- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Dans le cadre de la mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19, nous entendons ce matin M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.
Je rappelle que l'objet de notre travail n'est pas de refaire le débat sur le passe vaccinal. Ce débat a été tranché par le Sénat, qui l'a adopté à une large majorité. Notre sujet est plutôt de vérifier qu'un instrument conçu dans un contexte donné, celui du variant Delta, est toujours adapté, quelques semaines plus tard, alors que nous avons, avec le variant Omicron, « changé d'épidémie ». L'annonce par le Premier ministre d'un calendrier d'allègement de certaines mesures avant même l'entrée en vigueur du passe vaccinal a nourri ces interrogations.
Notre objectif de ce jour est de reprendre rapidement avec vous les objectifs assignés à cet outil et, au regard des indicateurs définis pour le piloter, d'en évaluer la mise en oeuvre.
Il s'agit également d'examiner où en sont ces mêmes objectifs et indicateurs aujourd'hui et de vérifier, selon l'intitulé de notre mission, leur adéquation à l'évolution de l'épidémie.
Nous sommes par ailleurs dans un environnement où nos voisins tendent à gérer désormais l'épidémie comme une endémie et lèvent progressivement la totalité de leurs mesures de restriction. Vous avez vous-même fait des annonces dont nous souhaiterions savoir sur quelles données exactes elles se fondent.
Nous espérons que votre parole sera précise et libre. Vos collaborateurs que nous avons entendus ont, certes, une vision globale et l'art de la synthèse, mais on ne peut pas dire qu'ils nous aient noyés sous les détails...
Je vous demanderai de vous exprimer en quelques minutes maximum, afin de laisser le plus de temps possible aux échanges. Je demanderai à chacun, intervenants et commissaires, d'être concis dans les questions et les réponses.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Olivier Véran prête serment.
Je vous remercie de votre invitation. Je pourrai ainsi vous rendre compte de la mise en oeuvre du passe vaccinal et m'exprimer sur son adéquation à l'évolution de la situation sanitaire liée à l'épidémie de la covid-19. Je commencerai par donner quelques éléments de contexte.
À la mi-décembre 2021, lorsque la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a été décidée, notre pays était confronté à une situation sanitaire qualifiée de « très préoccupante », caractérisée par des contaminations au variant Delta situées à un plateau élevé, et associée à des tensions hospitalières déjà importantes, en termes tant d'hospitalisation conventionnelle que de soins critiques.
Nous devions par ailleurs faire face au début de la circulation du fameux variant Omicron, sur lequel nous ne savions pas grand-chose, sinon qu'il avait engendré une flambée de contaminations parmi les pays confrontés plus tôt que le nôtre à cette nouvelle forme de SARS-CoV-2.
Face à cette situation, et compte tenu de l'efficacité de la vaccination pour réduire les formes graves, intégrant la nécessité d'une dose de rappel, le Gouvernement a décidé à la fois d'amplifier les mesures de protection dans les lieux à risque et d'inciter encore davantage à la vaccination en transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. Il s'agissait de recentrer le dispositif sur un schéma vaccinal dit « complet » contre la covid pour permettre l'accès à certains établissements et lieux recevant du public.
Cette décision reposait fondamentalement sur l'état des connaissances sur le virus et les mesures adaptées pour lutter contre l'épidémie, en particulier le rôle majeur, pleinement étayé, de la vaccination pour protéger et limiter les conséquences d'une forte circulation du virus. Celle-ci était accélérée par la période hivernale ainsi que par la contagiosité accrue du variant Omicron. Devant un tel niveau de circulation du virus, le passe sanitaire ne permettait pas de prévenir la présence de personnes non protégées susceptibles de développer des formes graves dans des lieux associés à un risque accru de contaminations.
Cette décision s'appuyait aussi sur le retour d'expérience du passe sanitaire et ses effets importants sur la dynamique vaccinale au cours de l'été 2021. Il s'agissait non pas d'une rupture dans notre stratégie, mais du prolongement logique du passe sanitaire tel qu'il avait été mis en place par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, puis étendu par la loi du 5 août 2021. Dans le cadre prévu par le législateur, nous avions d'ailleurs renforcé progressivement l'incitation à la vaccination, en mettant fin à la mi-octobre à la prise en charge intégrale et généralisée des tests de dépistage virologique, en réduisant fin novembre à vingt-quatre heures la durée de validité des tests de dépistage admis dans le cadre du passe sanitaire. En d'autres termes, il était pleinement cohérent de franchir une étape supplémentaire dans le soutien à la vaccination compte tenu des circonstances épidémiques et dès lors que ce moyen contribuait à réduire durablement et efficacement les conséquences sanitaires d'une forte circulation du virus. Cette étape avait même été déjà franchie dès la fin du mois de septembre pour les déplacements en Nouvelle-Calédonie, avec le dispositif législatif du « passe frontières ».
Par ailleurs, cette évolution a été complétée par d'autres mesures de gestion de crise et de freinage de court terme face à la cinquième vague. Je pense au renforcement de prévention, aux règles d'arrivée sur le territoire national ou vers les outre-mer depuis l'étranger, au recours au télétravail ou au développement massif du dépistage.
