Monsieur le ministre, le rapport annexé au projet de loi, censé fixer les objectifs et les moyens dévolus à la politique de sécurité intérieure pour les cinq prochaines années, reflète à merveille la philosophie de ce texte.
Il décrit les grandes lignes de vos desseins en matière de sécurité, tout en traitant de questions budgétaires qui, à l’évidence, n’y ont pas leur place.
User d’un tel procédé est fort contestable, voire peu courageux, car il vous permet de ne prendre aucun réel engagement devant la représentation nationale, ce rapport n’ayant pas de valeur normative.
Ce rapport annexé a donc pour seul objet de masquer la réalité de la réduction des effectifs alloués à la lutte contre l’insécurité !
En vérité, comment peut-on prétendre être plus efficace avec moins de présence humaine sur le terrain ? Il n’y a même pas eu de concours de gardien de la paix en 2009, si bien que, à l’horizon de 2012, nous aurons perdu 12 000 policiers nationaux. Nos territoires le ressentent et en souffrent.
La hausse de la délinquance est étrangement concomitante des vagues de suppressions de postes de l’éducation nationale : 16 000 postes supprimés à la rentrée prochaine ! Et je ne parle pas de la suppression des RASED, qui ont pourtant permis de prendre en charge bon nombre d’enfants en difficulté. Une telle situation est franchement inadmissible, mais vous vous gardez bien de l’évoquer dans le rapport annexé, alors que le lien avec les questions de sécurité est évident.
Au-delà des doutes que l’on peut nourrir quant à la véracité des chiffres présentés, ceux-ci tendent malgré tout à démontrer que la gendarmerie disposera au total de moyens réduits et moins bien répartis pour lutter contre la délinquance et garantir la sécurité de nos concitoyens. Du reste, nous persistons à penser que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, que consacre le rapport annexé, est inefficace et dangereux.
La façon dont s’est opéré ce rattachement prouve d’ailleurs que l’objectif était non pas la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la constitution rapide d’une seule force de sécurité, sous la seule autorité civile de l’exécutif.
Nous ne cesserons donc de dénoncer les dangers de cette concentration des pouvoirs de police en une seule main, d’autant que l’objectif est de mettre en œuvre une politique toujours plus sécuritaire, fondée sur la seule répression.
Par ailleurs, le recours accru aux nouvelles technologies, pour le renseignement et le développement des moyens de la police scientifique et technique, s’ils sont indispensables, ne sauraient intégralement compenser la réduction des effectifs due à une application mécanique et aveugle de la RGPP.
Doit-on rappeler que les personnels de la police scientifique se sont mis en grève en septembre dernier, protestant contre leur soumission à la politique du chiffre, alors que vous leur demandez toujours plus ? À cette occasion, ils n’ont pas manqué de dénoncer les conditions de fonctionnement de ce service, qui manque cruellement de moyens.
Toute politique de sécurité ambitieuse passe non seulement par une affectation de crédits adéquats, mais aussi par le développement de services publics tels que la justice et l’éducation.