Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 24 février 2022 à 10h30
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, comme chaque année, la présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes est un moment important de notre vie démocratique. Ce qui me paraît préoccupant, c’est que personne ou presque ne s’inquiète vraiment de la situation de nos finances publiques. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes met en exergue le déclassement de la France en la matière, la France devenue un facteur de risque pour la cohésion de la zone euro !

Le rapport public annuel de la Cour des comptes fait état d’un déficit structurel durablement dégradé pour la France après la crise. La Cour prône une grande rigueur d’ici à 2027 pour ramener le déficit public sous 3 % de PIB. Ce n’est pas la stratégie présentée par le Gouvernement, qui refuse la référence à une règle d’or budgétaire, pourtant plus nécessaire que jamais au regard de notre addiction à la dépense publique. On ne peut plus ni résoudre les problèmes en signant des chèques ni répondre aux conséquences de l’inflation par la dépense publique !

Ce rapport constitue tout à la fois un éclairage utile et cruel de la politique menée par l’actuel chef de l’État et un avertissement lancé à l’adresse de tous les dirigeants qui aspirent à l’Élysée. La Cour des comptes réclame un programme tout en rigueur de 9 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport à la trajectoire d’avant-crise pour redresser les comptes durant le prochain quinquennat. Les Allemands viennent de nous rappeler leur attachement au pacte de stabilité, alors que le gouvernement français a décidé d’envoyer sa copie seulement après les échéances…

Il existe « une divergence persistante avec nos partenaires européens », écrit la Cour des comptes, en prévenant que « cela impliquera des efforts plus importants de redressement à partir de 2023 ». L’année 2023 – et le mur de la dette de plus en plus proche, avec une hausse inéluctable des taux qui précipitera nos finances publiques dans l’abîme – est l’année de tous les dangers.

Nous sommes là ce matin pour tenter d’être des lanceurs d’alerte, dont les paroles, déjà rendues inaudibles par un « quoi qu’il en coûte » certes nécessaire, mais annihilant toute pédagogie, sont aussi couvertes, hélas, par le bruit des bottes aux portes de l’Europe.

Pourtant, la Cour des comptes a su ne pas se taire et notre rôle est de faire résonner ses chiffres et les maux qu’ils recouvrent pour notre pays.

Cette année, le niveau de dépenses publiques s’établira à 55, 7 % du PIB, supérieur de 2 points, soit environ 50 milliards d’euros, à son niveau de 2019. « Les dépenses hors crise de l’État augmenteraient fortement, de près de 11 milliards d’euros en 2021 et de 8 milliards d’euros en 2022 », écrit la Cour des comptes.

Cette situation la conduit à s’inquiéter du « décalage » avec le redressement des comptes publics opéré par nos partenaires européens et à classer la France parmi les cancres de la zone euro. Ainsi précise-t-elle : « La France appartiendrait au groupe de pays dont le ratio de dette (110 points de PIB ou au-dessus) et le déficit structurel (environ 5 points de PIB) sont les plus élevés. » Le rapport décrit la situation réelle et inquiétante des finances publiques et met en exergue le déclassement de la France, alors que « le Gouvernement centre sa communication sur les résultats un peu meilleurs que prévu de 2021 ».

Pire, ce rapport montre que malgré ce dopage à la dépense publique, nos politiques publiques sont trop souvent erratiques, inefficaces et toujours en manque d’anticipation, même sur des sujets pourtant faciles à prévoir, comme celui du grand âge, qui n’est que la conséquence de notre démographie.

La Cour des comptes s’interroge en effet sur le modèle des Ehpad. Par-delà même la conjoncture de l’affaire Orpea, elle conforte la demande des acteurs du secteur, qui réclament une grande loi. Il faut redéfinir le modèle d’organisation des Ehpad.

Les trois leviers identifiés pour conduire la réforme sont les autorisations, les contrats pluriannuels et les tarifs. Plus largement, la question du modèle est posée et la question de son dépassement, patente. Déclassement, dépassement, redressement sont des mots si peu présents dans le débat public, quand d’autres le sont trop !

Les questions de l’efficacité de la dépense publique, comme de sa soutenabilité, sont clairement posées par ce rapport. C’est salutaire. La crise a pourtant montré qu’en sortant des carcans nos services publics savaient répondre aux besoins.

Désormais, il nous appartient collectivement de partager ces questions, d’y apporter des réponses démocratiques pour mettre en œuvre les réformes nécessaires de notre modèle, qui est aujourd’hui dépassé et inefficace.

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