La transformation du passe sanitaire en passe vaccinal a donc constitué l'une des réponses juridiques à l'évolution de la situation sanitaire, dont il ne faudrait pas surestimer l'ampleur par rapport au dispositif antérieur. Lors de certaines auditions, d'aucuns ont regretté que le passe vaccinal ne soit pas mis en place plus rapidement. Mais, dès lors que le dispositif relève du domaine de la loi s'agissant du passe dit « activité » , l'adoption d'un texte législatif était incontournable pour le passe vaccinal. Je souligne que, entre l'annonce faite par le Premier ministre le 17 décembre et la présentation du projet de loi en conseil des ministres, il n'a fallu que dix jours. Cette prouesse institutionnelle a nécessité une très forte mobilisation de tous les services concernés ainsi que du Conseil d'État.
En outre, le texte a été examiné en commission par l'Assemblée nationale dès le 29 décembre, ce qui est tout à fait exceptionnel. En raison du temps requis par la navette parlementaire, puis par la saisine du Conseil constitutionnel, nous avons pu mettre en place le passe vaccinal à compter du 24 janvier, juste après sa promulgation.
Dans les catégories d'établissements et de lieux prévus par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, il faut désormais présenter la preuve d'un schéma vaccinal complet, un certificat de contre-indication ou un certificat de rétablissement. En outre, depuis le 15 février, le délai dans lequel la dose de rappel doit être effectuée à compter de la dernière injection pour conserver un schéma vaccinal complet a été ramené à quatre mois.
Nous sommes le 22 février. Avec une durée d'application d'à peine un mois, et alors que ce dispositif est toujours en cours de mise en oeuvre, le recul manque pour procéder à une évaluation complète et rigoureuse. Peut-on néanmoins considérer que le passe vaccinal a contribué utilement à la lutte contre l'épidémie ? Oui, incontestablement. Il nous a permis de renforcer la protection d'un certain nombre de lieux de brassage et de progresser sur la primovaccination d'une partie de la population, tout en favorisant une campagne de rappel massive pour ceux qui avaient déjà complété leur schéma vaccinal.
En moyenne, plus de 30 000 primo-injections ont ainsi été réalisées chaque jour entre le 8 et le 15 janvier 2022, soit un niveau record par rapport à l'automne. Depuis la mi-janvier 2022, la dynamique s'est atténuée, mais nous réalisons toujours en moyenne 12 000 injections par jour. Toute primovaccination supplémentaire est une bonne nouvelle ; c'est un progrès en matière de protection individuelle, mais aussi collective, en particulier pour ceux de nos concitoyens qui sont susceptibles de développer des formes graves.
Les complétions de schémas vaccinaux en cours ont également enregistré une augmentation à la suite de l'annonce du dispositif, passant de 25 000 par jour en novembre et début décembre, à plus de 35 000 fin décembre et début janvier. Cela démontre l'utilité du passe pour accompagner l'achèvement du parcours vaccinal de ceux qui s'étaient engagés plus tardivement dans cette démarche et hésitaient à la mener à son terme.
Enfin, en matière de rappel, le rythme des injections a connu une augmentation considérable entre fin novembre et début janvier, à la suite des différentes mesures prises par le Gouvernement. Certains jours, 600 000 voire 700 000 injections ont été réalisées. Au 20 février, 38,5 millions de personnes avaient ainsi fait leur rappel, contre 18 millions au 17 décembre - plus de 20 millions de rappels en deux mois.
Grâce à cette couverture vaccinale très élevée, les effets de la cinquième vague Omicron sur notre système de santé ont pu être contenus, sans que nous ayons à prendre des mesures de restriction généralisées, à l'inverse de certains pays européens - le benchmark réalisé à ce sujet est très évocateur.
La vaccination nous permet également de procéder sereinement, depuis le début du mois de février, à l'assouplissement progressif des mesures de freinage, tout en conservant un niveau élevé de protection. Le 2 février, les jauges ont ainsi été levées dans les établissements culturels et sportifs accueillant du public assis. De plus, le télétravail n'est plus obligatoire, mais reste recommandé. Il revient aux entreprises de maintenir le bon niveau dans le cadre de leur dialogue social interne.
Le 16 février, nous avons franchi une nouvelle étape d'assouplissement concernant notamment la consommation debout dans les restaurants et les débits de boissons, ainsi que la réouverture des discothèques. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé qu'une évolution du protocole sanitaire en population générale serait mise en oeuvre à compter du 28 février pour le dépistage et le port du masque dans les lieux où ce dernier est requis, compte tenu de l'amélioration de la situation sanitaire.
Enfin, si cette trajectoire positive se confirmait, en particulier sur les tensions hospitalières et la circulation du virus, nous pourrions envisager une levée du passe à la mi-mars dans tout ou partie des lieux où il est mis en place. Nous voulons accompagner l'évolution de l'épidémie sur les plans épidémique et hospitalier. Nous voulons conserver une grande prudence, une certaine progressivité dans les prochaines semaines. En procédant par paliers, nous pourrions prévenir de nouvelles contaminations risquant de se produire du fait d'un relâchement trop rapide des mesures actuelles. En effet, si la circulation du virus a fortement diminué depuis plusieurs semaines, notre système de santé reste très exposé. Je veux saluer à nouveau l'engagement de tous les personnels, soignants et non-soignants, de tous les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui sont extrêmement mobilisés depuis deux ans.
C'est toujours avec le souci d'assurer la sécurité des Français que nous avons agi, afin de prendre des mesures proportionnées eu égard à l'évolution rapide des connaissances sur ce virus et la dynamique de l'épidémie. Dans ce contexte, le passe sanitaire, devenu passe vaccinal dans la plupart des lieux et pour la majorité des publics qui y étaient soumis, a permis d'enrichir le panel de mesures de prévention. En renforçant celles-ci pour la fréquentation de ces lieux, en soutenant la vaccination, il a fortement contribué à la protection de la santé de nos concitoyens. C'est l'objectif qui nous guide depuis le début de la gestion de cette crise sanitaire. C'est avec optimisme et vigilance que nous continuerons à être pleinement mobilisés dans les prochaines semaines.
