Intervention de Luc Lallemand

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 16 février 2022 à 9h00
Audition de M. Luc Lallemand président-directeur général de sncf réseau

Luc Lallemand, président-directeur général de SNCF Réseau :

Je commencerai par l'ambition de doublement des trafics évoquée par Jean-Pierre Farandou, président-directeur général du groupe. La réalisation de cette ambition procède par escalier. En premier lieu, il s'agit de veiller au taux de remplissage des trains. Actuellement, le taux d'occupation moyen dans les TER est de l'ordre de 25 à 30 %. L'étape supplémentaire consiste à faire circuler plus de trains partout où la demande se manifeste. Lorsque les infrastructures sont saturées, le gestionnaire a deux possibilités. La première consiste à augmenter la capacité d'une ligne existante sans construire de nouveaux projets. Je prends pour exemple la LGV entre Paris et Lyon, dont l'équipement en ERTMS va permettre d'augmenter la capacité de trois sillons par heure et par sens. Quand on a épuisé toutes les possibilités technologiques ou d'extension de capacités sur les lignes existantes, il faut construire de nouvelles lignes ou de nouveaux projets capacitaires.

S'agissant des nuisances sonores, SNCF Réseau s'inscrit dans la réglementation française en la matière, inspirée de celle de l'Union européenne. Une enveloppe du plan de relance de 120 millions d'euros est affectée à la lutte contre les nuisances sonores. Chaque fois que nous construisons de nouveaux projets, nous y intégrons la limitation des nuisances sonores dès la conception du projet concerné.

Monsieur Favreau, nous vous apporterons par écrit des précisions sur la situation de Saumur. Lorsque l'on examine le modèle économique de SNCF Réseau, il est impératif d'atteindre l'équilibre économique en 2024, en partant d'une situation déficitaire récurrente. L'on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. Avant de demander des efforts aux partenaires, il faut en faire nous-mêmes. C'est la raison pour laquelle le contrat de performance porte le niveau de réduction des coûts et d'amélioration de la productivité de SNCF Réseau à 1,5 milliard d'euros. Parmi les autres efforts à réaliser, il faut considérer que SNCF Réseau ne peut plus engager sur ses moyens propres des financements non assortis d'une certaine forme de retour. Il ne s'agit pas de rentabilité ; il s'agit simplement d'équilibre financier. L'État ne nous demande pas de rémunérer le capital investi. Il s'agit simplement de garantir l'équivalence entre les encaissements et les décaissements. C'est un changement important, mais je n'aime pas le mot « révolution », je lui préfère celui d'évolution. Cette évolution s'accompagne d'un effort de pédagogie auprès des régions. Il convient d'exposer la nouvelle donne économique et financière de SNCF Réseau sans donner l'impression d'un abandon ou d'une provocation. Nous devons transformer un système de financement sur la base d'une feuille de route qui m'a été donnée par le Gouvernement. Nous avons tout de même quatre ans pour ce faire. SNCF Réseau, pour ces projets, se désengage progressivement. Mais le fait que nous revoyons à la baisse nos quotités d'investissement dans les projets ne veut pas dire que les projets ne se réaliseront plus. Simplement, le modèle de financement sera différent.

Nous travaillons d'arrache-pied à la liaison Roissy-Picardie, qui revêt une importance capitale pour SNCF Réseau. Il est effectivement nécessaire de tenir compte des besoins des territoires. Vous savez sans doute que l'un des quatre axes transversaux de stratégie du groupe SNCF tient à l'attention que nous voulons accorder aux territoires. Concrètement, nous avons signé des contrats de performance avec les régions PACA, Nouvelle-Aquitaine, Normandie et Hauts-de-France. La situation dans les Hauts-de-France est difficile, mais le contrat signé porte sur des montants non négligeables. Vous avez posé la question de savoir si nous avons prévu des améliorations. C'est tout l'objet de notre dynamique, dans les Hauts-de-France comme dans les autres territoires.

