Intervention de Olivier Véran

Commission des affaires sociales — Réunion du 22 février 2022 à 9h00

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Je vous remercie de votre invitation. Je pourrai ainsi vous rendre compte de la mise en oeuvre du passe vaccinal et m'exprimer sur son adéquation à l'évolution de la situation sanitaire liée à l'épidémie de la covid-19. Je commencerai par donner quelques éléments de contexte.

À la mi-décembre 2021, lorsque la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a été décidée, notre pays était confronté à une situation sanitaire qualifiée de « très préoccupante », caractérisée par des contaminations au variant Delta situées à un plateau élevé, et associée à des tensions hospitalières déjà importantes, en termes tant d'hospitalisation conventionnelle que de soins critiques.

Nous devions par ailleurs faire face au début de la circulation du fameux variant Omicron, sur lequel nous ne savions pas grand-chose, sinon qu'il avait engendré une flambée de contaminations parmi les pays confrontés plus tôt que le nôtre à cette nouvelle forme de SARS-CoV-2.

Face à cette situation, et compte tenu de l'efficacité de la vaccination pour réduire les formes graves, intégrant la nécessité d'une dose de rappel, le Gouvernement a décidé à la fois d'amplifier les mesures de protection dans les lieux à risque et d'inciter encore davantage à la vaccination en transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. Il s'agissait de recentrer le dispositif sur un schéma vaccinal dit « complet » contre la covid pour permettre l'accès à certains établissements et lieux recevant du public.

Cette décision reposait fondamentalement sur l'état des connaissances sur le virus et les mesures adaptées pour lutter contre l'épidémie, en particulier le rôle majeur, pleinement étayé, de la vaccination pour protéger et limiter les conséquences d'une forte circulation du virus. Celle-ci était accélérée par la période hivernale ainsi que par la contagiosité accrue du variant Omicron. Devant un tel niveau de circulation du virus, le passe sanitaire ne permettait pas de prévenir la présence de personnes non protégées susceptibles de développer des formes graves dans des lieux associés à un risque accru de contaminations.

Cette décision s'appuyait aussi sur le retour d'expérience du passe sanitaire et ses effets importants sur la dynamique vaccinale au cours de l'été 2021. Il s'agissait non pas d'une rupture dans notre stratégie, mais du prolongement logique du passe sanitaire tel qu'il avait été mis en place par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, puis étendu par la loi du 5 août 2021. Dans le cadre prévu par le législateur, nous avions d'ailleurs renforcé progressivement l'incitation à la vaccination, en mettant fin à la mi-octobre à la prise en charge intégrale et généralisée des tests de dépistage virologique, en réduisant fin novembre à vingt-quatre heures la durée de validité des tests de dépistage admis dans le cadre du passe sanitaire. En d'autres termes, il était pleinement cohérent de franchir une étape supplémentaire dans le soutien à la vaccination compte tenu des circonstances épidémiques et dès lors que ce moyen contribuait à réduire durablement et efficacement les conséquences sanitaires d'une forte circulation du virus. Cette étape avait même été déjà franchie dès la fin du mois de septembre pour les déplacements en Nouvelle-Calédonie, avec le dispositif législatif du « passe frontières ».

Par ailleurs, cette évolution a été complétée par d'autres mesures de gestion de crise et de freinage de court terme face à la cinquième vague. Je pense au renforcement de prévention, aux règles d'arrivée sur le territoire national ou vers les outre-mer depuis l'étranger, au recours au télétravail ou au développement massif du dépistage.

La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a donc constitué l'une des réponses juridiques à l'évolution de la situation sanitaire, dont il ne faudrait pas surestimer l'ampleur par rapport au dispositif antérieur. Lors de certaines auditions, d'aucuns ont regretté que le passe vaccinal ne soit pas mis en place plus rapidement. Mais, dès lors que le dispositif relève du domaine de la loi s'agissant du passe dit « activité » , l'adoption d'un texte législatif était incontournable pour le passe vaccinal. Je souligne que, entre l'annonce faite par le Premier ministre le 17 décembre et la présentation du projet de loi en conseil des ministres, il n'a fallu que dix jours. Cette prouesse institutionnelle a nécessité une très forte mobilisation de tous les services concernés ainsi que du Conseil d'État.

En outre, le texte a été examiné en commission par l'Assemblée nationale dès le 29 décembre, ce qui est tout à fait exceptionnel. En raison du temps requis par la navette parlementaire, puis par la saisine du Conseil constitutionnel, nous avons pu mettre en place le passe vaccinal à compter du 24 janvier, juste après sa promulgation.

Dans les catégories d'établissements et de lieux prévus par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, il faut désormais présenter la preuve d'un schéma vaccinal complet, un certificat de contre-indication ou un certificat de rétablissement. En outre, depuis le 15 février, le délai dans lequel la dose de rappel doit être effectuée à compter de la dernière injection pour conserver un schéma vaccinal complet a été ramené à quatre mois.