Merci monsieur le ministre. Lors des premières auditions, nous avons compris que la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal était un moyen de booster la vaccination sans la rendre obligatoire, pour éviter des contrôles délicats. Confirmez-vous cette interprétation ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les trois principaux indicateurs qui vous permettent de suivre l'utilité du passe vaccinal ? Au regard des restrictions qu'il implique, le Gouvernement a-t-il mis en place des outils pour suivre les effets du seul passe vaccinal sur la situation sanitaire ?
Sur la situation hospitalière, combien de plans blancs sont encore aujourd'hui activés ? Combien d'établissements sont encore contraints à des déprogrammations ? Sous quels délais celles-ci seraient-elles résorbées ?
Nous avons beaucoup débattu de l'obligation vaccinale ; c'était une option qui pouvait dépasser les clivages politiques traditionnels. J'ai compris ce débat et vous rappellerai les arguments que j'y avais opposés.
Il portait d'abord sur les outils de contrôle : certains, y compris au Sénat, proposaient l'obligation vaccinale, mais sans contrôle et sans sanctions. Dans ce cas, ce n'est plus une obligation ; c'est un voeu pieux ! Quelles auraient été les diverses formalités du dispositif : sonner à la porte des habitants, effectuer des contrôles de rue aléatoires ou prévoir des amendes de 100 euros ? Une personne très éloignée du système de santé serait-elle éligible au contrôle ? Probablement non : étant isolée de tout système et de tout professionnel de santé - pharmacien, infirmier, etc. -, le risque, ou la chance, serait faible qu'elle soit contrôlée. Pour les plus opposés au vaccin et les adeptes d'une forme de complotisme, une amende n'aurait strictement aucun impact sur leurs représentations concernant les dangers imaginaires pour l'organisme.
En outre, l'obligation vaccinale n'aurait pas eu d'impact tout de suite. Or il fallait agir immédiatement quand la vague Delta était très haute et la vague Omicron montait. Si nous avions mis en place une obligation vaccinale, nous aurions, comme les autres pays, fixé un délai à trois mois. Et nous serions aujourd'hui en train de nous poser la question de la mise en oeuvre pratique de cette obligation, assortie des contrôles et des sanctions éventuelles. Nous serions donc arrivés après la bataille !
J'en viens aux indicateurs.
Le principal est que les hôpitaux retrouvent un fonctionnement normal et qu'ils ne déprogramment plus les interventions prévues. Certains hôpitaux le font déjà, comme à Nice, depuis dix jours. Indépendamment des manques d'effectifs qui peuvent toujours se poser, la charge que représentent les patients covid ne modifie pas l'organisation des soins. Mais ce n'est pas le cas partout. Il m'est très difficile de vous donner des chiffres précis sur le nombre d'hôpitaux encore concernés par un plan blanc ou sur les déprogrammations. Néanmoins, nous suivons l'état des lieux avec une grande attention en interpellant les établissements. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que la charge sanitaire est très importante. Plus de 2 900 patients covid occupent la moitié des lits de réanimation. Et, quand on sait que près de 30 000 patients covid sont en lits de médecine, le fonctionnement des hôpitaux en pâtira nécessairement de façon importante. Le Conseil scientifique consacré à la covid-19 suggère que, pour revenir à la normale, nous redescendions aux alentours de 1 500 patients covid en réanimation. Au rythme actuel, nous pourrions y parvenir d'ici deux à trois semaines.
Quand vous parlez des « patients covid », entendez-vous cette expression au sens strict ou comptez-vous les patients dits « covid accessoires » ?
Vous avez raison de souligner cette différence, madame la présidente. L'écart peut effectivement se révéler important s'agissant des patients hospitalisés en soins conventionnels. Il est beaucoup plus restreint en soins critiques et tend à se réduire, puisque, moins le virus circule, moins il peut atteindre un patient hospitalisé pour une autre affection.
Le deuxième indicateur est la dynamique épidémique. Selon le Conseil scientifique, le facteur R de reproduction du virus doit être durablement inférieur à 1, c'est-à-dire que l'on se trouve sur une pente décroissante. De plus, le taux d'incidence doit être assez faible, de 300 à 500 cas au maximum. Nous aurons alors franchi le Rubicon. Là aussi, cela devrait se produire d'ici deux à trois semaines maximum. C'est une bonne nouvelle que l'on entrevoit grâce à la décrue de l'épidémie et aux sorties d'hospitalisation. Néanmoins, 290 décès ont été enregistrés hier. Ce nombre est élevé, qui correspond à 10 % de la mortalité routière annuelle. Et, comme chez nos voisins européens, le décompte des décès ne paraît plus central pour un certain nombre de nos concitoyens. À ceux qui disent qu'Omicron n'entraîne pas de cas graves, je réponds qu'il existe peu de maladies qui font 250 à 280 morts par jour dans un pays ! La covid continue de sévir, mais la population bénéficie heureusement de la protection de la vaccination.
