Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 février 2022 à 9:5
Enquête de la cour des comptes sur la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes — Audition de M. Pierre Moscovici premier président de la cour des comptes

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, présidente :

Dans le cadre de la mission d'information sur l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19, nous entendons à présent le professeur Henrik Ullum, directeur et le docteur Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention des maladies infectieuses, du Statens Serum Institut (SSI) au Danemark pour notre dernière audition avant la présentation du rapport.

Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande. Je salue ceux de nos collègues qui participent à cette réunion à distance.

Le Danemark a procédé récemment à la levée d'un certain nombre de restrictions, dont le « Coronapas » à la faveur de l'amélioration des indicateurs épidémiologiques.

À travers cette audition, nous souhaiterions connaître le type d'informations que votre institut collecte et comment il les rend disponibles pour le Gouvernement et le grand public, les indicateurs retenus pour évaluer le Coronapas dans le contexte épidémique et, enfin, votre analyse sur la contribution du Coronapas dans la réponse à l'épidémie.

Pr Henrik Ullum, directeur du Statens Serum Institut. - Le SSI est chargé de la surveillance des maladies infectieuses au Danemark ; c'est l'équivalent de l'Institut Pasteur en France.

Le Danemark a, je le pense, réussi la gestion de la pandémie. Concernant les événements les plus récents, certains scientifiques ont peut-être mal compris notre message : nous avions seulement estimé que la situation était plutôt bonne pour le moment.

Nous avons réussi à traverser cette pandémie sans surmortalité excessive ; l'économie se porte bien et nous sommes arrivés à un certain niveau de consensus et de confiance sociale. Il y a eu quelques manifestations, mais pas de situation véritablement problématique.

Cette réussite est due à différents facteurs. Nous avons testé différentes possibilités, par exemple des tests pratiqués sur 20 % de la population chaque semaine ; nous avons un système de surveillance très robuste, avec des données transmises immédiatement au Gouvernement comme au grand public. Cela a permis de démocratiser nos solutions dans la gestion de la pandémie.

Nos sociétés scandinaves ont un haut niveau de confiance sociale : tout le monde est prêt à agir pour le bien commun. Beaucoup de citoyens étaient prêts à se faire vacciner rapidement, pour protéger l'ensemble de la société. Cela a joué un rôle capital dans la réouverture de la société.

Dr Marianne Voldstedlund, responsable de la prévention du Statens Serum Institut. - Je m'efforcerai de répondre à une partie de vos questions, très pertinentes, dans ma présentation. Nous avons très bien géré la pandémie : la surmortalité toutes causes confondues a été très faible. Il est toutefois difficile de comparer les situations entre pays, car certains testent beaucoup et d'autres peu.

Comment le Danemark a-t-il réussi à gérer la pandémie ? D'abord, grâce à la conviction que le contrôle et les mesures de restrictions ne doivent pas mettre à mal l'économie. Ensuite, notre système de surveillance repose sur un triptyque : une infrastructure informatique robuste, une transmission électronique de données en temps réel, une tradition de collaboration de longue date entre les parties prenantes. Cela a été très utile en période de crise.

Nous avons rendu les tests gratuits et fortement augmenté nos capacités dans ce domaine. Les contaminations ont été très strictement contrôlées, les cas positifs ont été isolés. Un faible nombre de personnes ont préféré ne pas se faire tester. Nous avons pu identifier rapidement les foyers d'infection, en mettant en place le contact tracing. Les personnes malades s'isolaient volontairement, sans que le Gouvernement ait besoin d'émettre des recommandations.

La dissémination systématique des données a permis une transmission en temps réel à tous les niveaux du Gouvernement mais aussi aux écoles, au grand public et à la presse. C'est le fondement de la culture de la confiance.

Nous avons partagé non seulement les données, mais aussi nos sujets de préoccupation, notamment sur la vaccination. Nous avons ainsi placé notre confiance dans la capacité du peuple à comprendre les différences entre vaccins et le concept de risque. Les pouvoirs publics ont eu le courage de partager une information complexe sur le vaccin et ses effets secondaires.

La population a, en retour, fait confiance au Gouvernement, en estimant que si le vaccin n'était pas sûr, il aurait été retiré rapidement. Les habitants ont eux-mêmes demandé des tests, se faisant acteurs des recommandations des autorités.

Ce système n'aurait pas fonctionné sans solutions numériques centrées sur les citoyens, simples à utiliser et sans danger.