Nous sommes le 22 février. Avec une durée d'application d'à peine un mois, et alors que ce dispositif est toujours en cours de mise en oeuvre, le recul manque pour procéder à une évaluation complète et rigoureuse. Peut-on néanmoins considérer que le passe vaccinal a contribué utilement à la lutte contre l'épidémie ? Oui, incontestablement. Il nous a permis de renforcer la protection d'un certain nombre de lieux de brassage et de progresser sur la primovaccination d'une partie de la population, tout en favorisant une campagne de rappel massive pour ceux qui avaient déjà complété leur schéma vaccinal.

En moyenne, plus de 30 000 primo-injections ont ainsi été réalisées chaque jour entre le 8 et le 15 janvier 2022, soit un niveau record par rapport à l'automne. Depuis la mi-janvier 2022, la dynamique s'est atténuée, mais nous réalisons toujours en moyenne 12 000 injections par jour. Toute primovaccination supplémentaire est une bonne nouvelle ; c'est un progrès en matière de protection individuelle, mais aussi collective, en particulier pour ceux de nos concitoyens qui sont susceptibles de développer des formes graves.

Les complétions de schémas vaccinaux en cours ont également enregistré une augmentation à la suite de l'annonce du dispositif, passant de 25 000 par jour en novembre et début décembre, à plus de 35 000 fin décembre et début janvier. Cela démontre l'utilité du passe pour accompagner l'achèvement du parcours vaccinal de ceux qui s'étaient engagés plus tardivement dans cette démarche et hésitaient à la mener à son terme.

Enfin, en matière de rappel, le rythme des injections a connu une augmentation considérable entre fin novembre et début janvier, à la suite des différentes mesures prises par le Gouvernement. Certains jours, 600 000 voire 700 000 injections ont été réalisées. Au 20 février, 38,5 millions de personnes avaient ainsi fait leur rappel, contre 18 millions au 17 décembre - plus de 20 millions de rappels en deux mois.

Grâce à cette couverture vaccinale très élevée, les effets de la cinquième vague Omicron sur notre système de santé ont pu être contenus, sans que nous ayons à prendre des mesures de restriction généralisées, à l'inverse de certains pays européens - le benchmark réalisé à ce sujet est très évocateur.

La vaccination nous permet également de procéder sereinement, depuis le début du mois de février, à l'assouplissement progressif des mesures de freinage, tout en conservant un niveau élevé de protection. Le 2 février, les jauges ont ainsi été levées dans les établissements culturels et sportifs accueillant du public assis. De plus, le télétravail n'est plus obligatoire, mais reste recommandé. Il revient aux entreprises de maintenir le bon niveau dans le cadre de leur dialogue social interne.

Le 16 février, nous avons franchi une nouvelle étape d'assouplissement concernant notamment la consommation debout dans les restaurants et les débits de boissons, ainsi que la réouverture des discothèques. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé qu'une évolution du protocole sanitaire en population générale serait mise en oeuvre à compter du 28 février pour le dépistage et le port du masque dans les lieux où ce dernier est requis, compte tenu de l'amélioration de la situation sanitaire.

Enfin, si cette trajectoire positive se confirmait, en particulier sur les tensions hospitalières et la circulation du virus, nous pourrions envisager une levée du passe à la mi-mars dans tout ou partie des lieux où il est mis en place. Nous voulons accompagner l'évolution de l'épidémie sur les plans épidémique et hospitalier. Nous voulons conserver une grande prudence, une certaine progressivité dans les prochaines semaines. En procédant par paliers, nous pourrions prévenir de nouvelles contaminations risquant de se produire du fait d'un relâchement trop rapide des mesures actuelles. En effet, si la circulation du virus a fortement diminué depuis plusieurs semaines, notre système de santé reste très exposé. Je veux saluer à nouveau l'engagement de tous les personnels, soignants et non-soignants, de tous les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui sont extrêmement mobilisés depuis deux ans.

C'est toujours avec le souci d'assurer la sécurité des Français que nous avons agi, afin de prendre des mesures proportionnées eu égard à l'évolution rapide des connaissances sur ce virus et la dynamique de l'épidémie. Dans ce contexte, le passe sanitaire, devenu passe vaccinal dans la plupart des lieux et pour la majorité des publics qui y étaient soumis, a permis d'enrichir le panel de mesures de prévention. En renforçant celles-ci pour la fréquentation de ces lieux, en soutenant la vaccination, il a fortement contribué à la protection de la santé de nos concitoyens. C'est l'objectif qui nous guide depuis le début de la gestion de cette crise sanitaire. C'est avec optimisme et vigilance que nous continuerons à être pleinement mobilisés dans les prochaines semaines.

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