Quels sont les effets du passe sur la situation sanitaire ? Un mois, c'est trop tôt pour que je puisse vous répondre. Toutefois, il est acquis que le passe sanitaire a sauvé des vies, évité de très nombreuses hospitalisations et réanimations. Selon l'étude publiée par le Conseil d'analyse économique (CAE) en janvier 2022, nous avons, grâce au passe sanitaire, gagné 13 points de vaccination, évité 4 000 décès, 32 000 hospitalisations et 45 % d'admissions en soins critiques à la fin de 2021. Je considère donc que le passe vaccinal aura un effet positif sur la situation sanitaire.
Les déprogrammations sont variables d'un hôpital à l'autre. Je suis quelque peu surprise du manque d'indicateurs en la matière. Cet état n'est pas nouveau, mais pourquoi n'a-t-on pas instauré des tableaux d'indicateurs réguliers pour se doter d'une vision globale des ressources humaines ? Lorsque nous interrogeons la direction générale de l'offre de soins (DGOS), celle-ci nous renvoie à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Le problème est similaire dans l'éducation nationale pour les données relatives aux enseignants.
Factuellement, vous avez raison. Je suis arrivé à la tête d'un ministère qui fonctionne très bien, qui dispose de tonnes de chiffres, mais qui souffre aussi de données manquantes. À cet égard, j'ai dû répondre à une allégation fausse sur les 20 % de lits fermés ! Mais il a fallu diligenter des enquêtes spécifiques et faire remonter des données pour le démontrer. Entre-temps, il s'est écoulé plusieurs semaines. Le constat est le même sur les déprogrammations.
Attention : plus nous voulons de données nationales précises en temps réel, plus les charges administratives pesant sur les équivalents temps plein (ETP) des milliers d'hôpitaux augmentent. Or le discours ambiant, auquel j'adhère, ne s'oriente pas vers l'augmentation des personnels administratifs dans les hôpitaux. Nous préconisons plutôt un pilotage raisonné et pragmatique via des indicateurs de processus, par exemple pour le nombre des consultations d'anesthésie.
Avant la promulgation de la loi, monsieur le ministre, vous aviez annoncé, avec le Premier ministre, lors d'une conférence de presse, une levée progressive des restrictions. Je pense au 2 et au 16 février, date de réouverture des discothèques. Sur quelles bases scientifiques vos annonces reposent-elles ?
Sur le seuil de 1 500 lits en soins intensifs, vous avez répondu à mon interrogation.
Disposez-vous d'éléments sur le sous-variant BA.2 ? Quelles sont les évolutions possibles ? Des simulations ont-elles été effectuées ? Risque-t-on de retomber dans une épidémie débordante ?
Depuis une dizaine de jours, très peu d'informations sur notre situation sanitaire sont diffusées dans les médias. Jusqu'alors, les décès et les détails de l'engorgement des services de réanimation étaient quotidiennement rapportés. Est-ce une volonté délibérée ? Le virus a-t-il disparu et la vie normale reprend-elle ses droits ?
Sur la place de l'épidémie dans l'agenda public, il ne me revient pas de vous répondre. Je continue de communiquer. Je l'ai fait dimanche, et quelques jours auparavant dans une émission, où il a été question quasi exclusivement de la covid. C'est également le cas lors des revues de presse quotidiennes.
On sent que la population est à la fois lasse et rassurée. Nous sommes plus inquiets avant la vague que lorsqu'elle est passée. Quand elle commence à monter, la panique s'exprime durant dix jours, avant que l'on se rende compte que le système hospitalier tient grâce aux soignants, qui sont exceptionnels. Puis, un relâchement a lieu. À la fin décembre, le variant Omicron a suscité l'inquiétude du fait de sa grande contagiosité. J'avais dit en toute transparence qu'il ne servait à rien de fermer les bars et les restaurants. Les Pays-Bas ont fait le choix opposé, et, lors de leur réouverture, les effets de la vague se sont produits à retardement, comme en Allemagne. C'est l'incertitude qui crée de l'anxiété. Or, au début de la vague, personne n'a de réponse. C'est le propre des épidémies qui déferlent avec des virus inconnus susceptibles de muter.
On a fait le plus dur, mais je reste prudent, car des variants nouveaux pourraient nous imposer de revenir à des dispositifs que nous allégeons progressivement. Les Français l'ont parfaitement compris. Il est moins nécessaire d'aller chercher les informations quand on a parfaitement appréhendé les tenants et les aboutissants d'une telle épidémie.
Quels sont les critères d'allégement ? Les mesures de freinage visent plusieurs objectifs. On veut d'abord limiter les risques de clusters, de contaminations diffuses massives en évitant les regroupements dans les établissements accueillant du public et, partant, un échappement du suivi de la maladie. On veut ensuite éviter que les plus fragiles, mêmes vaccinés, soient en contact avec des non-vaccinés, potentiellement contaminants. D'où la logique de l'obligation vaccinale des soignants. Des mesures sont toujours valables même lorsque le virus circule moins. Pour d'autres, le bénéfice-risque est moins évident.
Le variant Omicron a contaminé près de la moitié de la population. Dès lors, le niveau d'immunité populationnelle, outre la vaccination, permettait d'anticiper une régression du virus et des mesures d'allégement. Ce fut le cas au printemps 2020, lorsque le Président de la République a annoncé le futur déconfinement le 11 mai. Nous prenons nos décisions en fonction des modélisations des courbes, de l'Institut Pasteur, etc. Voilà pourquoi je dis que, d'ici à la mi-mars, peut-être un peu avant ou un peu après, nous aurons rempli les critères pour pouvoir enfin alléger le port du masque à l'intérieur et le passe vaccinal dans tout ou partie des lieux qui l'appliquent aujourd'hui.
