Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 24 février 2022 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord quelques mots, au nom du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, pour témoigner notre plein soutien et notre solidarité au peuple ukrainien, aujourd’hui victime de l’invasion russe.

Je vous remercie, monsieur le Premier président, pour ce rapport public annuel, qui, comme toujours, vient centrer notre intérêt sur l’analyse de la situation des comptes publics de notre pays.

Bien évidemment, nous ne méconnaissons pas les questions fondamentales qui se posent à la France en termes de finances publiques au lendemain de cette crise : importance de la dette, augmentation éventuelle des taux, risques d’inflation. Mais, comme le disait fort justement le président Raynal, la situation serait certainement autre si nous ne nous étions pas privés de recettes fiscales au fil du quinquennat. Un montant de 50 milliards d’euros a été évoqué, me semble-t-il : cela ferait tout de même une grosse différence !

Un élément demeure néanmoins dans ce rapport, que je ne parviens pas à comprendre.

Alors que l’Insee nous apprend que la France affiche désormais un taux de pauvreté inédit depuis 1979, j’avoue ne pas comprendre les cinq priorités de redressement proposées par la Cour des comptes. Retraites, assurance maladie, politique de l’emploi, logement, minima sociaux : elles ne touchent que les travailleurs, les pauvres ou les demandeurs d’emploi !

N’y a-t-il pas, dans les dépenses publiques et la politique fiscale actuelles, d’autres marges de manœuvre pour répondre au grand enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique dans la justice sociale ? À notre sens, il y en a.

Avant tout, la politique fiscale des cinq dernières années a réduit les impôts des plus riches, notamment des 10 % les plus riches et, surtout, des 1 % les plus riches, tout en appauvrissant les plus pauvres des Françaises et des Français. Nous avons ainsi donné carte blanche aux classes sociales les plus climaticides et réduit le pouvoir de vivre de ceux qui, parmi les ménages modestes, étaient le plus en difficulté.

Oui, il y a d’autres options possibles en dehors de la réduction des dépenses sociales.

Je pense à une grande réforme fiscale, instaurant un impôt sur la fortune climatique ou mettant en œuvre une évolution de l’impôt sur le revenu favorable aux ménages modestes et demandant davantage d’efforts aux 10 % les plus aisés de notre pays.

Et puis, quand on s’interroge sur l’efficacité des dépenses publiques, il faudrait regarder avec plus d’acuité les dizaines de milliards d’euros donnés chaque année – hors crise – à nos entreprises. Certains parlent de 140 milliards d’euros accordés annuellement sans aucune efficacité prouvée sur l’emploi et sans aucune exigence au regard de la lutte contre le réchauffement climatique.

Bien entendu, on peut évoquer les aides et subventions visant à aider certaines industries à se décarboner. Mais combien de milliards d’euros sont distribués chaque année dans notre pays sans aucune exigence sociale ou environnementale ? C’est là, nous n’avons de cesse de le dire, une grande responsabilité du Gouvernement et d’Emmanuel Macron : nous arrosons le sable avec l’argent public, jeté à tout vent, alors même que nous devrions avoir à l’esprit l’enjeu majeur que constituent les transitions à mener.

Voilà pourquoi, au sein du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, nous sommes dans l’incompréhension par rapport aux cinq pistes de redressement évoquées, alors que bien d’autres – je viens de citer les deux principales – pourraient être explorées.

Ces propositions nous semblent à côté des enjeux et de la réalité sociale. Nous devrions tant faire pour raffermir la cohésion sociale, au travers de la justice sociale et des services publics !

Lorsque nous l’avons auditionné autour de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, j’ai demandé à M. Bruno Le Maire où il comptait faire les coupes budgétaires. Il m’a répondu que les services publics pouvaient être réformés, notamment par la dématérialisation. Comme le phénomène de l’illectronisme le montre, comme la Défenseure des droits l’a encore dénoncé, ce sont là de fausses économies, qui ne font que creuser la fracture sociale.

Il faut nous réveiller pour répondre aux enjeux sociaux et lutter réellement contre le réchauffement climatique.

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