Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 24 février 2022 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, je tiens avant tout à vous remercier pour la rédaction de ce rapport et la qualité de votre travail, qui participe à la transparence de la vie publique et qui nous éclaire.

Par votre rapport, vous nous alertez sur le fait que, si l’activité économique de la France a dépassé son niveau d’avant-crise, notre pays connaît néanmoins un déficit structurel sans précédent, équivalent à 5 % de notre PIB, et une dette publique à hauteur de 113, 5 % de notre PIB.

Ces chiffres sont la conséquence des baisses des prélèvements obligatoires et de la mise en œuvre de nouvelles dépenses publiques pérennes en 2021 et 2022.

Au sein de la zone euro, la France fait dorénavant partie des mauvais élèves qui ne respectent pas la règle d’or, à l’inverse de pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche, dont la dette est inférieure à 80 % du PIB et le déficit structurel égal à 3 %.

Comme vous le mentionnez, le Gouvernement se fixe l’objectif de rétablir le déficit public sous les 3 points de PIB et de ramener le ratio de la dette publique sur une trajectoire descendante en 2027 seulement.

Seuls trois moyens existent pour y parvenir et nous permettre de conserver notre crédibilité auprès de nos partenaires européens.

Le premier consiste à augmenter les prélèvements obligatoires. Le deuxième est de diminuer les dépenses publiques. Le troisième revient à créer de la richesse pour retrouver la croissance et la maintenir à un niveau élevé.

Ce dernier outil est notre planche de salut. Son meilleur indicateur est la balance commerciale, qui n’est malheureusement pas mentionnée dans votre rapport. La France doit impérativement cesser la politique mortifère de la désindustrialisation et faire du travail et du mérite une priorité.

Mardi dernier, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, nous a avoué, en commission des finances, que le déficit sans précédent de notre balance commerciale était le point noir, mais qu’il était pour moitié lié à la hausse du coût de l’énergie.

Il a de nouveau occulté la baisse de compétitivité des entreprises et la politique énergétique désastreuse menée par le Gouvernement au cours de ce quinquennat.

Le nucléaire en est le parfait exemple. Je pense à la fermeture de Fessenheim §en début de mandat, qui a marqué la fin du nucléaire en France, puis à cette volte-face à deux mois de l’échéance présidentielle.

Pendant que nous achetions de l’énergie carbonée à l’Allemagne, nous n’investissions plus dans la recherche et l’innovation, pourtant garantes de notre efficacité et de notre avenir énergétique. Que de temps perdu ! Que d’argent perdu ! Cette politique à court terme ne sert pas les Français : l’intérêt électoral passe avant, mais à quel prix ?

Aujourd’hui, notre balance commerciale est fortement déficitaire à cause d’une politique de protection du pouvoir d’achat qui a été menée au détriment du travail et du mérite.

Aujourd’hui, 17 % des jeunes ne travaillent pas et n’étudient pas. Le confort des aides sociales leur a fait oublier l’exigence qui veut que, pour avoir de l’argent, il faut produire de la richesse ! Je m’inquiète pour notre avenir…

Nous n’encourageons plus le mérite et ne reconnaissons plus la valeur du travail. Nos entreprises délocalisent ou se font racheter pour aller produire à bas coût à l’étranger. C’est la conséquence directe du coût de la main-d’œuvre, des normes, des impôts et des taxes. Augmenter à nouveau ces prélèvements ne ferait qu’amplifier la dégradation de la balance commerciale.

Nous continuons à désavantager nos entreprises en produisant trop de normes et en surtransposant, pratiques que ce gouvernement avait pourtant promis de faire cesser.

Il n’est pas rare d’entendre que ce gouvernement est celui qui a réduit le plus les prélèvements obligatoires depuis le début de la Ve République. Certes, c’est vrai : il a diminué les impôts sur les sociétés, et le montant des prélèvements obligatoires est alors passé de 45 % à 43, 5 %. Mais cette diminution n’a de sens au regard de la dette que si les dépenses publiques baissent dans le même temps. Or cela n’a jamais été le cas, bien au contraire !

Dans le rapport, il est souligné que les dépenses publiques hors covid n’ont fait qu’augmenter tout au long du quinquennat : 560 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, dont 165 milliards d’euros seulement sont liés au covid.

Il est donc nécessaire, comme vous le mentionnez, de réduire les dépenses publiques de 9 milliards d’euros supplémentaires par an. Pour ce faire, il faut réformer, mais ce n’est pas le fort de ce gouvernement – je tiens à le dire. Souvenez-vous de la réforme des retraites, entre autres…

Je constate que le Gouvernement n’est jamais parvenu à faire des économies dès lors qu’il a été question de prendre le risque de diminuer le confort des Français. Encore une fois, l’exécutif ne pense qu’à court terme et relègue ces mesures impopulaires à ses successeurs. Or la France ne peut plus se le permettre, car la dette que nous avons contractée nous y oblige.

Reste la croissance. Même si celle-ci est supérieure aux prévisions figurant dans le projet de loi de finances pour 2022, elle reste inférieure à la décroissance provoquée par le covid. Le Gouvernement nous explique que cette croissance sera de 1, 35 % à partir de 2023, prévision sûrement basse compte tenu de l’inflation, bien que nous ignorions encore les effets de l’influence de l’Allemagne au sein de la Banque centrale européenne sur les taux d’intérêt.

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