Selon les dernières simulations, le variant BA.2, qui est un siamois de l'Omicron, serait responsable de 50 % des contaminations. Pour les scientifiques, il n'est pas associé au risque d'un rebond épidémique.
Ma question porte sur la situation chez nos voisins européens. Vous avez parlé de benchmarking, en donnant quelques exemples. Vous avez exposé les mesures que vous envisagez de lever en fonction de l'état sanitaire des autres États européens.
Je continue, en revanche, de m'interroger sur la situation des plus vulnérables. M. Niox-Chateau, que nous avons auditionné jeudi dernier, était un peu moins optimiste que vous : il a évoqué 5 000 vaccinations par jour, et non 12 000.
Ils ont une part importante des prises de rendez-vous, mais ils n'en ont pas l'exhaustivité.
C'est néanmoins symptomatique : beaucoup de ceux qui devraient faire leur rappel en avril sont hésitants face à la vaccination. Ce phénomène risque d'entraîner une perte de chance pour cette catégorie.
Enfin, quelles mesures comptez-vous mettre en place pour les personnes fragiles ou immunodéprimées lors de la levée des restrictions ?
Les mesures de freinage ont beaucoup été débattues au Parlement, car elles entraînent des conséquences sur l'ensemble de la société. Le passe vaccinal a soulevé de la crainte, de l'opposition, voire de la colère, mais nous l'avons mis en place pour des raisons bien précises et proportionnées. Dès que nous pouvons lever une mesure vécue comme une contrainte, nous le faisons. Il nous est déjà arrivé de proposer d'enlever le masque, puis de demander plus tard de le remettre. Le retrait du masque en mars pourrait avoir des incidences sur quelques milliers de Français, mais ce nombre n'est sans doute pas très important compte tenu du rythme de vaccination de rappel.
Le maximum de couverture, nous l'avons acquis. Cela ne doit pas empêcher la primovaccination des plus fragiles et des plus éloignés. La France est le premier pays en Europe à mettre à disposition le traitement préventif Evusheld pour 15 000 patients, des anticorps monoclonaux curatifs pour 4 000 patients, et le Paxlovid à plus de 1500 malades. Les immunodéprimés ne doivent pas être les victimes invisibles de cette pandémie ! Avec les non-vaccinés, ce sont eux que l'on retrouve en réanimation.
Sur les rappels, on pensait, au départ, qu'une première dose, suivie d'une seconde un mois plus tard, permettrait une protection longue, ce qui n'a finalement pas été le cas. On préconise désormais une troisième dose au bout de quatre mois. Il a même pu y avoir, notamment en Israël, qui était en avance sur ces questions, un débat sur l'opportunité d'une quatrième dose.
On peut comprendre que cette perspective de vaccins répétés puisse inquiéter nos populations. Vous avez vous-même évoqué une forme de « fatigue vaccinale », qui, pour l'instant, fait écarter une quatrième dose. C'est audible sur les plans psychologique ou sociologique ; ça l'est moins sur le plan scientifique.
Nous avons entendu, dans le cadre de cette mission, Santé publique France. Lors de son audition, sa directrice nous a indiqué qu'elle était chargée de collecter et d'agréger les données épidémiologiques, mais qu'elle n'avait pas pour mission d'être associée à des décisions de gestion de crise et qu'elle n'avait notamment pas reçu de sollicitation spécifique pour le passage du passe sanitaire au passe vaccinal.
Or la loi assigne de larges missions à Santé publique France. Comment le Gouvernement sollicite-t-il celle-ci pour éclairer les décisions prises dans le cadre de la gestion de la crise ? L'agence a-t-elle des moyens trop limités pour faire face à une crise sanitaire ?
Nous avons demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur Santé publique France, pour évaluer son financement, son fonctionnement, ses moyens et ses missions depuis sa création. Pouvez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ?
Lors d'une émission, j'ai parlé de « fatigue vaccinale », parce que ce concept apparaît dans un rapport qui nous a été remis par une autorité scientifique chargée de nous guider. C'est, selon cette dernière, un paramètre dont il faut tenir compte, mais ce n'est pas le paramètre principal.
Je vais être très clair, madame la présidente : s'il y a un variant dangereux en circulation qui nécessite de revacciner toute la population et si nous disposons d'un vaccin efficace, la main ne tremblera pas. Il y va de l'intérêt, de la sécurité et de la santé de la population.
Le contexte a changé : nous sommes à la fin d'une vague, avec un variant moins dangereux, un très haut niveau de protection vaccinale de la population, un très haut niveau de contamination, mais très peu de formes graves, et des vaccins disponibles, efficaces pour éviter les formes graves, mais en cours de développement en vue de les adapter aux derniers variants. C'est en raison de ce contexte que ceux qui nous conseillent nous disent qu'il n'est pas nécessaire aujourd'hui de proposer une quatrième dose à la population générale. Il se trouve que, par ailleurs, ils estiment que cela évitera de renforcer le phénomène de fatigue vaccinale qui se fait jour chez certaines personnes.
Quand on est fragile, c'est tous les ans que l'on se vaccine contre la grippe : ainsi font plus de 10 millions de nos concitoyens. C'est le réflexe du mois d'octobre.
Parce que ce virus crée plusieurs vagues dans l'année ! Si la grippe mutait pour provoquer quatre ou cinq vagues potentiellement mortelles par an, nous aurions aussi des rappels vaccinaux contre la grippe plus réguliers. Nous nous adaptons.
