Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, comme chaque année, le rapport public annuel de la Cour présente des éléments sectoriels très intéressants.
Ma collègue Isabelle Briquet reviendra au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur la question importante de la jeunesse. Pour ma part, je centrerai mon propos sur une approche générale des finances publiques.
Je partage l’avis de la Cour quand elle souligne que la persistance d’un déficit structurel n’est pas viable, même si, bien sûr, la mise en œuvre d’un redressement trop brutal des finances publiques, après le « quoi qu’il en coûte » mis en place pour répondre à cette crise, n’est pas souhaitable. C’est l’un des enseignements de la sortie en partie manquée de la crise de 2008.
Je note aussi la critique de la Cour sur la qualité des prévisions budgétaires du Gouvernement, qui pose question. Certes, il régnait une grande incertitude ces derniers mois, mais le procédé qui consiste à émettre des hypothèses tellement pessimistes que, en fin de compte un déficit très élevé, mais moins mauvais que prévu, est présenté comme une bonne nouvelle, est trompeur vis-à-vis des citoyens comme du Parlement. Nous l’avions d’ailleurs dit lors de la discussion budgétaire.
Comme tout le monde, je partage aussi l’idée qu’il faut dépenser mieux. Mais est-ce toujours possible en dépensant moins, comme le préconise la Cour ?
Pour les grands services publics qui doivent redevenir la priorité de la Nation – je pense en particulier à l’école, à l’hôpital public –, permettez-moi d’en douter.
On ne peut pas aborder les enjeux budgétaires sans poser la question de l’érosion des recettes publiques, comme vient de le faire le président Claude Raynal. On ne peut pas non plus faire abstraction de la capacité contributive des entreprises et des plus riches de nos concitoyens, surtout quand on constate une telle augmentation des inégalités, l’explosion des profits de certaines grandes entreprises, la hausse de la distribution des dividendes et l’importance des aides à la production sans aucune conditionnalité.
Il faut donc réfléchir – les socialistes n’ont cessé de le dire – non seulement aux dépenses, mais aussi aux recettes, en particulier à l’utilité de chacune des niches fiscales, qui grèvent les recettes de l’État. Un levier a été identifié par le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport sorti au début du mois, celui d’une réforme en profondeur du crédit d’impôt recherche. Cette piste devra inspirer le prochain projet de loi de finances et notre travail dans ce domaine.
De même, et c’est l’un des rares points positifs de cette campagne présidentielle pour le moment, la question des droits de succession revient sur le devant de la scène, c’est-à-dire celle de la reproduction des inégalités de patrimoine. Il y a tant de progrès à faire en ce domaine, sans pour autant entraver la croissance.
Pendant cinq ans, le Gouvernement s’est entêté à mettre en œuvre une politique de l’offre, à laquelle une pandémie d’ampleur inédite s’est ajoutée. Le résultat est là : pour 2022, le déficit public s’établirait à 5 % du PIB, la dette publique à 113, 5 % du PIB.
Bien entendu, la crise sanitaire y est pour beaucoup. Mais dès avant la crise, les bases étaient très dégradées, car le « ruissellement » était resté un mythe et l’État avait été appauvri par une politique fiscale injuste.
Il est donc nécessaire d’en finir avec le « en même temps » budgétaire, qui creuse le déficit et reporte les dépenses sur les générations futures. Il est temps de mettre enfin de la cohérence dans la gestion des finances publiques, de faire des choix politiques courageux et qui ne se limitent pas aux dépenses.
Tel est l’enjeu qui est aujourd’hui devant nous. Je salue à cet égard le travail de la Cour des comptes, car il éclaire les parlementaires et, à travers eux, les Français qui devront y répondre.