Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 24 février 2022 à 14h30
Outils de gestion des risques climatiques en agriculture — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est maintenant reconnu par tous, le changement climatique est à l’origine de risques de plus en plus nombreux et de plus en plus forts pour nos agriculteurs et nos agricultrices, avec des conséquences économiques trop souvent dramatiques. La gestion de ces risques relève d’une question de souveraineté alimentaire pour notre pays.

Le statu quo sur le sujet étant problématique, une réforme était bienvenue. Cependant, comme nous l’avons déjà souligné en première lecture, nous nous inscrivons contre la logique même de ce texte, qui privilégie le recours à l’assurance privée pour faire face à ces risques climatiques.

Ce choix d’un désengagement de l’État au profit du secteur assurantiel nous semble à la fois inéquitable et inefficace.

Inefficace, parce que des décisions stratégiques pour notre agriculture, notre alimentation et nos territoires seront confiées à des acteurs privés, avec un encadrement qui nous paraît insuffisant. En témoignent les récentes annonces sur les augmentations de tarifs des contrats MRC.

Inefficace, car très peu d’éléments viennent articuler véritablement l’assurance climatique avec le développement de pratiques agricoles sources de résilience comme la diversification des cultures, l’agroforesterie, les pratiques de préservation de la vie des sols, alors qu’il s’agit de nos premières garanties de prévention des risques.

Cette trop faible incitation à la transition agroécologique se retrouve malheureusement dans bien d’autres politiques publiques, comme le plan stratégique national de la PAC, le plan France 2030 ou les choix budgétaires de soutien à la haute valeur environnementale (HVE) au détriment de l’agriculture biologique.

La présente réforme est fondée sur un système rejeté par l’ensemble des acteurs de l’agroécologie, comme en témoigne la prise de position du collectif Pour une autre PAC contre le financement européen de l’assurance récolte.

Cela n’est pas sans rappeler les politiques de gestion des risques sanitaires liés à la grippe aviaire qui se font, là aussi, contre les acteurs des systèmes agricoles durables, lesquels incarnent pourtant, nous en sommes convaincus, l’avenir de notre agriculture.

En plus d’être inefficace, ce système est inéquitable : les objectifs de couverture assurantielle sont de 30 % seulement en 2030 pour les prairies et l’arboriculture, malgré un grand renfort de financements publics.

Rappelons aussi qu’il n’existe tout simplement pas d’offre disponible pour de nombreux secteurs. Nous sommes donc loin d’un système universel… Ce seront les exploitations les moins en difficulté, celles qui dégagent le plus de trésorerie, qui seront les plus aidées, tandis que les autres ne pourront bénéficier que d’une indemnisation au rabais.

Certes, cette minoration nous est imposée par le droit européen, mais le Gouvernement ou la majorité sénatoriale n’hésitent pas à travailler au changement de la réglementation européenne lorsqu’elle ne les satisfait pas. Ce ne fut pas tout à fait le cas ici…

Ne devons-nous pas agir contre cette disposition qui nous impose de moins bien protéger des secteurs comme l’apiculture, le maraîchage diversifié, les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), les prairies ou encore l’arboriculture ?

Des avancées ont certes été concédées pour tenter de limiter le caractère inégalitaire du texte. Le rapporteur, dont nous saluons le travail, a obtenu un engagement sur un déclenchement de la solidarité nationale à 30 % de pertes pour les productions bénéficiant de peu d’offres assurantielles. Nous reconnaissons cette avancée.

Nous nous réjouissons aussi des engagements formulés pour une réforme de la moyenne olympique.

Pour autant, ce texte ouvre clairement la voie à une baisse de la solidarité nationale, dommageable à la fois pour les producteurs et pour le maintien de productions diversifiées sur le territoire.

La proposition d’un fonds mutuel solidaire faite par plusieurs groupes de gauche et par des acteurs syndicaux agricoles n’a pu être véritablement discutée, ce que nous regrettons. Elle permettrait pourtant de créer un système plus équitable, piloté par l’État et les agriculteurs, tout en s’articulant avec un système de financement permettant de mettre à contribution les secteurs de l’amont et de l’aval agricole, qui restent aujourd’hui les plus profitables.

Les difficultés actuelles lors des négociations des prix viennent encore une fois nous le rappeler : les agriculteurs restent les grands perdants de la chaîne de valeur.

Enfin, ce texte présente un recul majeur, à savoir la modulation de la DJA en fonction de la souscription à un contrat d’assurance ou d’un diagnostic établissant une maîtrise des risques. Il aurait pu être pertinent d’inclure des modules sur la gestion des risques dans le parcours à l’installation, mais la mesure proposée complexifie les démarches, ce qui nous semble une grave erreur à l’heure du défi du renouvellement des générations.

Pour toutes ces raisons, et malgré les efforts d’amélioration que j’ai soulignés, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera, comme en première lecture, contre ce texte.

Le rapporteur est tenace ; nous sommes constants.

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