Le vaccin est une chance. Il est gratuit, disponible partout, bien toléré, très efficace. La planète entière se vaccine. Je n'ai jamais considéré que le vaccin devait être vu comme une charge, un handicap ou une malédiction. C'est tout l'inverse.
On regrette régulièrement qu'il n'y ait pas assez de prévention dans notre pays et que l'on soit dans le tout-curatif : le vaccin relève, par excellence, de la médecine préventive.
Madame la présidente, Santé publique France n'a pas pour rôle de prendre des décisions, d'éclairer directement ou d'orienter les prises de décision. Ce rôle revient à la direction générale de la santé, qui chapeaute SPF. Santé publique France est un organisme de veille sanitaire, de veille épidémiologique, qui fournit et traite des données qui permettent ensuite d'orienter les prises de décisions. Il est donc normal que la directrice générale de SPF n'ait pas d'avis à rendre s'agissant de la stratégie vaccinale de notre pays et encore moins concernant le passe.
Il ne vous aura pas échappé que notre paysage est déjà assez bariolé en matière d'agences et de structures sanitaires. Le ministre de la santé, dont fait partie la direction générale de la santé, chapeaute l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Santé publique France et d'autres agences d'État. Les agences régionales de santé (ARS) sont chargées de mettre en place, au niveau déconcentré, les mesures décidées nationalement et des procédures innovantes et de gérer la vaccination.
Il existe également une autorité indépendante, la Haute Autorité de santé, qui ne répond pas au ministre, mais que nous pouvons saisir pour qu'elle nous remette, en transparence et en parfaite indépendance, des avis scientifiques. Nous l'avons agrémentée d'un Conseil d'orientation de la stratégie nationale, piloté par le professeur Alain Fischer. Comme je l'ai déjà expliqué, j'ai souhaité que ce ne soient pas les mêmes acteurs qui anticipent, évaluent, mettent en place et contrôlent, mais que plusieurs acteurs différents puissent intervenir, avec des missions différentes, d'où la création du Conseil scientifique, qui est, en toute indépendance - la loi lui a conféré un statut -, chargé d'émettre des recommandations et de guider les politiques publiques.
J'ajoute à cela tous les organes, extrêmement utiles et efficaces, comme le Haut Conseil de la santé publique.
Le paysage est donc déjà assez chargé. On ne va pas confier la même mission à deux agences différentes, surtout quand l'une est placée sous la direction de l'autre.
Il est vrai que nos concitoyens sont partagés sur la question du vaccin. Je pense qu'il faut poursuivre la communication à ce sujet. Comme on nous a expliqué ce que Louis Pasteur a fait contre la rage, il faut continuer à expliquer, dans les écoles, dès le plus jeune âge, combien la vaccination est importante, que le vaccin n'est pas un ennemi. Les discours tenus par certains, parfois avec une capacité de persuasion incroyable, sont désastreux. Les personnes naïves sont à leur merci.
Il faut absolument continuer de communiquer sur les vaccins. La recherche a permis de trouver, par exemple, un vaccin contre les méningites. L'existence d'un tel vaccin est un réel soulagement quand on connaît les ravages que peuvent faire ces maladies sur les enfants.
Il faut également communiquer sur toutes les mesures d'hygiène que l'on a mises en place sous l'effet de la pandémie. Il faut que l'on garde des réflexes d'hygiène - nous en étions loin -, comme le lavage des mains ou la protection des aliments dans les magasins, contre les postillons des clients par exemple.
Dans certains lieux et sous certaines conditions, il faudra continuer à porter le masque. Monsieur le ministre, quelles seront les conditions pour pouvoir enlever le masque à l'intérieur ? Certains de nos concitoyens s'interrogent. En particulier, des personnes exerçant un travail physique s'inquiètent de devoir porter le masque toute leur vie.
La France a dû, au début de ce mandat, se doter d'une loi pour instaurer l'obligation vaccinale contre des maladies infantiles qui auraient dû disparaître et qui revenaient de façon galopante. Notre pays n'est pas celui, tant s'en faut, qui affiche le meilleur taux de couverture vaccinale contre la covid chez les enfants. Donc, oui, notre pays, le pays de Pasteur, doute, mais il se laisse convaincre, puisque le taux d'intentions vaccinales, qui s'élevait à moins de 40 % de la population avant la vaccination de Mauricette, est monté, quelques jours plus tard - surtout quand la peur de manquer est devenue importante -, à 70 % . Le taux de couverture vaccinale est désormais si élevé que j'aurais cru impossible de l'atteindre en début de campagne vaccinale : si l'on vous avait annoncé que 54 millions de Français seraient vaccinés contre la covid, vous m'auriez répondu que nous étions trop ambitieux...
Cependant, nous ne nous sommes pas laissé convaincre de la même manière concernant les enfants, compte tenu du contexte épidémique et du sentiment qu'Omicron n'est pas grave chez les enfants. Je le répète : il y a des enfants à l'hôpital. Il y a même, statistiquement, beaucoup plus d'enfants à l'hôpital du fait de la non-vaccination. C'est un point majeur, madame la rapporteure générale. Je ne sais pas dans quel autre contexte on accepterait l'idée qu'il n'est pas si grave que 500 enfants soient hospitalisés quand l'hospitalisation était évitable.