Ensuite, vous m'avez demandé mon pronostic pour 2022. Je vous dirai que je n'aime pas perdre. Nous avons l'ambition de gagner de l'argent sur ce contrat, et donc, d'améliorer la performance. Je tiens à souligner l'excellente collaboration engagée avec le vice-président de la région et l'ensemble de la région. Dans l'hypothèse où nous aurions mal travaillé, la région ne s'inscrirait pas dans une logique punitive, mais plutôt dans une logique constructive, qui consisterait à réaffecter les moyens à l'amélioration du système ferroviaire. Nous souhaitons améliorer notre performance et notre relationnel dans toutes les régions en tenant compte des besoins des territoires. Vous savez sans doute, Monsieur Lahellec, que j'entretiens d'excellentes relations avec le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard. Dans chaque région, j'ai souhaité, dès que j'ai rejoint SNCF Réseau, donner un signal pragmatique. En Bretagne, nous travaillons à une innovation technologique que nous souhaitons exporter dans d'autres régions, y compris en dehors de la France. Elle consiste à faire circuler deux trains sur un même quai, afin de réduire le temps de correspondance.

S'agissant de la comparaison avec l'Allemagne, je serais tenté de dire que la performance délivrée par la SNCF en France est plutôt exceptionnelle au regard du niveau d'investissement et de la ponctualité. Voudrions-nous plus d'investissements ? La réponse est évidemment oui. Nous nous contenterons des moyens alloués et poursuivrons les efforts en interne pour améliorer cette performance.

Madame Préville, la question n'est pas de savoir si je suis pro-concurrence ou anti-concurrence. Je me conforme sans états d'âme au cadre référentiel français et européen. À ce jour, si l'on regarde le marché, ce sont toujours les opérateurs intragroupe SNCF les plus importants. M. Gillé a évoqué un sentiment d'injonctions paradoxales ; il s'agit en effet d'une spécialité de la gestion des infrastructures ferroviaires - pas seulement en France. Il nous appartient, en professionnels du ferroviaire, de gérer ces injonctions paradoxales pour faire en sorte que les nouveaux entrants circulent sur le sol français dans des conditions d'équivalence de moyens entre eux, c'est-à-dire que le jeu de la concurrence ne soit pas affecté par des décisions de SNCF Réseau qui irait dans un sens ou dans l'autre. Dans le même temps, l'on ne pourra nous reprocher de mener une politique commerciale privilégiant les grands comptes, pourvu que cela ne se fasse pas au détriment d'autres comptes. Il faut donc assurer un équilibre et une équivalence de traitement : respecter la réglementation relative au développement de la concurrence, tout en veillant à ce que les opérateurs historiques ne soient pas désavantagés par rapport aux nouveaux entrants.

Quant à la question d'assurer des services que nous n'assurerions plus, je ne sais pas si votre question portait sur les opérateurs de transports ou les gestionnaires d'infrastructures, dont on sait, par le truchement de l'article 172 de la loi d'orientation des mobilités, qu'ils sont potentiellement en concurrence. Chacun fera comme il le souhaite, selon ses propres ambitions, les moyens capitalistiques qu'il pourra mobiliser et le savoir-faire technologique dont il dispose. Je serais tenté, conceptuellement, de répondre oui à votre question. Chacun, en France ou en Europe, peut assurer des services qu'un opérateur historique ne réaliserait plus, en respectant la législation en vigueur. Monsieur Gillé, il nous appartient de gérer au mieux les injonctions paradoxales. S'agissant notamment des demandes de sillons, plusieurs boucles de feed-back sont nécessaires pour satisfaire les uns et les autres dans ce contexte.

