Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure qu’il nous est demandé d’approuver vise, entre autres, à mieux lutter contre les différentes formes de délinquance.
En qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes, je veux intervenir sur cette forme particulière de violences aux personnes que sont les violences au sein du couple et sur les moyens qu’il convient d’y consacrer.
Ce serait en effet une grave erreur de considérer, parce que ces violences s’exercent plus dans la sphère privée que dans l’espace public, qu’il s’agit d’un volet mineur ou secondaire de la lutte contre les violences aux personnes.
Suivant les évaluations du très officiel Observatoire de la délinquance, les violences exercées sur des femmes majeures par leur conjoint représentent un peu plus du quart – 26 %, précisément – des violences enregistrées sur personnes de plus de quinze ans. Il ne s’agit donc pas là d’un aspect secondaire de la sécurité.
Je souhaite que l’on ne perde pas de vue non plus un aspect essentiel de toute politique de prévention de ces violences : le traitement de leurs auteurs.
Aussi, je veux insister ici sur la nécessité de préserver le financement des actions de lutte contre ces violences, et plus particulièrement sur la contribution que leur apporte le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD.
Ce fonds, alimenté notamment par un prélèvement sur le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation, a vocation à financer des actions dans le cadre du plan de prévention de la délinquance, ainsi que dans celui de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville.
Le FIPD consacre traditionnellement une partie de ses crédits – 3, 2 millions d’euros en 2008 et en 2009 – à des actions de lutte contre les violences familiales : accueil et orientation des victimes, prise en charge des auteurs des violences, accompagnement des mineurs témoins de ces actes.
Mais ces actions ont commencé de souffrir de la concurrence que leur fait la priorité donnée par le Gouvernement au développement de la vidéosurveillance. Non seulement les crédits consacrés par le FIPD à ce programme augmentent fortement – 12 millions d’euros en 2008, 15 millions en 2009, 30 millions en 2010, d’après les chiffres qui m’ont été communiqués –, mais l’article 62 de la loi de finances pour 2011 leur confère un régime particulier dans la mesure où le contrôle et l’emploi de ces fonds relèveront dorénavant du ministère de l’intérieur, par exception aux règles de fonctionnement du FIPD.
Nous pouvons déjà percevoir, à l’échelon local, les conséquences de cette nouvelle orientation. J’ai reçu des courriers alarmants de plusieurs associations qui ont attiré mon attention sur les conséquences dramatiques de la diminution des crédits qu’elles reçoivent du FIPD au titre de la lutte contre les violences envers les femmes, et ce alors que celle-ci a été érigée en « Grande cause nationale pour 2010 ».
Comme ces actions font l’objet d’un cofinancement avec les collectivités territoriales, la diminution des crédits du FIPD a un effet de levier négatif sur les contributions des communes et autres collectivités, car elle incite celles-ci à se désengager. C’est dramatique tant pour l’accueil des victimes que pour les soins aux auteurs des actes violents.
Tout cela risque d’être encore aggravé par l’article 24 ter A, ajouté par l’Assemblée nationale au projet de loi, qui réserve les financements du FIPD aux seules communes qui se seront dotées à la fois d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et d’un conseil pour les droits et devoirs des familles ou d’une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique.
Monsieur le ministre, je tenais à vous faire part de notre très vive préoccupation et à vous dire que nous sommes nombreux dans cette assemblée à refuser toute perspective de diminution, de cette manière-là, des crédits que le FIPD consacre à la lutte contre les violences familiales.