Cette proposition de loi, que notre collègue rapporteure Michelle Meunier va vous présenter dans quelques instants, est courte – deux articles – et simple : elle vise à supprimer un alinéa de l’article L. 523-2 du code de la sécurité sociale. Surtout, elle constitue à mes yeux le premier volet d’une politique globale de soutien aux familles monoparentales, qui inclurait également la fin de l’imposition des pensions alimentaires, le prolongement jusqu’à 12 ans d’un complément spécifique de libre choix du mode de garde et l’instauration d’un délai avant le retrait des majorations des prestations sociales soumises à une condition d’isolement.
Notre politique familiale, dont nous pouvons être fiers, est caractérisée, entre autres, par sa grande souplesse d’adaptation aux évolutions de la société. Elle accompagne, par exemple, le travail des femmes par le soutien aux divers modes d’accueil des jeunes enfants : crèches, assistantes maternelles. Elle a progressivement substitué la notion de parents et de parentalité à celle de famille et elle est neutre par rapport aux formes de famille, car elle est centrée sur l’enfant et sur la protection de celui-ci.
Près d’un quart des familles sont désormais composées d’un seul parent. Et, dans 82 % des cas, ce parent est une femme. C’est la raison pour laquelle je parle souvent de « mères monoparentales ».
Bien entendu, toutes ces mères monoparentales ne sont pas en situation d’isolement, d’absence de pension alimentaire – beaucoup en perçoivent une, fort heureusement – ou de pauvreté. Néanmoins, sur les 4 millions d’enfants qui vivent dans une famille monoparentale, 1, 4 million vivent sous le seuil de pauvreté. Il est donc nécessaire d’aider les familles monoparentales pour protéger les enfants, notamment de la pauvreté.
J’évoquais il y a quelques instants l’agilité et l’adaptabilité de la politique familiale ; il en est allé ainsi de la transformation, en 1984, de l’« allocation orphelin » en allocation de soutien familial (ASF).
Toutefois, la suspension du versement de cette allocation en cas de remise en couple du parent bénéficiaire, que ce couple soit formel ou informel, me paraît aujourd’hui anachronique. Aussi, dans cet esprit d’adaptation constante de la politique et des prestations familiales aux évolutions de la société, le moment me paraît venu de supprimer cette suspension lorsque le parent bénéficiaire construit un nouveau couple.
En réalité, la suspension de l’ASF en cas de remise en couple, formel ou informel, je le répète, procède d’un postulat : il se créerait dans cette situation une nouvelle solidarité intrafamiliale, grâce au nouveau conjoint, par le nouveau conjoint. Or, pour reprendre le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales de juillet 2021, cette solidarité intrafamiliale liée à une nouvelle remise en couple « est loin d’être systématiquement une réalité ». En effet, il est fréquent que le nouveau compagnon soit lui-même séparé et acquitte une pension alimentaire, versée à la mère de ses enfants, quand elle en a la garde.
Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur une incohérence qui me paraît importante. Lorsqu’une mère séparée perçoit, du père de ses enfants, de son ex-conjoint, une pension alimentaire, celle-ci est versée y compris quand ce parent le parent bénéficiaire se remet en couple. Le juge aux affaires familiales ne décide pas de la suspension du versement de la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants acquittée par le parent séparé et prévue par la convention, au motif que la mère aurait un nouveau conjoint. L’ex-conjoint continue bien de verser la pension alimentaire lorsque la mère a un nouveau couple, crée une nouvelle famille.
Lorsqu’il n’y a pas de pension alimentaire, parce que le père est défaillant, est insolvable, n’existe pas ou a disparu – parmi les bénéficiaires de l’ASF, on trouve les enfants orphelins, les enfants nés sans filiation paternelle identifiée et les enfants ayant une filiation, mais dont les pères ne versent pas la pension alimentaire –, la solidarité nationale, via la caisse d’allocations familiales (CAF), se substitue au père défaillant. Or, dans ce cas, on suspend le versement de l’allocation.
Il y a là une incohérence sur laquelle j’appelle votre attention ; il ne viendrait bien évidemment à l’idée de personne de proposer que la pension alimentaire ne soit plus versée en cas de remise en couple du parent bénéficiaire.
Le maintien de l’ASF après remise en couple du parent allocataire n’est pas une idée totalement nouvelle. Il avait déjà été expérimenté en 2014.
À ce stade de mon intervention, je me propose de faire une petite parenthèse historique, car M. le secrétaire d’État, qui, lui aussi, est très content de nous voir pour la dernière fois dans cette législature, …