Il y a quelques jours, j'ai présenté les priorités de la PFUE en matière de transports devant le Parlement européen. Toutefois, comme je l'ai précisé à cette occasion, l'Europe se construit également en France, singulièrement au Parlement, donc au Sénat. L'essentiel, pour nous, est d'être à l'avant-garde d'une transition écologique juste et acceptable.
La PFUE nous permet d'avancer dans cette voie en suivant trois priorités.
Notre premier grand thème est la décarbonation. L'objectif est ambitieux : c'est la neutralité carbone à l'horizon 2050. À ce titre, 2030 est un palier intermédiaire très important. Le Conseil « transports, télécommunications et énergie » débat de trois textes dans le cadre du paquet climatique, le Fit for 55.
Le premier texte est le règlement sur les infrastructures de carburants alternatifs (Afir) - pour le transport routier, il s'agit essentiellement des bornes électriques et de l'hydrogène. Un consensus se dégage quant aux principes de haut niveau et la discussion porte sur les spécificités de chaque pays. Nous espérons faire avancer ces sujets très importants à l'occasion du Conseil de la semaine prochaine, à Paris.
Le deuxième texte, le ReFuelEU Aviation, vise à développer les carburants alternatifs au kérosène. La France est bel et bien à l'initiative de ces dispositions. Nous devons faire preuve d'ambition quant au taux d'incorporation des biocarburants, nous assurer que nous avons les moyens de les produire, si possible à moindre coût, à mesure que le volume de production augmentera, et veiller à la compétitivité de nos hubs - il ne faudrait pas favoriser les fuites de carbone. Il y a quinze jours, nous avons signé la déclaration de Toulouse sur la neutralité carbone en 2050, regroupant 42 États, dont les 27 de l'Union, le Japon et les États-Unis. C'est un élément fort de crédibilité pour la trajectoire européenne.
Le troisième texte a trait à la décarbonation du secteur maritime. À Brest, la semaine passée, 18 États ont signé une déclaration pour engager les ports sur la voie de la décarbonation - il s'agit notamment de développer l'électrification à quai. De grands opérateurs et de grandes entreprises se sont engagés à travailler en ce sens. C'est une avancée considérable.
En parallèle, la mise à jour du règlement relatif au réseau transeuropéen de transport (RTE-T) se poursuit. Sont en jeu les grands mécanismes d'interconnexion en Europe, avec des projets emblématiques comme le Rail Baltica, reliant Tallinn à Varsovie, le Lyon-Turin et le corridor maritime nord-atlantique entre Brest et Cork. C'est un sujet que la présidence française compte faire avancer.
Un dernier sujet de préoccupation majeur est celui du transport ferroviaire.
Nous entendons favoriser les trains de nuit. Nous l'avons déjà fait en France en relançant trois lignes intérieures - Paris-Nice, Paris-Briançon et Paris-Tarbes. Le 14 décembre dernier, nous avons également relancé le train de nuit Vienne-Paris. À l'échelle européenne, nous avons à coeur de mailler le territoire avec davantage de trains de nuit. Des accords ont d'ores et déjà été conclus avec quatre grandes entreprises ferroviaires européennes, dont la SNCF pour la France, les Suisses, les Allemands et les Autrichiens, et un plan de développement a été élaboré.
Pour ce qui concerne le fret ferroviaire, nous devons disposer d'une meilleure appréciation des marchés. Pour les trains massifs, les logiques de marché s'appliquent assez bien et nous disposons d'un certain nombre d'acteurs qui peuvent s'y prêter. En revanche, le wagon isolé et le transport combiné nécessitent des amorçages publics plus considérables. Dans ce domaine, la demande est, à l'origine, française, mais l'Union européenne est en train de la relayer.
Notre deuxième grand thème est celui de la régulation. Après vingt-cinq ans de libéralisation des transports, nous sommes en mesure de dresser un véritable bilan, notamment critique. À cet égard, l'insuffisante régulation sociale est au coeur de nos discussions. Nous voulons mettre un terme à certaines pratiques qui ne sont pas dignes de l'idéal européen. Je pense, pour l'aérien, au recours à de faux indépendants ou encore au pay to fly, qui consiste, pour des pilotes, à payer pendant les premières centaines d'heures de vol. Pour le maritime, je pense au choix du pavillon des navires selon la régulation sociale moins-disante.
Sur ces deux sujets, l'Europe n'est pas encore à la hauteur. Nous devons défendre des ambitions communes de solidarité et de progrès, notamment pour appliquer des conditions de travail au moins égales à l'un des deux États souverains concernés, dans le cas de liaisons maritimes régulières. Nous devons aussi assurer un suivi très précis de l'accord de ciel ouvert avec le Qatar, qui devra être appliqué de manière exemplaire en matière économique, sociale et environnementale.
Notre troisième grand thème est l'innovation. Le véhicule autonome et connecté est au coeur de l'actualité, dans ses dimensions technologique et de souveraineté industrielle européenne. La nouvelle génération d'avions sobres en carbone et la décarbonation de l'aviation exigent, elles aussi, un vaste travail. En parallèle, nous essayons d'améliorer encore et toujours le contrôle aérien pour gagner en efficacité quant aux trajectoires de vol et réduire l'empreinte environnementale du transport aérien.
Vous connaissez la réserve de la France à l'égard du nouveau marché carbone applicable au bâtiment et au transport routier. Le financement des biocarburants est un véritable sujet - nous avons déjà détaillé devant votre commission les surcoûts entraînés par les carburants alternatifs au kérosène dans l'aviation.
Les constructeurs automobiles annoncent désormais une commercialisation de véhicules tout électrique bien avant 2035 : la volonté des acteurs du secteur est bien de faire émerger cette technologie le plus vite possible.
Enfin, depuis cinq ans, le Gouvernement s'est efforcé de rattraper les retards entraînés par les sous-investissements ferroviaires et d'assainir la situation financière de SNCF Réseau, dont la dette était devenue insoutenable. Les efforts de productivité doivent être répartis au sein de la société anonyme SNCF Réseau. Au titre de la régénération, presque 3 milliards d'euros ont été consentis chaque année. Nous préparons également l'avenir en nous dotant d'une commande centralisée du réseau et en améliorant la signalisation. L'objectif est de doubler le nombre de passagers du rail d'ici à 2030. À cet égard, je soutiens pleinement l'ambition de Jean-Pierre Farandou.