Intervention de Didier Rambaud

Réunion du 24 février 2022 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Didier RambaudDidier Rambaud :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, depuis 190 ans, la Cour des comptes remet chaque année son rapport public annuel. Celui-ci constitue désormais un rendez-vous incontournable de notre vie démocratique et une vigie financière pour l’État et ses administrations.

Ce n’est pas un hasard si l’avis de la Cour est respecté de tous ; ses rapports n’hésitent pas à pointer les insuffisances des administrations publiques, afin d’orienter l’État et les gouvernements qui se succèdent, tous autant qu’ils sont, dans le but d’améliorer l’efficacité des politiques publiques.

L’an dernier, à cette même tribune, je rappelais les deux principaux axes du rapport 2021, qui, d’une part, soulignait que la crise avait révélé les fragilités structurelles de l’État et de ses opérateurs, et qui, d’autre part, saluait la réactivité inédite de nombreuses administrations et organismes publics ayant su s’adapter avec une remarquable énergie.

Cette année, le rapport que remet la Cour s’inscrit une fois encore dans cet esprit. Les constats sans appel qu’elle présente nous invitent à la vigilance.

Comme l’a rappelé le Premier président devant l’Assemblée nationale, « il ne s’agit pas seulement d’évaluer notre action dans l’urgence, mais d’apprécier notre résilience et notre capacité à remédier aux faiblesses structurelles que la crise a révélées ou accentuées ». C’est précisément ce point que je souhaite développer devant vous.

Je commencerai par l’un des principaux enseignements de ce rapport. Nous faisons face à un problème structurel : chaque crise crée un effet de cliquet sur les dépenses publiques. À l’issue de la crise, les dépenses, y compris structurelles, se retrouvent toujours plus élevées qu’avant.

Certains font mine ici de l’avoir oublié, mais ce qui était vrai durant le quinquennat Sarkozy l’est également sous ce quinquennat, comme la Cour l’a indiqué.

Il n’en demeure pas moins que le problème de fond doit et devra être abordé indépendamment de tout débat partisan. Il faut éviter toute passe d’armes politique sur le sujet et tâcher d’apporter une réponse structurelle.

Forts de ce constat, il nous faut réformer l’État pour libérer des marges de manœuvre budgétaires en période de croissance, ce qui nous permettra d’apporter une réponse d’ampleur en cas de crise sans menacer pour autant l’équilibre à moyen et long terme de nos finances publiques.

C’est un enjeu de réforme structurelle, qu’a rappelé Bruno Le Maire il y a quelques jours devant notre commission des finances. D’ailleurs, vos déclarations au sujet de la réforme des retraites, de l’assurance maladie ou encore de la politique de l’emploi, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, vont dans ce sens.

Mes chers collègues, en réalité, nous devons agir sur chacun des secteurs de l’action publique, à l’image de la réflexion de la Cour, qui, au travers de dix-neuf chapitres, aborde différents sujets sectoriels, soit parce que les enjeux sont particulièrement décisifs, soit parce qu’ils illustrent avec justesse les problèmes structurels dont nous parlions.

Bien souvent, ces problèmes ne sont pas récents. Quand ils le sont, ils trouvent leur origine dans des décennies d’incurie et de négligence de la part des pouvoirs publics et des gouvernements successifs. Il nous a fallu protéger nos concitoyens de leurs conséquences, et ce n’était pas au plus fort de la crise que nous pouvions les résoudre.

Mais, aujourd’hui, il est essentiel de tirer les enseignements de cette pandémie pour y répondre durablement dans les mois et années à venir.

Parmi ces sujets, j’en évoquerai deux qui me tiennent particulièrement à cœur : les aides au secteur sportif et le soutien apporté aux stations de moyenne montagne.

La Cour a souligné le « volontarisme de l’État » et des collectivités durant la crise en faveur du monde sportif. Néanmoins, ce secteur souffre de longue date de son éclatement et de la multiplication des interlocuteurs institutionnels, qui rendent difficile une réponse claire et uniforme.

C’est un problème que je connais également bien en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture ». Dans ce domaine comme dans celui du sport, il nous faudra élaborer les outils permettant de suivre au plus près l’action de l’État et des collectivités, et ce afin de doter les pouvoirs publics de véritables instruments de pilotage des aides et de rendre plus lisibles et plus efficaces la multitude de dispositifs mis en place, qu’il s’agisse d’apporter un soutien structurel ou de répondre aux crises qui pourraient survenir.

Nous touchons là à un enjeu de contrôle et d’évaluation des politiques publiques et sommes au cœur de notre rôle de parlementaires.

S’agissant ensuite des stations de moyenne montagne, là encore le problème n’est pas nouveau et la crise a agi comme un révélateur de leur fragilité grandissante.

Je l’ai constaté dans mon département, en Isère, au plus fort de la crise. Il est indispensable que nous travaillions à réinventer leur modèle économique et que nous accompagnions leur transformation pour les aider à retrouver leur santé financière. C’est toute l’ambition du plan Avenir montagnes, que je suis avec attention depuis son lancement.

Enfin, je ne peux évidemment pas faire l’impasse sur la gestion de la crise dans les Ehpad.

Faiblesse du taux d’encadrement, faiblesse de la médicalisation, vétusté des équipements, les difficultés structurelles sont nombreuses. L’effort de l’État est pourtant considérable et en nette augmentation en 2022, avec plus de 14, 3 milliards d’euros consacrés aux personnes âgées.

Cet effort ne constitue cependant pas une réponse suffisante, car nous ne pouvons ignorer la nécessité de mieux piloter un secteur trop longtemps éloigné du contrôle de l’État. Le récent scandale qui a éclaté en est la triste preuve.

Tels sont les défis qui nous attendent et qui devront occuper nos débats au cours des semaines qui viennent. Il s’agit d’enjeux fondamentaux pour notre démocratie, pour la continuité de l’action de l’État et pour les générations à venir.

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