Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le rapport public annuel de la Cour des comptes.
Si ce rendez-vous est traditionnel, il n’en est pas moins essentiel pour les parlementaires que nous sommes et s’inscrit dans un contexte doublement particulier. D’une part, il permet de dresser un premier bilan des dispositifs mis en place pendant la crise sanitaire. D’autre part, il ouvre des perspectives sur les grands enjeux des politiques publiques de demain, à la veille d’une échéance électorale majeure pour notre pays.
Ainsi que le rappelle la Cour des comptes, la crise a mobilisé des moyens publics importants. Cette augmentation des dépenses pèse naturellement sur le déficit et la dette publique.
Certes, la Cour des comptes met en avant la nécessaire maîtrise des finances publiques, mais le redressement des comptes publics ne saurait s’entendre sous le seul prisme de la réduction drastique de la dépense.
Tout d’abord, toutes les dépenses ne se valent pas et certaines sont indispensables pour préserver notre tissu économique et social, et préparer l’avenir. Ensuite, ne pas évoquer la question des recettes, alors même que les baisses d’impôts en cette fin de quinquennat ont notablement allégé les recettes fiscales, n’aurait guère de sens.
Si la stratégie du « quoi qu’il en coûte » a été utile et efficace à court terme, la réaction du Gouvernement a toutefois manqué de célérité et d’ambition, sur un sujet pourtant stratégique pour l’avenir : la jeunesse.
Dans un contexte économique dégradé, le Gouvernement a proposé une série de mesures en faveur de l’emploi des jeunes. De fait, le plan « 1 jeune, 1 solution », initialement doté de 6, 5 milliards d’euros mais dont le coût devrait avoisiner les 10 milliards d’euros, n’a pas eu d’équivalent dans les pays comparables à la France. Pour autant, si la Cour des comptes souligne la légitimité de l’action du Gouvernement, elle regrette son manque d’efficacité eu égard aux moyens déployés.
L’emploi des jeunes est certes revenu à son niveau d’avant-crise, mais la plus-value des nouveaux dispositifs n’est pas démontrée.
Les mesures les plus coûteuses semblent être celles qui ont eu le moins de portée. Il en est ainsi des trois primes à l’embauche, lesquelles, pourtant, représentent 70 % des montants engagés.
La Cour des comptes souligne également le manque d’adéquation entre les dispositifs proposés et les besoins des publics concernés, et ce sans prise en compte des réalités territoriales. Ainsi, certains jeunes se sont retrouvés dans des dispositifs sans rapport avec leur projet professionnel, afin d’obtenir une solution financière.
La mise en place d’un éventail de dispositifs trop ciblés a même eu un effet contre-productif pour les publics les plus éloignés des structures d’insertion sociale.
Je note, par ailleurs, que l’allocation jeunesse que nous proposions en janvier 2021 aurait pris, dans ces circonstances particulières, tout son sens. La Cour des comptes souligne en effet qu’« assurer un soutien financier à des jeunes en grande difficulté pendant la crise » aurait pu être un « objectif plus clairement énoncé », plutôt que de faire le choix de parcours d’accompagnement intensif assorti d’une allocation.
La crise sanitaire a également lourdement affecté le quotidien du monde étudiant. De longues files de jeunes gens faisant la queue lors des distributions de denrées par les associations caritatives : nous avons tous vu ces images, symboles de la précarité étudiante et de la triste réalité du quotidien de nos jeunes.
La Cour des comptes se montre sévère quant au soutien à la vie étudiante. Elle livre un constat sans appel sur la méconnaissance de la situation des étudiants de la part du ministère. Effectivement, comment apporter une réponse appropriée à un public que l’on ne connaît pas ?
Si comparaison n’est pas raison, force est de constater que la réactivité de nos voisins européens a été plus grande. Des aides ont été versées dès le début de l’été 2020 aux étudiants les plus vulnérables ; il a fallu attendre six mois de plus pour qu’il en soit ainsi dans notre pays.
De même, certains dispositifs n’ont pu atteindre leur cible.
C’est le cas de l’aide à la perte d’emploi ou de stage gratifié. Cette aide de 200 euros pouvait potentiellement concerner 510 000 étudiants ; seuls 23 429 en ont bénéficié. Il faut bien dire que les critères demandés pour la percevoir ont exclu un grand nombre du dispositif. Ces critères restrictifs visaient à limiter le coût de la mesure : voilà au moins un objectif atteint !
La crise a mis en lumière la situation des étudiants et invite à définir des politiques de soutien à la vie étudiante adaptées : de la santé à l’insertion professionnelle, en passant par les aides du quotidien.
Si nous ne partageons pas toutes les recommandations de la Cour des comptes, notamment celles qui concernent les réformes structurelles envisagées dans le cadre de la réduction des déficits publics, celles qui ont trait à la jeunesse méritent toute notre attention.