y a peu de projets engageant la puissance publique qui entraînent un tel retour sur investissement. Notre programme se déploie lentement, mais je dois dire qu'il ne fait pas l'objet d'un financement spécifique permettant de le réaliser dans une période idéalement inférieure à 20 ans. Un coup d'accélérateur serait pertinent, si les financements pouvaient être réunis. Nous continuerons les discussions, la pédagogie et, le cas échéant, les négociations en ce sens.
Les ambitions sont grandes. Je pense qu'elles ont été relevées. La France est vraiment le pays du ferroviaire. Le pays, de par sa taille et son organisation, se prête à merveille à ce moyen de transport. Nous savons aussi, avec la crise sanitaire, que l'argent public est encore plus rare qu'avant. Notre engagement est d'utiliser efficacement et rigoureusement l'argent qui nous est confié pour mettre notre réseau sur la réalisation concrète du Green Deal porté par l'Union européenne et ses États membres.
Je peux à présent répondre aux questions que vous m'avez posées, Monsieur le président.