Vous avez raison sur le maintien de l'hygiénisme. Les gens en ont assez qu'on leur parle de leur santé, mais il faudra conserver un certain nombre de réflexes. Il nous a toujours semblé étrange que les habitants des pays d'Asie portent le masque au début des épidémies, mais c'est peut-être un réflexe qu'acquerront un certain nombre de nos concitoyens. Cela dit, je nous vois mal imposer le masque l'hiver parce que la grippe arrive. Néanmoins, je rappelle que, en 2020, du fait de la distanciation sociale, nous n'avons eu ni gastro-entérite, ni grippe, ni bronchiolite. Au-delà de la covid, beaucoup de vies ont été sauvées grâce à ces mesures. Cependant, nous devons continuer à vivre, et je pense que l'ère de la fin de la distanciation sociale est bientôt arrivée.
Sur le masque en intérieur, un Conseil de défense et de sécurité nationale, qui se tiendra peut-être la semaine prochaine, devra statuer sur l'état sanitaire et épidémique, et décider de la suite de l'allègement de deux grandes mesures : le passe vaccinal et le port du masque là où il est encore obligatoire et où il le restera en date du 28 février. On peut raisonner « en bloc », en supprimant ces mesures, ou tenir compte de graduations, de niveaux de risque, pour créer un nouveau palier : par exemple, conserver le passe vaccinal encore quelques semaines pour les discothèques et les bars dansants, là où les risques de clusters et de contamination sont plus importants, et le supprimer ailleurs, ou le maintenir dans des établissements recevant du public ou à l'occasion de certains grands événements se tenant en intérieur, réunissant beaucoup de monde et occasionnant beaucoup de brassage. Ce ne sont que des possibilités ; je n'ai pas de réponse. C'est au Conseil de défense et aux autorités scientifiques, que nous pouvons saisir en ce sens, de nous guider.
Le masque en intérieur a vocation à disparaître dans tout ou partie des lieux fermés. Cela dit, deux questions resteront en suspens : instaure-t-on un palier ? Supprime-t-on le port du masque partout, ou le maintient-on encore quelque temps, pour être certains d'avoir véritablement écrasé le virus, dans les lieux où le risque de transmission est le plus fort, à savoir les transports en commun et les salles de classe ?
Vous imaginez bien qu'il est compliqué de demander à des enfants de continuer à porter le masque en classe quand les adultes n'auraient plus à le porter en entreprise. Cela nécessite une réflexion très poussée, qui enjambe les questions sanitaires pour aller vers des questions éthiques et de tolérance sociétale. C'est tout l'objet du travail que mes équipes fournissent actuellement : nous devons être prêts à proposer, dans le cadre d'un prochain Conseil de défense et de sécurité nationale, la bonne marche à suivre en vue des dernières étapes de l'allègement, pour que le printemps ne soit plus masqué et que l'on puisse revivre le plus normalement possible.
Quid de la recherche sur le covid long ? Celui-ci entraîne de nombreuses conséquences, au-delà de la seule perte des capacités pulmonaires. Je pense que la recherche sur ce dernier se fera aussi sur un temps long...
Nous n'avons pas pour le moment la possibilité de connaître la durée de la protection apportée par la vaccination. Au reste, cela dépend des personnes : certains gardent une protection plus courte, d'autres plus longues. Aura-t-on des éléments sur cette question ?
Pourquoi y a-t-il des familles qui passent complètement au travers du covid et d'autres où tout le monde l'attrape, avec les mêmes protections sanitaires ?
Les médecins généralistes ne sont pas très favorables à la vaccination des enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la puberté. Disposez-vous de davantage d'informations à ce sujet ?
Quel est le taux de couverture vaccinale des 80 ans et plus ?
Michelle Meunier a évoqué la question des immunodéprimés. Il s'agit d'un vrai sujet de préoccupation. Qu'est-ce qui est fait pour aller vers ces personnes très vulnérables, qui, certes, ne se rendent pas forcément dans les lieux publics et n'ont pas un besoin important de passe, mais côtoient leur aide ménagère, leur famille... ?
Avez-vous envisagé que, dans certains lieux, le passe vaccinal puisse être abandonné au profit d'un retour au passe sanitaire ?
Vous m'interrogez sur l'avenir de la science et de la recherche : admettez que ces questions sont assez loin de l'objet des travaux de votre mission d'information !
Il existe plusieurs types de symptômes post-covid persistants. Certains vont disparaître au bout de quelques semaines ; d'autres, au bout de quelques mois. Certains durent depuis 2020 - ce n'est heureusement pas le cas le plus fréquent, mais cela arrive.
La perte du goût et de l'odorat peut durer un peu plus longtemps - je précise que ces troubles se rééduquent par des oto-rhino-laryngologistes (ORL).
Certains patients souffrent d'une dysautonomie, c'est-à-dire d'une dissociation entre leur activité et leur rythme cardiaque. J'ai vu une infirmière marathonienne de trente ans dont la fréquence cardiaque s'élevait à 110 battements par minute au repos. Cela entraîne une fatigue énorme, et une incapacité à faire des efforts physiques. On ne sait pas complètement l'expliquer, mais cela signifie que le virus a réussi à s'infiltrer dans des fibres nerveuses qu'on ne soupçonnait pas qu'il puisse atteindre.
On recense des insuffisances respiratoires chez des gens qui ont eu des formes pulmonaires très graves, avec de grosses pneumonies, des abcès, et qui peuvent conserver des séquelles respiratoires. Il y a d'autres situations, avec des symptômes plus compliqués à catégoriser, avec de l'asthénie, des céphalées...
Il est difficile de vous dire combien sont victimes de symptômes persistants, la vague Omicron ayant beaucoup rebattu les cartes. On ne sait pas, d'ailleurs, si ce variant peut donner des formes longues de covid. Nous développons fortement la recherche.
