Intervention de Olivier Henno

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 février 2022 à 9:5
Enquête de la cour des comptes sur la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes — Audition de M. Pierre Moscovici premier président de la cour des comptes

Photo de Olivier HennoOlivier Henno, rapporteur :

Publié le 17 février dernier, le dernier point épidémiologique de Santé publique France, qui porte sur la semaine du 7 au 13 février relève les éléments suivants.

Le taux d'incidence est de 1 367 cas pour 100 000 habitants, soit 917 313 nouveaux cas confirmés, et le taux de positivité est à 28,1 % en baisse dans toutes les classes d'âge. Le fameux « R » s'élève à 0,59 %.

Les nouvelles hospitalisations baissent dans l'ensemble des régions, avec 11 699 nouvelles hospitalisations, de même que le nombre de nouvelles admissions en soins critiques dans la quasi-totalité des régions, avec 1 415 nouvelles admissions en soins critiques. Le 15 février 2022, 31 160 patients covid étaient hospitalisés en France dont 3 248 en services de soins critiques, contre 3 568 le 8 février, soit une baisse de 9 %, ce qui nous ramène au niveau de la fin novembre.

Mais la mortalité reste toujours élevée avec plus de 800 décès par semaine.

Sur le terrain de la vaccination, 79,1 % de la population totale a reçu une primo-vaccination complète ; 81,3 % des personnes éligibles ont reçu une dose de rappel, 90,7 %parmi les 65 ans et plus.

Pour ce qui concerne les nouvelles primo-injections, l'effet du passe vaccinal, qui n'a jamais été massif, s'essouffle. Alors que 326 000 primo-injections ont été réalisées du 16 au 31 janvier, on n'en compte plus que 140 000 entre le 1er et le 16 février. On peut penser que les hésitants ont été convaincus, mais que les opposants persistent et persisteront.

L'ensemble des indicateurs épidémiologiques nous semblent, sinon satisfaisants, du moins bien orientés et nous conduisent à préconiser de lever sans délai le passe vaccinal, c'est la première de nos recommandations.

Instruits par les précédentes vagues, nous envisageons cette décision avec prudence. Le professeur Delfraissy nous a rappelé, non sans humour, que l'intitulé de l'avis du Conseil scientifique du 5 octobre 2021, était : Une situation apaisée : quand et comment alléger ? Nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux développements de l'épidémie, sous l'effet notamment, de l'apparition d'un nouveau variant.

Nous disons d'emblée qu'en levant le passe, il faut préciser les conditions d'une réversibilité de cette décision, en cas de diffusion d'un nouveau variant aux caractéristiques inquiétantes. Nous précisons aussi que la levée du passe vaccinal ne signifie pas la levée du passe sanitaire dans les hôpitaux ni de l'obligation vaccinale pour les soignants. L'épidémie n'est pas terminée.

Interrogé sur la levée des mesures et sur leur effet sur les libertés publiques, le même professeur Delfraissy nous a dit deux choses qui nous ont marqués.

La première, c'est « qu'il est toujours plus facile, comme en médecine, de prescrire de la restriction que de la liberté. »

La seconde, c'est qu'« un autre critère, bien sûr, sera l'acceptabilité des mesures par nos concitoyens, qui est fondamentale depuis le début de la crise. Pour l'instant, les Français ont accepté des choses extraordinaires. Jusqu'à quel point ? » La question de la proportionnalité des mesures est tout à fait essentielle. Il nous semble, compte tenu des indicateurs évoqués précédemment, mais surtout de leur orientation favorable, cette proportionnalité n'est aujourd'hui pas garantie.

Autre élément, si l'effet du passe s'est amoindri avec le temps, il est bien évident que l'annonce de sa levée prochaine ne va pas contribuer à convaincre les opposants à la vaccination. Si le passe produit des effets dès son annonce, il en produit aussi dès l'annonce de la levée.

Nous pensons qu'il faut impliquer le Parlement dans cette décision, en veillant à un certain formalisme qui représente une garantie de transparence pour nos concitoyens. C'est notre deuxième recommandation.

Comme cela a été le cas pour le déconfinement, nous préconisons un débat au Parlement en application de l'article 50-1 de la Constitution. Ce débat doit permettre de préciser les indicateurs à retenir pour le suivi de l'épidémie, ce que le Gouvernement avait refusé d'inscrire dans la loi, les conditions de la réversibilité éventuelle de la levée du passe vaccinal ou encore les lieux dans lesquels il conviendrait de maintenir un passe sanitaire compte tenu de la vulnérabilité particulière des personnes qui le fréquentent ou d'un risque de contaminations hors norme. Il doit aussi être l'occasion de définir un pilotage de l'épidémie qui ne passe plus par le conseil de défense. Nous ne sommes pas en guerre, nous luttons contre un virus et ses effets sur notre système de santé.

En période de suspension des travaux en séance publique, nous pourrions envisager une présentation de ces allègements par le ministre devant notre commission, élargie à l'ensemble des sénateurs.

En troisième lieu, nous recommandons d'axer les efforts dans la lutte contre l'épidémie sur les populations les plus fragiles, qu'il s'agisse de personnes âgées, précaires ou présentant des comorbidités. Pour elles, l'épidémie n'a pas changé de visage et le virus représente une menace bien présente.

L'aller-vers par le truchement des médecins traitants n'ayant connu qu'un succès mitigé, nous préconisons que ce soit l'assurance maladie qui effectue ce travail, comme elle le fait pour d'autres vaccinations ou d'autres mesures de prévention. Il faut peut-être aussi orienter la communication en direction des proches et des familles qui ont joué un rôle décisif dans des pays voisins, comme l'Espagne.

Nous préconisons enfin une politique plus systématique et plus volontariste envers les 300 000 personnes immunodéprimées de notre pays, qui vivent un confinement forcé depuis maintenant 2 années. Elles doivent se voir systématiquement proposer des traitements préventifs, ce qui n'est pas le cas actuellement et il faut encourager la recherche au profit de ces personnes pour lesquelles l'enjeu n'est pas le libre choix face au vaccin, mais bien l'impossibilité de bénéficier de la protection qu'il procure.

À l'heure où le pays s'apprête à alléger les mesures de restrictions et à retrouver une vie plus normale, c'est d'abord à ces personnes pour qui le risque est toujours bien présent, que nous devons d'abord penser.

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