Vous m'interrogez sur l'avenir de la science et de la recherche : admettez que ces questions sont assez loin de l'objet des travaux de votre mission d'information !
Il existe plusieurs types de symptômes post-covid persistants. Certains vont disparaître au bout de quelques semaines ; d'autres, au bout de quelques mois. Certains durent depuis 2020 - ce n'est heureusement pas le cas le plus fréquent, mais cela arrive.
La perte du goût et de l'odorat peut durer un peu plus longtemps - je précise que ces troubles se rééduquent par des oto-rhino-laryngologistes (ORL).
Certains patients souffrent d'une dysautonomie, c'est-à-dire d'une dissociation entre leur activité et leur rythme cardiaque. J'ai vu une infirmière marathonienne de trente ans dont la fréquence cardiaque s'élevait à 110 battements par minute au repos. Cela entraîne une fatigue énorme, et une incapacité à faire des efforts physiques. On ne sait pas complètement l'expliquer, mais cela signifie que le virus a réussi à s'infiltrer dans des fibres nerveuses qu'on ne soupçonnait pas qu'il puisse atteindre.
On recense des insuffisances respiratoires chez des gens qui ont eu des formes pulmonaires très graves, avec de grosses pneumonies, des abcès, et qui peuvent conserver des séquelles respiratoires. Il y a d'autres situations, avec des symptômes plus compliqués à catégoriser, avec de l'asthénie, des céphalées...
Il est difficile de vous dire combien sont victimes de symptômes persistants, la vague Omicron ayant beaucoup rebattu les cartes. On ne sait pas, d'ailleurs, si ce variant peut donner des formes longues de covid. Nous développons fortement la recherche.
L'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a lancé deux appels à projets. Le premier a eu lieu en novembre ; le prochain est en mars. Dans le premier, 8 projets ont été acceptés, et l'on déploie dans tous les territoires des centres de prise en charge pluriprofessionnels, associant des médecins, des kinésithérapeutes, des psychologues, pour accompagner ces patients.
Si votre prise de sang montre la présence d'anticorps, cela révèle un contact avec le virus et une immunité humorale : ces anticorps encore en circulation sont susceptibles d'agir contre le virus si celui-ci arrive dans votre corps. Mais, si le virus déjoue vos défenses immunitaires et vous infecte, c'est l'immunité cellulaire, c'est-à-dire la capacité de vos cellules immunitaires à fabriquer de nouveaux anticorps, qui va être déterminante : il faut beaucoup plus d'anticorps que ceux que vous avez de façon résiduelle dans le sang. Or, cela, on ne sait pas le mesurer.
Ainsi, certains ont attrapé Omicron trois semaines après avoir contracté Delta, malgré un bon taux d'anticorps. Au moment où ils ont attrapé Omicron, ils avaient des anticorps dans le sang, mais leurs cellules n'avaient pas acquis la capacité à fabriquer des anticorps. Apprendre à vos cellules comment on fabrique les anticorps, c'est tout l'intérêt de la vaccination. Encore hier soir, quelqu'un m'a interpellé dans une réunion à vocation politique, me demandant l'intérêt de se faire vacciner puisque ses taux d'anticorps étaient élevés. Toujours et inlassablement, je formule cette même réponse, qui est celle des scientifiques.
Oui, il existe une sensibilité individuelle à la covid, mais cela est vrai pour tous les germes, pour toutes les infections. Dans une famille, il y a toujours quelqu'un qui ne l'attrape pas, quand les autres l'ont. C'est très troublant, mais cela ne fait pas de celui qui ne l'a pas eu un superhéros : cela en fait un simple chanceux.
Je suis bien placé pour en parler, puisque, pendant deux ans, j'ai échappé à la covid, alors que je suis allé dans tous les clusters du pays, dans tous les services de réanimation, dans tous les services d'urgence... Je suis allé partout, y compris au temps où l'on n'avait pas de masque, dans l'Oise, le Grand Est, à Marseille, et je ne l'ai jamais attrapée. On finit par se sentir fort, jusqu'à ce qu'on l'attrape un beau matin sans savoir pourquoi. On n'est ni responsable quand on est malade, ni un superhéros quand on ne l'attrape pas - on est simplement passé entre les gouttes. Cela dit, peu de personnes n'ont pas attrapé Omicron.
Madame la sénatrice, ce ne sont pas « les » médecins, mais « des » médecins qui sont réservés sur la vaccination des enfants. C'est dommage. En Espagne, 50 % des enfants sont vaccinés, soit dix fois plus que chez nous ! La méfiance à l'égard de la vaccination des enfants, qui sont les plus à même de se faire vacciner, est excessive.
Il existe, dans notre pays, un problème conceptuel de confiance en la science. C'est ce explique que l'on ne soit pas capable de déposer un projet de loi pour rendre obligatoire la vaccination contre le papillomavirus, qui est responsable du cancer du col de l'utérus et peut terrasser 700 jeunes femmes en âge de procréer en France chaque année, mais touche aussi les garçons, avec des cancers de la sphère oropharyngée, etc.
Nous devrons, à un moment donné, débattre de ce sujet de manière claire. Cela a été fait par ma prédécesseure lorsque la vaccination contre les maladies infantiles a été rendue obligatoire. On a vu que cela avait soulevé de la colère, mais il faut passer outre, car il y va de l'intérêt de la population. Il ne faut jamais se cacher derrière son petit doigt et il faut être ferme sur les fondamentaux scientifiques.
J'ai fait preuve de cette fermeté en 2020, lorsqu'un certain nombre de parlementaires ne comprenaient pas pourquoi je ne distribuais pas moi-même des plaquettes de chloroquine à tous les malades - ce qui m'aurait valu un joli procès en pénal deux ans plus tard, à l'instar de ce qui s'est passé au Brésil... Or, aujourd'hui, je ne vois pas de commission d'enquête parlementaire sur les raisons pour lesquelles je n'ai pas cédé à toutes les pressions pour que je laisse n'importe qui prescrire de la chloroquine à tout le monde !
S'agissant de la couverture vaccinale des plus de 80 ans, pas moins de 90 % d'entre eux ont reçu une dose, 80 % en ont reçu deux et 75 % ont eu leur dose de rappel.
Peut-on passer du passe vaccinal au passe sanitaire ? Non, d'autant qu'il faudrait une loi pour cela. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'on ne fasse pas un quatorzième texte d'état d'urgence sanitaire. Le temps qu'il soit écrit par les services compétents, analysé par le Conseil d'État et adopté par le Parlement, nous n'aurons, je l'espère, plus besoin du passe !
Madame la présidente, nous continuons à « aller vers » : les centres communaux d'action sociale (CCAS), les associations, les pompiers, les médecins, les infirmières à domicile, les kinés, les sages-femmes, tout le monde le fait. Toute personne qui n'est pas vaccinée se voit proposer le vaccin. On continue de vacciner plusieurs milliers de personnes par jour.