Le système de surveillance est basé sur une multiplicité de sources : la MiBa, la base de données microbiologique recensant tous les résultats de tests, positifs et négatifs, le registre danois de vaccination qui comporte la date de vaccination et le type de vaccin, le registre national des patients comportant les admissions à l'hôpital et en soins intensifs, sans compter d'autres registres comme celui des écoles, des crèches, des professions. Nous pouvons ainsi suivre l'évolution du covid au sein de la population âgée ou de celle des chauffeurs de bus.

Nous avons testé jusqu'à 10 % de la population par jour. Nous avons partagé ces données plusieurs fois par jour, avec toutes les parties prenantes.

Ainsi les fake news sont rares : nous avons gagné la confiance de la population, chacun est informé au même niveau et peut prendre des décisions éclairées.

Les décisions essentielles ont été prises avant la pandémie : ainsi, il y avait déjà un système en place lorsque la crise est survenue. L'une des sources principales de ce système est la MiBa, qui reçoit en temps réel les données microbiologiques : tests positifs et négatifs, pour le covid ou la grippe.

Au Danemark, le système de surveillance couvre les hôpitaux privés comme publics, les cliniques et les médecins de ville.

En 2020, nous avons constitué d'énormes capacités de tests. En 2021, des sociétés privées se sont jointes à nos travaux. Au printemps, nous avons commencé les tests dans les écoles, les centres, les universités, avec des résultats remontés en temps réel.

Pour construire des statistiques au niveau d'un pays, il ne faut pas seulement construire des laboratoires : il faut aussi organiser les flux. Tous les rapports passent par la MiBa et tous les patients et médecins ont accès aux rapports. La MiBa fait aussi un lien avec le système de surveillance.

Au moment du covid, il a donc suffi de connecter les nouvelles données à une infrastructure déjà en place, avec des flux de données structurés. C'était une forme de plug and play.

Il a donc été aisé d'élaborer ce Coronapas. Les solutions numériques n'existaient pas toutes, mais la collaboration était là ; elle a été construite sur une durée de 25 ans. On ne peut pas tout construire en période de crise. C'est également vrai pour le registre de vaccination danois (DDV), qui existe depuis 2010. Les généralistes, lorsqu'ils font un vaccin, l'enregistrent immédiatement dans le système. La MiBa et le DDV sont entièrement intégrés aux systèmes informatiques des généralistes et des hôpitaux.

Les données recueillies sont ensuite traitées grâce à des algorithmes complexes. Nous pouvons aussi les visualiser sous la forme de tableaux de bord et de cartes, qu'il est possible à tout un chacun de télécharger. La presse reçoit ces données en temps réel, mises à jour, avec des systèmes de visualisation disponibles pour les journaux et les réseaux sociaux. C'est un avantage considérable : la presse nous aide à partager l'information.

Ces données alimentent des rapports, des statistiques. Nous utilisons des indicateurs clés au quotidien.

Un système appelé Automail a été mis en place début 2020. Chacun pouvait recevoir, sur son téléphone, jusqu'à cinq courriels par jour l'informant de l'évolution du nombre de cas. Aujourd'hui, des statistiques plus élaborées sont présentées. Nous mettons notamment à disposition des cartes GIS à l'échelle des municipalités.

Pr Henrik Ullum. - Nous avons mis en place des modélisations de l'évolution de l'épidémie. Globalement, nos prévisions se sont réalisées. Nous avions anticipé une baisse du nombre de cas journaliers à partir de début février dans les zones les plus infectées, comme le grand Copenhague. C'est ce qui s'est produit, grâce à l'immunité hybride acquise par les vaccins et par l'infection. La situation est restée gérable : nous avons aujourd'hui trente personnes en réanimation et 50 000 infections.

Il y a eu trois vagues principales de mortalité au cours de la pandémie. Le premier indicateur utilisé est celui des personnes décédées trente jours après un test positif ; mais cela ne permet pas au médecin de dire si la mort a été causée par le covid.

Il est préférable de mettre en regard le nombre de décès et de contaminations avec le nombre de tests réalisés. Cela nous a permis de déterminer qu'il n'y avait pas eu de surmortalité excessive liée à la covid-19.

Nous avons aussi considéré les admissions à l'hôpital pour cause de covid, et les tests pratiqués sur les malades déjà admis. La proportion de patients positifs admis à l'hôpital pour d'autres raisons a augmenté : elle est aujourd'hui de 50 %.

Le principal problème, pour notre système de santé, a été que le personnel médical est tombé malade, et non la pression exercée par la pandémie sur le système hospitalier.

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