L'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a lancé deux appels à projets. Le premier a eu lieu en novembre ; le prochain est en mars. Dans le premier, 8 projets ont été acceptés, et l'on déploie dans tous les territoires des centres de prise en charge pluriprofessionnels, associant des médecins, des kinésithérapeutes, des psychologues, pour accompagner ces patients.
Si votre prise de sang montre la présence d'anticorps, cela révèle un contact avec le virus et une immunité humorale : ces anticorps encore en circulation sont susceptibles d'agir contre le virus si celui-ci arrive dans votre corps. Mais, si le virus déjoue vos défenses immunitaires et vous infecte, c'est l'immunité cellulaire, c'est-à-dire la capacité de vos cellules immunitaires à fabriquer de nouveaux anticorps, qui va être déterminante : il faut beaucoup plus d'anticorps que ceux que vous avez de façon résiduelle dans le sang. Or, cela, on ne sait pas le mesurer.
Ainsi, certains ont attrapé Omicron trois semaines après avoir contracté Delta, malgré un bon taux d'anticorps. Au moment où ils ont attrapé Omicron, ils avaient des anticorps dans le sang, mais leurs cellules n'avaient pas acquis la capacité à fabriquer des anticorps. Apprendre à vos cellules comment on fabrique les anticorps, c'est tout l'intérêt de la vaccination. Encore hier soir, quelqu'un m'a interpellé dans une réunion à vocation politique, me demandant l'intérêt de se faire vacciner puisque ses taux d'anticorps étaient élevés. Toujours et inlassablement, je formule cette même réponse, qui est celle des scientifiques.
Oui, il existe une sensibilité individuelle à la covid, mais cela est vrai pour tous les germes, pour toutes les infections. Dans une famille, il y a toujours quelqu'un qui ne l'attrape pas, quand les autres l'ont. C'est très troublant, mais cela ne fait pas de celui qui ne l'a pas eu un superhéros : cela en fait un simple chanceux.
Je suis bien placé pour en parler, puisque, pendant deux ans, j'ai échappé à la covid, alors que je suis allé dans tous les clusters du pays, dans tous les services de réanimation, dans tous les services d'urgence... Je suis allé partout, y compris au temps où l'on n'avait pas de masque, dans l'Oise, le Grand Est, à Marseille, et je ne l'ai jamais attrapée. On finit par se sentir fort, jusqu'à ce qu'on l'attrape un beau matin sans savoir pourquoi. On n'est ni responsable quand on est malade, ni un superhéros quand on ne l'attrape pas - on est simplement passé entre les gouttes. Cela dit, peu de personnes n'ont pas attrapé Omicron.
Madame la sénatrice, ce ne sont pas « les » médecins, mais « des » médecins qui sont réservés sur la vaccination des enfants. C'est dommage. En Espagne, 50 % des enfants sont vaccinés, soit dix fois plus que chez nous ! La méfiance à l'égard de la vaccination des enfants, qui sont les plus à même de se faire vacciner, est excessive.
Il existe, dans notre pays, un problème conceptuel de confiance en la science. C'est ce explique que l'on ne soit pas capable de déposer un projet de loi pour rendre obligatoire la vaccination contre le papillomavirus, qui est responsable du cancer du col de l'utérus et peut terrasser 700 jeunes femmes en âge de procréer en France chaque année, mais touche aussi les garçons, avec des cancers de la sphère oropharyngée, etc.
Nous devrons, à un moment donné, débattre de ce sujet de manière claire. Cela a été fait par ma prédécesseure lorsque la vaccination contre les maladies infantiles a été rendue obligatoire. On a vu que cela avait soulevé de la colère, mais il faut passer outre, car il y va de l'intérêt de la population. Il ne faut jamais se cacher derrière son petit doigt et il faut être ferme sur les fondamentaux scientifiques.
J'ai fait preuve de cette fermeté en 2020, lorsqu'un certain nombre de parlementaires ne comprenaient pas pourquoi je ne distribuais pas moi-même des plaquettes de chloroquine à tous les malades - ce qui m'aurait valu un joli procès en pénal deux ans plus tard, à l'instar de ce qui s'est passé au Brésil... Or, aujourd'hui, je ne vois pas de commission d'enquête parlementaire sur les raisons pour lesquelles je n'ai pas cédé à toutes les pressions pour que je laisse n'importe qui prescrire de la chloroquine à tout le monde !
S'agissant de la couverture vaccinale des plus de 80 ans, pas moins de 90 % d'entre eux ont reçu une dose, 80 % en ont reçu deux et 75 % ont eu leur dose de rappel.
Peut-on passer du passe vaccinal au passe sanitaire ? Non, d'autant qu'il faudrait une loi pour cela. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'on ne fasse pas un quatorzième texte d'état d'urgence sanitaire. Le temps qu'il soit écrit par les services compétents, analysé par le Conseil d'État et adopté par le Parlement, nous n'aurons, je l'espère, plus besoin du passe !
Madame la présidente, nous continuons à « aller vers » : les centres communaux d'action sociale (CCAS), les associations, les pompiers, les médecins, les infirmières à domicile, les kinés, les sages-femmes, tout le monde le fait. Toute personne qui n'est pas vaccinée se voit proposer le vaccin. On continue de vacciner plusieurs milliers de personnes par jour.
Merci, monsieur le ministre.
Je vous dis à jeudi, devant la commission d'enquête sur la situation de l'hôpital.