Intervention de Chantal Deseyne

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 février 2022 à 9:5
Enquête de la cour des comptes sur la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes — Audition de M. Pierre Moscovici premier président de la cour des comptes

Photo de Chantal DeseyneChantal Deseyne, rapporteur :

Le 17 décembre 2021, le Premier ministre a annoncé la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal. Cette annonce s'est traduite par la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, après des péripéties qu'il n'est pas nécessaire de rappeler. Le Sénat, en responsabilité, a adopté l'article 1er à une très large majorité de 242 voix contre 69.

Les anticipations de l'évolution de l'épidémie, confirmées depuis, appelaient une nouvelle étape dans les réponses apportées. Je rappelle que nous étions alors à l'amorce d'une cinquième vague du variant Delta qui s'annonçait particulièrement violente avec un virus à la fois très transmissible et très dangereux. Sur le terrain de la vaccination, il y avait une bonne et une mauvaise nouvelle : la vaccination se révèle très efficace face au variant, mais la réponse immunitaire qu'elle apporte s'estompe avec le temps, nécessitant une dose de rappel. L'ampleur annoncée de la vague n'a pas été démentie et elle s'est abattue sur un système hospitalier fragilisé à la fois par des difficultés structurelles et par deux années de lutte contre l'épidémie.

Lors de l'annonce du passe vaccinal, nous savions encore très peu de choses du variant Omicron. Entendu le 30 novembre par la mission d'information « confinement », présidée par notre collègue Bernard Jomier, le professeur Yazdanpanah déclarait : « S'agissant du variant Omicron, il nous faut rester humbles, car nous avons peu d'éléments : s'il semble plus transmissible, nous ne connaissons pas son impact sur la sévérité de la maladie ni sur l'efficacité des vaccins et des traitements. »

Au cours du mois qui a séparé l'annonce de la mesure de la promulgation de la loi, la situation et les connaissances ont évolué très vite. La France, on le sait, a eu pour caractéristique de connaître la superposition de deux vagues : celle du variant Delta, complétée et prolongée par celle du variant Omicron.

Dès le vote du texte, le Sénat a annoncé son intention de suivre la mesure. Le 20 janvier 2022, il a octroyé à la commission des affaires sociales les pouvoirs d'une commission d'enquête afin d'examiner l'adéquation du passe vaccinal à l'évolution de l'épidémie de covid-19.

Un mois plus tard, nous vous présentons nos conclusions, ce calendrier étant motivé tant par l'évolution de la situation que par la multiplication des annonces et la suspension prochaine des travaux parlementaires en séance publique.

Nous ne sommes ni épidémiologistes, ni modélisateurs, ni experts. Pour répondre à la question qui nous était posée, notre méthode a été la suivante. Nous avons tout d'abord pris comme feuille de route la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2021. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré que « ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l'accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d'aller et de venir et, en ce qu'elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions ». Il a toutefois estimé que le législateur avait « poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé », les dispositions contestées opérant « une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles ». Il a également estimé qu'en l'état des connaissances scientifiques disponibles, la vaccination permettait de limiter la transmission de la maladie et le développement des formes graves. Il a également observé que le dispositif était borné dans le temps, jusqu'au 31 juillet 2022.

Il a ensuite dessiné une forme de « tableau de bord de l'épidémie » dans les termes suivants : « En outre, les mesures contestées ne peuvent être prises que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. »

Forts de cette feuille de route, nous avons ensuite arrêté une méthode très simple et décidé d'interroger les différents acteurs institutionnels du dossier sur les indicateurs retenus pour apprécier l'efficacité du passe vaccinal au regard des objectifs qui lui avaient été assignés.

Cette méthode était sans doute trop simple puisque c'est là où les choses ont commencé à se compliquer. Il est très vite apparu qu'il serait très difficile d'isoler les effets du passe vaccinal des autres instruments de lutte contre l'épidémie.

Le passe poursuivait un double objectif : limiter les contaminations en réduisant l'accès des personnes non vaccinées à certains lieux et préserver le système de soins en réduisant les tensions sur le système hospitalier par une incitation forte à la vaccination sans toutefois y contraindre. L'objectif final reste, comme tout au long de cette épidémie, de permettre aux capacités hospitalières de prendre en charge les patients covid sans pour autant compromettre les chances de patients atteints d'autres pathologies.

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