Vous m'avez demandé mon avis sur la relance des nouvelles lignes. Je suis très enthousiaste. Il ne faut pas oublier que la France a inventé le TGV. Pourtant, il n'y a qu'en France que le réseau TGV est aussi critiqué. Je pense que le TGV contribue aux liens entre les territoires et Paris, mais aussi entre les territoires entre eux. Alors que le Gouvernement décide de renouveler les TGV sur les chaînons manquants, je considère que c'est une chance pour la France. Vous pouvez compter sur toute l'équipe de SNCF Réseau pour veiller à ne pas répéter les erreurs du passé, et s'assurer que la finalisation de ce magnifique réseau ne se fasse pas au détriment de la régénération du réseau ferroviaire classique. Notre nouvelle politique financière est très rigoureuse. Pour ne pas créer de dette dans l'année, nous n'accorderons pas d'avance de trésorerie. Chaque euro dépensé doit être financé par plusieurs co-financeurs dans l'année. Dans ce cas-là, je ne me sens pas dans une situation d'injonctions paradoxales.

Monsieur Gold, j'ai la conviction que nous réussirons la rénovation du réseau. Nous sommes très mobilisés pour le remettre en état. Il vous appartiendra de juger, dans quelques mois ou quelques années, si nous avons rempli notre contrat. Monsieur Chevrollier a soulevé la question des moyens humains et matériels pour ce faire. Nous avons besoin de métiers et de formations qui souffrent d'une pénurie. Je pense à tous les métiers de l'ingénierie et aux techniciens, toutes spécialités confondues. Il y a une guerre des talents, car nous sommes en concurrence avec plusieurs acteurs industriels. Si nous avons insuffisamment investi au cours des années précédentes, ce n'est pas seulement par manque d'argent, mais aussi par manque de temps. Les travaux ne peuvent être réalisés qu'entre 1 heure et 5 heures du matin. S'agissant de la transformation sociale, je m'inscris complètement dans la déclaration de Jean-Pierre Farandou quant à l'absence de licenciements. La CCR se fera à mesure des possibilités de départ naturel, notamment les départs en retraite. En aucun cas nous ne procéderons à des licenciements.

Monsieur Belin, s'agissant du développement du TGV dans le sud, je me réfère aux réponses que vous ai déjà formulées au sujet de l'équipement de la ligne Paris-Lyon. L'ERTMS nous permettra de dégager quelques sillons supplémentaires. Ce projet sera délivré en 2025, avec un supplément capacitaire qui donnera un peu d'air aux opérateurs existants ainsi qu'aux nouveaux entrants.

Monsieur Devinaz, vous avez soulevé la question du temps nécessaire pour augmenter la capacité d'investissement. Cette question est sensible pour la gestion journalière de SNCF Réseau. En matière de régénération, notre flexibilité ne dépasse pas 300 à 400 millions d'euros par an.

Madame Filleul, j'ai déjà évoqué la situation dans les Hauts-de-France. Je crois beaucoup à l'intermodalité entre le ferroviaire, le maritime et le fluvial et les moyens de mobilité douce. Si le ferroviaire ne s'inscrit pas dans la complémentarité avec d'autres modes de transport, il n'est pas gagnant. Cette conviction est partagée dans l'ensemble du groupe.

En ce qui concerne la sous-traitance, nous essayons d'établir des compromis raisonnables. D'une part, les organisations syndicales attendent qu'un maximum de travaux soit réalisé en interne. D'autre part, nous avons des impératifs de flexibilité, notamment dans la gestion de projets. Enfin, en fonction des co-financeurs, les moyens peuvent varier assez fortement d'une année sur l'autre. Nous essayons d'absorber les chocs de plans de charge avec la sous-traitance, tout en veillant au maintien de l'emploi et des savoir-faire. Nous ne gérons plus SNCF Réseau sur le nombre d'équivalents temps plein ; nous gérons SNCF Réseau sur un objectif d'équilibre financier plus vaste que le nombre d'équivalents temps plein. Il est vrai que le nombre d'équivalents temps plein a baissé, mais c'est le sens de l'histoire. Nous veillons à la bonne utilisation des deniers publics. SNCF Réseau a pris l'engagement, sur 2020-2022, de réinternaliser 500 équivalents temps plein. Nous essayons donc de maintenir les expertises internes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion